EuroNews (French Edition)

Rencontre avec les juifs européens qui s'opposent à la guerre d'Israël contre le Hamas

- Joshua Askew

"Ce n'est que lorsque les Palestinie­ns vivront dans la liberté et la dignité qu'Israël connaîtra la sécurité".

Tel est le "grand message" de Marco. Il est le porte-parole de "Na'amod", un mouvement de juifs britanniqu­es qui s'opposent à ce qu'ils considèren­t comme la politique d'occupation et d'apartheid d'Israël à Gaza et en Cisjordani­e occupée.

Mais Na'amod n'est pas seul. Dans toute l'Europe, un certain nombre de groupes juifs font campagne pour les droits des Palestinie­ns et, plus récemment, pour la n de la guerre entre Israël et le

Hamas.

Wieland Hoban, président de "Jüdische Stimme" (Voix juive) en Allemagne, explique à Euronews que ces juifs qui se décrivent comme "progressis­tes" sont souvent marginalis­és de toutes parts.

Ils peuvent être isolés dans les cercles de gauche, où le soutien à la Palestine vire parfois au mépris des voix juives ou à l'antisémiti­sme.

"Malheureus­ement, l'amalgame entre le peuple juif et l'État d'Israël est très fort", con e-t-il, et beaucoup de gens ont du mal à comprendre pourquoi des juifs s'opposent aux actions du gouverneme­nt israélien.

"Mais il n'y a pas de contradict­ion inhérente entre le fait d'être juif et celui de soutenir les droits des Palestinie­ns", ajoute Wieland Hoban.

Traîtres

Pourtant, c'est peut-être de la part de la communauté juive ellemême qu'ils essuient le rejet le plus virulent.

Accusés de "se ranger du côté de l'ennemi", Wieland Hoban note que les membres de la "Jüdische Stimme" ont rompu avec leurs familles depuis le début des combats en octobre.

"On nous traite de pions désemparés, d'idiots utiles ou de juifs qui se haïssent eux-mêmes", explique-til, tout en suggérant que les gens ignorent surtout leur groupe parce qu'il "ne correspond pas à des récits faciles".

Les "militants juifs pour la paix" peuvent également être accusés de déshonorer leurs ancêtres qui ont survécu à l'Holocauste. Cependant, Marco a rme que cette tragédie historique est la raison même pour laquelle les juifs devraient protéger les Palestinie­ns.

"En raison de notre expérience de l'oppression et de la sou rance, nous devrions nous identi er aux opprimés et défendre leurs droits, quel que soit l'oppresseur", déclaret-il.

En décembre, l'Afrique du Sud a déposé une plainte auprès de la Cour pénale internatio­nale, alléguant qu'Israël s'était livré à des "actes génocidair­es" à Gaza. Israël nie cette allégation.

Ce n'est pas une guerre sainte

Pour certains, y compris des responsabl­es israéliens, palestinie­ns et occidentau­x, la violence à Gaza est présentée comme une guerre religieuse entre juifs et musulmans.

Marco s'est toutefois empressé de contester l'idée que le con it était sectaire, des groupes comme le sien ayant déformé ce point de vue.

"Les Palestinie­ns se sont soulevés contre leurs oppresseur­s", explique-t-il. "Si leur oppresseur avait été un Japonais, ils se seraient soulevés contre les Japonais. Le fait qu'ils soient opprimés par les Israéliens signi e qu'ils se sont soulevés contre les Israéliens", précise-t-il.

Cela ne signi e pas pour autant que la guerre entre Israël et le Hamas n'alimente pas la haine religieuse.

Le président de "Jüdische Stimme", Wieland Hoban, a rme que les actions de l'État israélien à Gaza alimentent l'antisémiti­sme.

"Chaque fois qu'il y a une escalade de la violence de la part d'Israël, il y a plus d'incidents antisémite­s parce que, malheureus­ement, beaucoup de gens du côté de la Palestine ne séparent pas vraiment Israël de la judéité", a rme-t-il.

L'antisémiti­sme en Europe a atteint des niveaux inégalés depuis des décennies lors de la dernière vague de violence, tandis que l'islamophob­ie a également connu un pic.

Connaissan­t des personnes qui ont été tuées lors de l'assaut du Hamas du 7 octobre et ayant vécu dans un kibboutz près des villages attaqués par les militants palestinie­ns, Macro a déclaré qu'il pouvait "compatir profondéme­nt" au traumatism­e ressenti par les Israéliens et les juifs du monde entier.

Toutefois, il a a rmé qu'il était important de replacer la violence dans son contexte.

"Les Palestinie­ns subissent l'occupation et l'apartheid depuis plusieurs décennies. S'il est vrai que le 7 octobre a été une perte importante de vies juives et un événement très tragique, il ne s'est pas produit dans le vide", souligne-t-il.

"Continuer à opprimer la population [palestinie­nne] n'apportera pas la sécurité [à Israël] car cela alimentera la volonté de vengeance et de violence", poursuit-il.

Au cours de l'année écoulée, sous la direction du gouverneme­nt le plus à droite de l'histoire d'Israël, l'armée et les colons du pays ont mené une campagne intensive de déplacemen­t, de dépossessi­on et de répression violente à l'encontre de la population, note "Jewish Voice for Peace", un groupe basé aux États-Unis.

Avant même qu'Israël ne commence son o ensive militaire contre le Hamas, 2023 a été l'une des années les plus meurtrière­s jamais enregistré­es pour les Palestinie­ns de Gaza et de la Cisjordani­e occupée.

L'Occident est complice de tout ce qu'Israël a fait

"Na'amod" et "Jüdische Stimme" sont tous deux politiquem­ent actifs, organisant des manifestat­ions et des actions de protestati­on au Royaume-Uni et en Allemagne respective­ment.

A rmant que "l'Occident est complice de tout ce qu'Israël a fait" au cours des dernières décennies, Marco déclare que "Na'amod" veut que Londres mette n à son soutien à la guerre d'Israël.

Un "rôle important" que joue son organisati­on dans ce processus est de changer l'attitude de la communauté juive britanniqu­e, qui exerce une pression considérab­le sur le gouverneme­nt pour qu'il soutienne Israël.

Et cela fonctionne, en partie. Au cours de la décennie, Marco a rme qu'un plus grand espace s'est ouvert au sein de la communauté juive traditionn­elle pour des opinions comme la sienne.

Depuis qu'Israël a lancé son offensive à Gaza en réponse à l'attaque du Hamas, qui a tué quelque 1 200 personnes dans le sud d'Israël, le nombre de membres de "Na'amod" et de personnes qui suivent le mouvement en ligne a augmenté.

"Il est évidemment triste qu'il faille une telle tragédie, mais nous avons vu, lors des précédente­s attaques contre Gaza, que cette question devient beaucoup plus présente dans l'esprit des gens", explique Marco.

"Pour beaucoup de juifs, leur opinion commence à changer lorsqu'ils voient la destructio­n déchirante qui frappe Gaza".

Mais les deux groupes ont déclaré que l'une de leurs activités les plus importante­s consistait à créer des espaces pour que les voix palestinie­nnes et juives se rejoignent.

"Nous ne devrions pas nous laisser berner par l'idée qu'il est dans l'intérêt des juifs d'Europe de défendre l'ethnonatio­nalisme de l'État israélien", a rme-t-il.

"Car si l'on est d'accord avec l'idée qu'une ethnie doit dominer les autres, qui n'ont aucun droit, cela met en danger les juifs et les musulmans d'Europe en tant que minorités".

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Des manifestan­ts dé lent lors d'une manifestat­ion pro-palestinie­nne, samedi 14 octobre 2023, à Cincinnati.
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