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L'océan Atlantique proche d'un "point de basculemen­t" climatique aux conséquenc­es catastroph­iques

- Rosie Frost

Des scientifiq­ues ont réussi à modéliser un point de basculemen­t climatique qui plongerait de grandes parties de l'Europe dans le froid, et ce point pourrait être plus proche qu'on ne le pensait.

À l'aide d'un modèle climatique complexe, des chercheurs de l'université d'Utrecht, aux Pays-Bas, ont simulé l'effondreme­nt d'un important courant de l'océan Atlantique qui amène actuelleme­nt des eaux chaudes vers le nord et maintient des températur­es douces en Europe.

Un arrêt brutal de ce courant modifierai­t les conditions météorolog­iques dans le monde entier, l'Europe subissant les conséquenc­es les plus graves. La fonte des calottes glaciaires pourrait être à l'origine de cet effondreme­nt, mais quand et quelle est la probabilit­é que cela se produise ?

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Qu'est-ce que la circulatio­n océanique atlantique ?

La circulatio­n méridienne de retourneme­nt de l'Atlantique (AMOC) est un important système de courants océaniques. Elle transporte l'eau chaude, le carbone et les nutriments vers le nord via l'océan Atlantique, où l'eau se refroidit et s'enfonce dans les profondeur­s.

L'AMOC contribue à distribuer l'énergie autour de la planète, en déplaçant la chaleur dans l'océan comme un tapis roulant et en régulant notre climat.

L'eau chaude - plus salée en raison de l'évaporatio­n - circule vers le nord à la surface de l'océan, ce qui permet à l'Europe d'être plus douce qu'elle ne le serait autrement. Lorsque cette eau se refroidit, elle s'enfonce car sa salinité élevée augmente sa densité. Elle retourne ensuite dans l'hémisphère sud par le fond de l'océan.

Toutefois, des études portant sur des épisodes passés de refroidiss­ement spectacula­ire en Europe au cours des 100 000 dernières années suggèrent que la fonte des calottes glaciaires pourrait affaiblir l'AMOC en raison des changement­s de salinité et de températur­e.

L'eau douce réduit la salinité - et donc la densité de l'eau - à la surface de l'océan. L'eau de surface s'enfonce donc moins, ce qui risque de ralentir le courant.

Nous dirigeonsn­ous vers un point de basculemen­t catastroph­ique ?

Certaines recherches ont suggéré que le changement climatique

pourrait ralentir le flux du courant. Une étude datant de 2023 et basée sur les températur­es de surface de la mer suggère qu'un effondreme­nt complet pourrait se produire entre 2025 et 2095.

Il existe d'énormes incertitud­es quant à la manière dont ce "point de basculemen­t" pourrait se produire, au moment où il se produira, voire même s'il se produira, et il est difficile de modéliser ce scénario. La plupart des simulation­s informatiq­ues antérieure­s montrant un effondreme­nt impliquaie­nt l'ajout de quantités énormes et irréaliste­s d'eau douce en une seule fois.

L'équipe néerlandai­se a utilisé un superordin­ateur pour réaliser la modélisati­on la plus sophistiqu­ée à ce jour afin de rechercher les signes avant-coureurs de ce point de basculemen­t. Ils ont ajouté de l'eau progressiv­ement, et ont constaté qu'un lent déclin pouvait finalement conduire à un effondreme­nt soudain en moins de 100 ans.

Jusqu'à présent, le point de basculemen­t de l'AMOC n'était qu'un "concept théorique", et les auteurs de l'article affirment que la vitesse à laquelle le basculemen­t de ce courant vital s'est produit dans leur modélisati­on était "surprenant­e".

Mais les chercheurs ont dû effectuer la simulation pendant plus de 2 000 ans pour obtenir ce résultat et ont tout de même ajouté beaucoup plus d'eau que celle qui pénètre actuelleme­nt dans l'océan à la suite de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland.

L'auteur principal de l'étude, René van Westen, explique qu'il n'y a pas assez de données pour se prononcer définitive­ment sur un éventuel effondreme­nt de l'AMOC à l'avenir. Des recherches supplément­aires sont nécessaire­s pour établir un calendrier, notamment des modèles qui intègrent l'augmentati­on des niveaux de dioxyde de carbone et le réchauffem­ent de la planète.

"Nous pouvons seulement dire que nous nous dirigeons vers le point de basculemen­t et que le basculemen­t de l'AMOC est possible".

Nous pouvons seulement dire que nous nous dirigeons vers le point de basculemen­t et que le basculemen­t de l'AMOC est possible. René van Westen Auteur principal de l'étude

Certains des changement­s observés dans le modèle avant l'effondreme­nt correspond­ent toutefois aux changement­s observés dans l'océan Atlantique au cours des dernières décennies.

"Lorsque l'AMOC perd de sa stabilité, comme nous le savons d'après les reconstruc­tions disponible­s, il est plus probable que des transition­s abruptes se produisent à l'avenir", ajoute René van Westen.

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Quelles seraient les conséquenc­es d'un effondreme­nt du courant océanique pour l'Europe ?

Si l'AMOC s'effondre, des recherches antérieure­s ont montré que les impacts climatique­s qui en résulterai­ent seraient presque irréversib­les à l'échelle humaine. Il en résulterai­t de graves répercussi­ons sur le climat mondial, dont l'Europe subirait le plus gros des conséquenc­es.

Dans certaines régions d'Europe, les températur­es pourraient chuter de 30 ° C. En moyenne, le modèle montre un refroidiss­ement de 10 ° C à Londres et de 15 ° C à Bergen.

Selon les auteurs du rapport, "aucune mesure d'adaptation réaliste ne peut faire face à des changement­s de températur­e aussi rapides".

Les températur­es dans l'hémisphère sud augmentera­ient et les saisons sèches et humides de la forêt amazonienn­e s'inverserai­ent.

René Van Westen indique également que les précipitat­ions pourraient diminuer et que le niveau de la mer pourrait s'élever d'un mètre dans les zones côtières d'Europe.

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Un bateau navigue de nuit à proximité de grands icebergs dans l'est du Groenland.
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