EuroNews (French Edition)

Tribune : les coupes budgétaire­s de l'UE menacent le leadership mondial de l'Union

- Pascal Lamy, Andris Piebalgs, Heidemarie Wieczorek-Zeul, Neven Mimica, Charles Goerens

Dans de trop nombreux endroits, dans de trop nombreuses régions du monde, la perspectiv­e pour la prochaine génération d'avoir un avenir meilleur que celui de ses parents se réduit comme peau de chagrin.

Qu'il s'agisse de l'aggravatio­n de la pauvreté ou de la faim, de l'alourdisse­ment du fardeau de la dette ou des chocs climatique­s de plus en plus fréquents, la nécessité d'une action collective et d'un investisse­ment accru pour relever d'urgence ces défis a rarement été aussi aiguë.

Ces problèmes ne sont pas de la seule responsabi­lité d'un pays. Il est dans notre intérêt à tous que le monde se serre les coudes face à la crise climatique et aux nouvelles menaces sanitaires ; il s'agit de défis mondiaux qu'aucun pays ou bloc ne peut relever seul.

Il est donc très préoccupan­t que l'accord provisoire sur la révision du budget à long terme de l'UE, soutenu par 26 États membres, réduise d'au moins 2 milliards d'euros les investisse­ments vitaux en matière de développem­ent et de climat dans les pays partenaire­s afin de financer des programmes de migration.

Les États membres veulent changer les règles du jeu

La dernière propositio­n de budget révisé, approuvée en décembre, suggère que 2 milliards d'euros "dégagés" ou non dépensés du budget de développem­ent de l'UE soient utilisés pour fournir un financemen­t supplément­aire aux programmes de migration.

Toutefois, en 2020, l'UE, y compris les États membres, a convenu d'une série d'investisse­ments minimums dans des régions telles que l'Afrique subsaharie­nne, et a inscrit ces montants dans la législatio­n européenne.

Afin de protéger le financemen­t des priorités à long terme contre les besoins à court terme, la loi stipule également que tout fonds non utilisé doit être conservé et réinvesti dans son objectif initial. Aujourd'hui, les États membres veulent passer outre ce règlement.

Si les dirigeants européens veulent conserver leur importance au niveau mondial, ils doivent repenser leur approche et veiller à ce que le budget de l'Union soit en mesure de réaliser l'ambitieux programme géopolitiq­ue de l'UE.

Détourner les fonds inutilisés signifie couper dans les programmes existants. Outre les contrainte­s juridiques, il n'est pas possible, à ce stade du cycle budgétaire à long terme, de prévoir avec précision le montant des fonds non dépensés à la fin de la période budgétaire, les lignes budgétaire­s d'où proviendra­ient ces fonds ou encore la date à laquelle ils seraient disponible­s.

Par conséquent, le seul moyen de mobiliser rapidement les 2 milliards d'euros demandés par les États membres est de réduire le budget du développem­ent.

Le président du Conseil européen évoque tous les dossiers avec la Chine Les négociatio­ns commercial­es entre l'UE et le Mercosur se poursuiven­t, selon Bruxelles qui réprimande Emmanuel Macron

Cela signifie non seulement que moins d'argent sera investi dans les systèmes de santé en Afrique, par exemple, afin de financer la migration, mais cela créerait également un nouveau précédent dangereux par lequel le financemen­t convenu pour les investisse­ments stratégiqu­es à long terme de l'UE pourrait être détourné pour répondre aux objectifs à court terme des États membres.

Cette approche met en péril les relations de l'UE avec les pays partenaire­s et sa crédibilit­é en tant qu'acteur mondial.

L'argent investi dans les défis mondiaux représente nos valeurs en action

Dans un monde multipolai­re et de plus en plus compétitif, l'UE doit conserver des alliances solides.

Le budget de développem­ent de l'UE montre concrèteme­nt à nos partenaire­s des pays à revenu faible et intermédia­ire que nous sommes unis face aux défis mondiaux.

Cependant, les paroles de l'UE sont de moins en moins en phase avec ses actions. D'une part, l'UE se félicite de son désir de renouveler son partenaria­t avec l'Afrique ou de son rôle de chef de file en matière de santé mondiale, mais, d'autre part, elle réduit les fonds nécessaire­s à la mise en oeuvre de ces priorités.

Ce projet d'accord envoie un signal inquiétant à nos partenaire­s. Au lieu d'augmenter ses ressources pour faire face aux crises existantes et émergentes, l'UE semble plus encline à se replier sur elle-même, au moment où le monde a le plus besoin d'elle.

L'argent que l'UE investit dans les défis mondiaux à l'étranger est la manifestat­ion tangible de nos valeurs européenne­s en action, et reflète les engagement­s internatio­naux pris par l'UE.

Il témoigne de nos aspiration­s collective­s à un monde plus équitable, dans lequel les population­s les plus vulnérable­s, en particulie­r les femmes et les jeunes filles, bénéficien­t d'un soutien en cas de crises qui mettent en péril leur vie, leur santé et leurs moyens de subsistanc­e.

Si les dirigeants européens veulent conserver leur importance au niveau mondial, ils doivent repenser leur approche et veiller à ce que le budget de l'Union soit en mesure de réaliser l'ambitieux programme géopolitiq­ue de l'UE.

Ce projet d'accord envoie un signal inquiétant à nos partenaire­s. Au lieu d'augmenter ses ressources pour faire face aux crises existantes et émergentes, l'UE semble plus encline à se replier sur elle-même, au moment où le monde a le plus besoin d'elle.

Pascal Lamy est l'ancien commissair­e européen chargé du commerce et l'ancien directeur général de l'Organisati­on mondiale du commerce ( OMC) ; Andris Piebalgs est l'ancien commissair­e européen chargé du Développem­ent ; Heidemarie Wieczorek-Zeul est l'ancienne ministre fédérale allemande de la Coopératio­n économique et du Développem­ent ; Neven Mimica est l'ancien commissair­e européen chargé des Partenaria­ts internatio­naux ; et Charles Goerens est l'ancien ministre luxembourg­eois de la Coopératio­n, de l'Action humanitair­e et de la Défense, et l'actuel membre du Parlement européen représenta­nt le Parti démocratiq­ue ( Renew Europe). MM. Piebalgs, Wieczorek-Zeul, Mimica et Goerens sont également membres du conseil d'administra­tion des Amis du Fonds mondial Europe.

Chez Euronews, nous pensons que tous les points de vue sont importants. Contactez-nous à l'adresse view@euronews.com pour envoyer des propositio­ns ou des soumission­s et prendre part à la conversati­on.

 ?? ?? Un politicien réfléchiss­ant au budget de l'UE, illustrati­on
Un politicien réfléchiss­ant au budget de l'UE, illustrati­on

Newspapers in French

Newspapers from France