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Gauche contre droite : les Finlandais se rendent aux urnes dans une course présidenti­elle serrée

- David Mac Dougall

Les Finlandais se rendent aux urnes cette semaine pour voter par anticipati­on dans le cadre de l'élection présidenti­elle, alors que le scrutin principal aura lieu à la n du mois.

Les habitudes de vote suggèrent qu'un tiers des électeurs dans le pays et à l'étranger pourraient voter avant le 28 janvier, les Finlandais de l'étranger ayant également le droit de voter pendant cette période.

Parmi les neuf candidats en lice, deux sont les grands favoris du second tour qui aura lieu à la mi-février, bien qu'un sursaut du candidat d'extrême droite puisse encore créer la surprise.

Deux anciens ministres des affaires étrangères, Alexander Stubb, du parti de droite de la Coalition nationale (connu localement sous le nom de "Kokoomus"), et Pekka Haavisto, un politicien du parti "Green League", ont pris une nette avance dans les sondages d'opinion au cours d'une longue campagne qui a vu les candidats passer au crible tous les sujets, de leurs compétence­s en matière de politique étrangère à leurs musiques, livres et plats préférés, en passant par les voitures qu'ils conduisent et les messages de leurs animaux de compagnie sur les réseaux sociaux.

Les derniers sondages montrent qu'Alexander Stubb et Pekka Haavisto sont à trois points de pourcentag­e l'un de l'autre.

En Finlande, le président est l'un des rares en Europe à être élu au su rage universel direct et à ne pas avoir un rôle essentiell­ement cérémoniel, contrairem­ent à l'Italie, à l'Allemagne, à l'Estonie ou à la Pologne, par exemple. Ce poste est également assorti d'une responsabi­lité constituti­onnelle en matière de politique étrangère en dehors de l'UE, et son titulaire est le commandant en chef des forces de défense nlandaises.

Mais le président ne peut pas agir unilatéral­ement : il doit travailler en coopératio­n avec le gouverneme­nt en place pendant son mandat de six ans en tant que chef d'État de la Finlande.

La fonction a pris de l'importance sous la présidence de Sauli Niinistö, alors que la Finlande s'apprêtait à consolider son alignement sur l'OTAN depuis des décennies et à adhérer o ciellement à l'alliance militaire.

Alexander Stubb représente la droite

Alexander Stubb, ancien Premier ministre et ministre des a aires étrangères nlandais formé aux États-Unis, a été éloigné de la politique de première ligne au cours des sept dernières années. Il a d'abord travaillé à la Banque européenne d'investisse­ment au Luxembourg, puis dans une université en Italie.

Son parti, "Kokoomus", a formé un gouverneme­nt de coalition avec le parti d'extrême droite "Finns", qui, depuis son arrivée au pouvoir l'été dernier, a été confronté à des controvers­es sur le racisme, le soutien aux théories du complot ethno-nationalis­te et les liens avec des groupes néo-nazis.

Bien qu'Alexander Stubb soit resté jusqu'à présent à l'écart de la mêlée gouverneme­ntale, il s'attire toujours le soutien des électeurs d'extrême droite, qui le préférerai­ent au palais présidenti­el plutôt que son adversaire libéral, vert et homosexuel.

"Avec Alexander Stubb, les électeurs obtiendrai­ent un président ayant de très bonnes relations internatio­nales et une grande expérience politique, ainsi qu'une connaissan­ce approfondi­e de l'Union européenne et de la politique européenne", explique Jenny Karimäki, politologu­e à l'université d'Helsinki.

Alexander Stubb, qui est poly

glotte, a été un fervent pro-européen tout au long de sa carrière politique et a soutenu l'adhésion à l'OTAN, bien avant que cela ne soit à la mode. Son origine suédo- nlandaise, son éducation élitiste, son penchant pour les costumes de marque et son attitude parfois brusque peuvent déplaire aux Finlandais de la classe ouvrière.

Le comité de campagne d'Alexander Stubb a déclaré qu'il était trop occupé pour répondre aux questions envoyées à l'avance par Euronews.

Pekka Haavisto représente la gauche

C'est la troisième fois que Pekka Haavisto tente de devenir président de la Finlande. Il est arrivé deuxième lors des deux dernières élections, derrière Sauli Niinistö.

Premier ministre européen ouvertemen­t homosexuel, Pekka Haavisto vit avec son partenaire depuis plus de 20 ans. Il est un précurseur de la représenta­tion des LGBTQ aux plus hauts niveaux de la politique : il a dirigé son parti et travaillé en tant qu'envoyé des Nations unies.

"Les électeurs auraient un président qui a occupé un poste clé en tant que ministre des A aires étrangères pendant le processus de l'OTAN en Finlande et qui a donc des connaissan­ces de pointe dans les domaines de la politique étrangère et de la sécurité, ainsi qu'une expérience en tant que négociateu­r de paix dans le Sud global ", explique Jenny Karimäki de l'Université d'Helsinki.

Pekka Haavisto explique à Euronews qu'il y a un sentiment de "dynamique positive" dans sa campagne, alors qu'il parcourt le pays dans un nouveau bus de campagne.

"Les gens sont très désireux de discuter de la sécurité nationale. Il y a beaucoup d'enthousias­me dans l'air", con e-t-il.

Apparemmen­t capable d'éviter les scandales potentiels avec facilité pendant son mandat au ministère des A aires étrangères, Pekka Haavisto a néanmoins été critiqué pour sa gestion du programme visant à ramener les ressortiss­antes nlandaises mariées à des combattant­s de l'ISIS, ainsi que leurs enfants, qui étaient bloqués dans un camp de réfugiés en Syrie.

Pekka Haavisto est peut-être allé trop loin en essayant de se présenter comme un candidat universel, tout en s'aliénant une partie de la gauche. Dans le cadre d'une stratégie visant à attirer les électeurs du centre et de la droite modérée, Pekka Haavisto a déclaré qu'il n'était pas un candidat "rouge". Il a balayé ce faux pas en a rmant, à Euronews, que "l'appartenan­ce à un parti n'est pas au premier plan" de cette campagne.

"Les antécédent­s de Pekka Haavisto ainsi que ses compétence­s et son style de gestion ont été évalués par les médias nlandais", ajoute Jenny Karimäki, de l'université d'Helsinki.

Sept autres candidats dans une course très disputée

Sept autres candidats sont en lice, mais jusqu'à présent, aucun d'entre eux n'a réussi à percer au niveau national.

Li Andersson, leader du parti de l'Alliance de gauche, est considérée comme l'une des politicien­nes les plus brillantes de sa génération, mais ses sondages se situent toujours dans la moyenne.

Jutta Urpilainen, en congé de son poste de Commissair­e européen en Finlande, ne s'est lancée dans la course que tardivemen­t, et quelque peu sans enthousias­me, à la n de l'année dernière, mais elle n'a pas réussi à obtenir une véritable traction pour les sociaux-démocrates.

Sari Essayah, ancienne députée européenne et championne du monde de speedwalki­ng sur 10 000 mètres en 1993, en est à sa deuxième campagne présidenti­elle et obtient toujours entre 1 % et 2 % des voix, tandis que Hjallis Harkimo, star millionnai­re de la télé-réalité qui a créé son propre parti politique, "Movement Now", se traîne lui aussi dans les mêmes proportion­s.

Olli Rehn, du Parti du Centre, un autre ancien commissair­e européen et actuel président de la Banque de Finlande, a mené une campagne solide et semble "présidenti­el" dans ses apparition­s, mais la fortune nationale de son parti est dans le marasme depuis les dernières élections générales, ce qui se répercuter­a presque certaineme­nt sur lui : Olli Rehn aura de la chance s'il obtient plus de 10 % des voix au premier tour.

Mika Aaltola, candidat indépendan­t spécialisé dans la politique étrangère, a vu sa cote de popularité chuter comme une pierre, alors qu'il était l'un des principaux candidats, il y a un an, et qu'il n'obtient aujourd'hui qu'un faible pourcentag­e. L'absence d'infrastruc­ture de parti pour soutenir sa campagne et son manque d'expérience politique se sont avérés être les points faibles de sa candidatur­e à l'élection présidenti­elle.

Le candidat du parti d'extrême droite des Finlandais, Jussi Hallaaho, a tenté d'en ammer la campagne avec une rhétorique de plus en plus populiste : il a porté plainte contre un jeune politicien vert et un humoriste pour l'avoir traité de "fasciste". Il a également déclaré que les membres du Parlement et les ministres du gouverneme­nt devraient être des Finlandais de naissance sans origine étrangère, ce qui a été critiqué comme étant anticonsti­tutionnel.

Mais pourrait-il faire une percée populiste tardive et se quali er pour le second tour ?

"À ma connaissan­ce, le soutien de Jussi Halla-aho provient principale­ment des partisans du Parti des Finlandais et il n'a pas été en mesure d'attirer le soutien de l'ensemble des partis", explique Jenny Karimäki, de l'université d'Helsinki.

"Le soutien du Parti des Finlandais se situe autour de 17 % et s'il parvenait à les convaincre tous, la course pourrait être serrée, mais pour cela, Jussi Halla-aho devrait regagner tous les partisans du Parti des Finlandais qui soutiennen­t actuelleme­nt Alexander Stubb", explique-t-elle.

"Jusqu'à présent, la campagne de Jussi Halla-aho n'a pas révélé d'aspects particuliè­rement nouveaux de sa personne et de sa politique qui pourraient faire pencher la balance en sa faveur par rapport à Alexander Stubb", conclut-elle.

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DOSSIER : Une vue des a ches de campagne des candidats à la présidence nlandaise à Helsinki, Finlande, mercredi 10 janvier 2024.
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