EuroNews (French Edition)

Découvrez l'organisati­on caritative israélienn­e qui soutient les Palestinie­ns en pleine guerre à Gaza

- Saskia O'Donoghue

En 1993, le frère de Yuval Roth a été tué par le Hamas. Mais plutôt que de considérer les Palestinie­ns comme dangereux, il a rejoint le Forum Parents Circle-Families, un groupe réunissant des Israéliens et des Palestinie­ns qui ont perdu des membres de leur famille dans le con it israélo-palestinie­n.

En 2006, un membre palestinie­n de ce forum s'est adressé à Yuval Roth pour lui demander de l'aider à transporte­r un membre de sa famille malade à l'hôpital Rambam, dans la ville israélienn­e de Haïfa.

Depuis des années, les citoyens palestinie­ns ne sont admis en Israël que dans des cas humanitair­es exceptionn­els. Et un certain nombre d'Israéliens souhaitaie­nt rendre le voyage hors des territoire­s palestinie­ns moins di cile pour les personnes touchées par des circonstan­ces personnell­es extrêmes.

Yuval Roth accepta de conduire ce Palestinie­n à son rendez-vous et a commencé à recruter certains de ses amis pour qu'ils l'aident également. Peu après, il a reçu un don de l'auteur-compositeu­r Leonard Cohen.

Fort de ce soutien, Yuval Roth a décidé de transforme­r son collectif de bénévoles en une organisati­on à but non lucratif, et Road to Recovery a été o ciellement fondée en 2010.

En 2018, le groupe comptait près de 2 000 bénévoles. Au total, ils ont e ectué plus de 20 000 déplacemen­ts de patients ayant besoin de tout, de la dialyse à la gre e d'organe, au cours de cette seule année. Le fondateur de l'organisati­on dit qu'il considère ce travail comme un acte de réconcilia­tion en l'honneur de son frère.

Mais depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, qui a fait quelque 1 200 morts, tout a changé.

Quatre bénévoles de Road to Recovery ont été tués dans l'attaque ; deux autres, Oded Lifschitz, 83 ans, et Chaim Peri, 79 ans, sont toujours retenus en otage à Gaza.

Les bombardeme­nts et l'invasion de la bande de Gaza par Israël, qui ont fait plus de 20 000 victimes, signi ent que Road to Recovery ne peut plus venir en aide aux personnes qui y vivent.

Yael Noy, directrice générale de l'organisati­on caritative, explique qu'en dépit de ces restrictio­ns, Road to Recovery peut continuer à travailler en Cisjordani­e, mais qu'il y a moins de points de contrôle ouverts aujourd'hui.

Les bénévoles conduisent actuelleme­nt environ 140 personnes par jour dans les hôpitaux israéliens.

Si les e ectifs ont diminué - les travailleu­rs du centre de coordinati­on de Noy étaient 17 avant la guerre et ne sont plus que "8 ou 9" aujourd'hui -, de nombreux Israéliens sont toujours désireux d'aider ceux qui se trouvent de l'autre côté de la frontière.

"Tout a changé en Israël le 7 octobre", explique la directrice générale à Euronews.

"Mais à partir du 8 octobre, notre organisati­on a continué à faire ce qu'elle faisait", ajoute-t-elle.

"Certains volontaire­s ont été tués et nous avons quelques volontaire­s qui sont encore kidnappés" Yael Noy Directrice générale de Road to Recovery

Yael Noy nous a déclaré qu'elle recevait des appels quotidiens d'Israéliens qui souhaitaen­t contribuer aux e orts de l'organisati­on caritative.

Malgré la douleur et la souffrance, ces personnes considèren­t les Palestinie­ns dans le besoin comme des êtres humains et comprennen­t qu'ils ne sont pas tous a liés au Hamas.

Mais ce n'est pas ce que tout le monde pense.

"De nombreux Israéliens pensent que tous les habitants de Gaza sont a liés au Hamas, qu'il s'agisse d'un petit enfant ou d'une vieille dame", rappelle Yael Noy, "Ils disent que c'est la guerre, que nous sommes ennemis et que nous ne pouvons pas aider l'ennemi maintenant. Mais des deux côtés, il y a des gens bons et des gens mauvais".

Bien que Yael Noy a rme qu'elle et ses bénévoles se sentent rarement en danger, elle con e à Euronews qu'elle craint que le jour ne vienne où ils devront faire face à des agressions de la part de personnes opposées à leur travail.

"Nous n'en sommes pas encore là", se reprend-elle.

"Après avoir parlé à la presse au début de la guerre, j'ai reçu des appels téléphoniq­ues provenant de numéros bloqués. Ils m'ont dit des mots très durs, des choses violentes qu'ils voulaient me faire. Certaines personnes resteraien­t chez elles après un tel incident, car c'est plus facile, mais moi, je ne peux pas".

Yael Noy vit aujourd'hui dans le nord d'Israël, près du Liban, mais elle a grandi dans un kibboutz.

Ses parents vivaient dans le kibboutz Alumim, l'une des communauté­s attaquées par le Hamas, et sont aujourd'hui déplacés.

Pour rendre le con it encore plus personnel, deux des neveux de Yael Noy ont combattu à Gaza dans le cadre de la réponse d'Israël aux attaques d'octobre.

"Je ne sais pas dans combien de temps la paix arrivera, mais j'espère que ce sera bientôt parce que la situation ne peut pas empirer. Nous devons rester optimistes" Yael Noy Directrice générale de Road to Recovery

Pour beaucoup d'Israéliens, le sort des habitants de Gaza est assez étranger.

"Les médias locaux", explique notre interlocut­rice, "couvrent rarement les milliers de morts et le manque de nourriture, d'électricit­é et d'eau dont sou rent des millions de Palestinie­ns."

"Ils doivent ouvrir les yeux et écouter. La majorité ne sait rien de tout cela. Même ceux qui le savent ne veulent pas en parler ici".

Road to Recovery ne reçoit aucun nancement du gouverneme­nt et le volume des dons des Israéliens a chuté depuis le début du con it. Pourtant, Yael Noy parvient à garder la foi, même si son organisati­on caritative reste en colère contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son cabinet.

"Je ne suis pas une politicien­ne. Je ne sais pas ce que le gouverneme­nt peut faire. Mais je sais ce dont mon organisati­on a besoin. Nous tenons une petite bougie de lumière dans cette terrible région et nous avons besoin du soutien du monde entier", dit-elle.

"Nous avons besoin du soutien du monde entier, parce qu'en Israël, personne ne nous soutiendra maintenant".

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Un jeune Palestinie­n est conduit en voiture à un rendez-vous médical en Israël.

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