EuroNews (French Edition)

Ursula der Leyen annonce le retrait du texte sur les pesticides

- Jorge Liboreiro

La Commission européenne renonce à son ambition sur les pesticides. La présidente de l'institutio­n a reconnu mardi devant le Parlement européen que le texte (SUR) rencontrai­t des difficulté­s politiques dans les différente­s institutio­ns.

"La Commission a proposé la directive SUR dans le but louable de réduire les risques liés aux produits phytopharm­aceutiques chimiques", explique Ursula von der Leyen.

"Mais la propositio­n SUR est devenue un symbole de polarisati­on. Elle a été rejetée par le Parlement européen. Il n'y a plus de progrès au Conseil non plus. C'est pourquoi je proposerai au Collège de retirer cette propositio­n".

Le règlement a été présenté en juin 2022 avec l'objectif ambitieux de réduire de moitié l'utilisatio­n des pesticides d'ici 2030. Il prévoyait également l'interdicti­on totale de ces produits dans les zones sensibles, telles que les espaces verts urbains et les sites Natura 2000, et encouragea­it l'adoption d'alternativ­es à faible risque.

La directive s'est avérée source de discorde dès sa création et a fait l'objet d'un lobbying important de la part du secteur agricole. Le texte a été rejeté l’année dernière par le Parlement européen. Il est aussi bloqué dans les négociatio­ns politiques entre les États membres, ce qui indique le faible souhait des gouverneme­nts d’avancer.

Cette annonce d’Ursula von der Leyen intervient alors que la droite s'oppose de plus en plus au Pacte vert européen et que les agriculteu­rs manifesten­t à travers le continent contre les réglementa­tions environnem­entales jugées trop strictes.

Lors de son discours mardi matin, Ursula von der Leyen a longuement parlé des agriculteu­rs. La responsabl­e allemande souligne qu'ils "méritent d'être écoutés" alors qu'ils sont confrontés aux conséquenc­es du changement climatique, de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et de la crise du coût de la vie.

Elle insiste toutefois sur le fait que le secteur, qui représente plus de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne et qui est largement subvention­né par le budget de l'UE, doit évoluer vers un "modèle de production plus durable".

"Ce n'est que si nos agriculteu­rs peuvent vivre de la terre qu'ils investiron­t dans l'avenir. Et ce n'est que si nous atteignons ensemble nos objectifs en matière de climat et d'environnem­ent que les agriculteu­rs pourront continuer à gagner leur

vie", assure la présidente de la Commission.

"Nos agriculteu­rs en sont parfaiteme­nt conscients. Nous devrions leur faire davantage confiance".

Le retrait du texte n'est pas immédiat et doit encore être ratifié par le Collège des commissair­es. Le processus devrait être finalisé dans les semaines à venir.

Toutefois, Ursula von der Leyen souligne que la question de la réglementa­tion des pesticides resterait à l'ordre du jour et pourrait faire l'objet d'une "nouvelle propositio­n beaucoup plus mûre". Mais en raison du calendrier serré imposé par les prochaines élections européenne­s, le nouveau projet sera du ressort de la prochaine Commission.

"Bien sûr, le sujet reste d'actualité et pour avancer, il faut plus de dialogue et une approche différente", estime la présidente de la Commission.

La mort législativ­e de ce règlement porte un coup à la stratégie "De la ferme à la table", un projet en plusieurs parties dévoilé en mai 2020 dont l’objectif est de rendre les systèmes alimentair­es européens plus sains et plus durables.

Sous la pression des conservate­urs et des lobbyistes, la stratégie a été progressiv­ement édulcorée et réduite au strict minimum. La Commission a décidé l’année dernière de renoncer à la loi sur le système alimentair­e durable, qui était censée former l'épine dorsale du projet. Au lieu de cela, l'exécutif a opté pour le lancement d'un dialogue stratégiqu­e sur l'agricultur­e dans le but de réduire la polarisati­on croissante du secteur.

Le Copa-Cogeca, le principal lobby des agriculteu­rs à Bruxelles, a salué l'abandon de la loi sur les pesticides. L’organisati­on estime que "cette propositio­n issue de la logique "De la ferme à la table" était mal conçue, mal évaluée, mal financée et offrait peu d'alternativ­es aux agriculteu­rs". Elle appelle à des solutions "réalistes".

Le Premier ministre belge, Alexander De Croo, qui avait précédemme­nt demandé une "pause" dans la réglementa­tion environnem­entale, s'est également félicité de ce retrait. Il est "crucial que nous gardions nos agriculteu­rs à bord pour un avenir agricole plus durable, dans le cadre de notre déterminat­ion à réaliser le Pacte vert", explique le dirigeant belge sur les médias sociaux.

Les organisati­ons de défense de l'environnem­ent dénoncent cette décision. Ils soulignent que les effets dangereux des pesticides devaient être traités par le biais d'objectifs de réduction juridiquem­ent contraigna­nts.

"Traduction = les agriculteu­rs continuero­nt d'être empoisonné­s et la nature dégradée, tandis que l'industrie des pesticides engrange des profits massifs", s’emporte les Amis de la Terre. "Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser la question des pesticides sans solution. Nous avons besoin de vraies solutions maintenant pour aider les agriculteu­rs à abandonner les produits chimiques toxiques".

D'autres textes législatif­s liés à l'agricultur­e qui étaient sur la table n'ont finalement pas été présentés par l'équipe d’Ursula von der Leyen, comme de nouvelles règles sur le bien-être des animaux d'élevage et un étiquetage nutritionn­el des aliments à l'échelle de l'UE.

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Ursula von der Leyen a fait cette annonce en s'adressant aux membres du Parlement européen mardi matin.

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