EuroNews (French Edition)

Notre débat à Davos : l'élargissem­ent de l'UE à l'Est est-il vraiment une opportunit­é économique ?

- Oleksandra Vakulina

Près de vingt ans après le big bang de l'élargissem­ent de l'Union européenne en 2004, l'ambition de l'Union européenne d'accepter de nouveaux membres, longtemps restée en suspens, a été relancée de manière frappante. Au-delà des arguments moraux et géopolitiq­ues en faveur de l'expansion de l'UE vers l'Est, existe-t-il un argument commercial à faire valoir, en particulie­r auprès des électeurs européens préoccupés par l'emploi et l'in ation, mais aussi des entreprise­s inquiètes de la stagnation de la productivi­té dans l'UE ?

Nous en parlons en marge de la réunion annuelle 2024 du Forum économique mondial à Davos,

avec Milojko Spajić, Premier ministre du Monténégro, Rostyslav Shurma, chef adjoint du cabinet du président de l'Ukraine, Mariya Gabriel, Vice-Première ministre et ministre des A aires étrangères de la Bulgarie et excommissa­ire européenne et Christian Levin, président-directeur général de Scania (Suède), membre de l'Alliance of CEO Climate Leaders.

Mariya Gabriel : "L'élargissem­ent transforme les facteurs externes en quelque chose que nous pouvons gérer"

Au cours de notre discussion, l'ancienne commissair­e européenne

Mariya Gabriel estime que ce n'est pas "à cause de la Russie" que nous parlons de nouveau de l'adhésion à l'UE des Balkans occidentau­x. Elle rappelle l'importance du sommet UE-Balkans occidentau­x en 2018 et de ses résultats, puis "l'agenda numérique, le programme d'innovation, le nouveau plan de croissance que nous avons aujourd'hui", soulignant les "énormes investisse­ments" réalisés par l'UE.

L'actuelle Vice-Première ministre de la Bulgarie souligne également que "l'élargissem­ent montre toujours que nous avons ce vivier de jeunes quali és qui, ainsi, ne quitteront pas leur région et ils seront vraiment là pour cocréer, pour façonner les solutions de l'avenir."

Elle voit également dans ce processus où "les avantages l'emportent largement sur les risques" selon elle, un moyen d'étendre le marché, mais aussi un rempart contre l'in ation. "Il y a de nombreux facteurs externes qui la favorisent, [mais] l'élargissem­ent les transforme en quelque chose que nous pouvons gérer, même contrôler de manière à au moins intégrer et

réduire certains des risques," assure-t-elle.

Christian Levin : "De nouveaux marchés très compétitif­s"

Alors que son entreprise a beaucoup investi dans certains des pays qui ont adhéré à l'UE en 2004, comme la Pologne, par exemple, le PDG de Scania, de son côté, évoque le développem­ent de son entreprise dans ce pays depuis son adhésion.

"Nos ventes de véhicules en Pologne et sur l'ensemble du marché polonais ont été multipliée­s par cinq ; si nous considéron­s nos ventes de services, qui sont si importante­s pour la rentabilit­é d'une entreprise fournissan­t des camions, elles ont été multipliée­s par dix," se félicite Christian Levin dont la société est également présente en Ukraine depuis trente ans. "Nous ne pouvons qu'encourager d'autres entreprise­s privées à saisir l'occasion de venir en Ukraine et d'y investir, dès maintenant," indique-t-il. "À titre d'exemple, nous venons de réaliser notre meilleure année en Ukraine en 2023, en raison des énormes besoins de transport qui apparaisse­nt, en partie à cause de la guerre et en partie à cause du développem­ent du pays," fait-il remarquer.

Quant aux autres futurs membres potentiels, il estime que "nous verrons cet essor, non seulement en Ukraine, mais aussi au Monténégro et dans d'autres pays qui rejoindron­t l'UE, se produire dans des proportion­s similaires. Certains des nouveaux marchés de l'UE sont très compétitif­s, ce qui est une bonne chose pour nous," ajoute-t-il.

Milojko Spajić : "Un signal fort pour le secteur privé"

Alors que le Monténégro est spéci quement considéré comme l'un des pays candidats les plus performant­s du voisinage oriental de l'UE, son Premier ministre Milojko Spajić rappelle le chemin parcouru. "Auparavant, le Monténégro ressemblai­t davantage à la Mongolie ou au Kazakhstan en termes de structure économique, mais ensuite, nous avons été, au plan géopolitiq­ue et stratégiqu­e, tournés vers Bruxelles et ce décalage ne fonctionne pas à long terme," assure-t-il. "Ainsi, si vous voulez faire partie du club, vous devez à la fois, être en ligne avec l'économie et les valeurs, je pense donc que c'est la combinaiso­n gagnante," souligne-t-il.

Si les performanc­es économique­s de son pays sont bonnes, il n'en reste pas moins selon lui que "le plan de croissance de l'UE est très important car il constitue un signal fort pour le secteur privé."

Milojko Spajić se félicite que l'Union soit en train d'accélérer le rythme. "Nous allons connaître un grand cycle d'investisse­ment dans les cinq à six prochaines années au Monténégro, nous nous attendons à ce que les entreprise­s et les intermédia­ires nanciers de l'UE soient beaucoup plus actifs qu'ils ne l'étaient auparavant, nous sommes prêts pour cela et je pense que l'Union est en n prête," insiste-t-il.

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Rostyslav Shurma : "L'Ukraine a des choses à apporter au sein de l'UE"

L'enthousias­me de l'Ukraine pour l'adhésion à l'UE a remis l'élargissem­ent au premier plan de l'agenda politique. L'Ukraine est le pays candidat le plus grand et le plus peuplé, après la Turquie, et répond à une agression depuis près de deux ans, dans le contexte d'une invasion à grande échelle. Une partie des électeurs et des États membres de l'UE peuvent s'inquiéter de savoir si elle peut, pour ainsi dire, "digérer" facilement l'Ukraine.

"L'Union européenne était beaucoup plus petite lorsqu'elle a intégré la Pologne et l'a "digérée", je pense donc que ce ne sera pas un problème," assure Rostyslav

Shurma."ll se trouve que l'Ukraine a des choses à apporter au sein de l'UE, en matière de sécurité, de défense et de technologi­e militaire," indique-t-il, à savoir : "Une industrie qui sert la défense et la sécurité de l'ensemble de l'Union européenne, [mais aussi] une très bonne contributi­on à la production manufactur­ière, à la maîtrise de certaines ressources des chaînes de valeur, [grâce à] des ressources naturelles, dont l'Union européenne manque actuelleme­nt," et ce, selon lui, a n de "rendre l'ensemble du système énergétiqu­e plus solide et plus durable."

"Je considère donc cela comme un projet commercial à long terme dans lequel vous pouvez obtenir un retour sur investisse­ment satisfaisa­nt en investissa­nt dans le développem­ent de ces territoire­s," conclut-il.

Retrouvez l'intégralit­é de notre débat dans le lecteur vidéo ci-dessus.

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