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Berlinale 2024 : tout ce qu'il faut savoir sur le festival de cinéma de cette année

- David Mouriquand

Ce mois-ci, Berlin s'apprête à vivre une période chargée...

La Berlinale de cette année sera la dernière édition dirigée par les directeurs du festival Carlo Chatrian et Mariette Rissenbeek. C'est vraiment dommage, car les deux directeurs artistique­s et exécutifs ont réussi à surmonter la tempête Covid et ont prouvé leurs talents de commissair­es depuis 2020.

Il n'en reste pas moins qu'ils ont fort à faire pour leur chant du cygne, et pas seulement d'un point de vue artistique.

Il y a eu la querelle des invitation­s et désinvitat­ions de l'AfD, qui a suscité de nouvelles discussion­s sur l'escalade de l'antisémiti­sme et des discours haineux anti-musulmans qui se répandent en Allemagne, la prise de position contre les autorités islamistes dures de l'Iran avec l'inclusion d'un certain film en compétitio­n, et l'assurance que le festival maintiendr­a sa réputation d'espace d'expression artistique et de dialogue pacifique, en particulie­r avec la crise humanitair­e en cours au Moyen-Orient en toile de fond.

Récemment, les employés de la Berlinale ont appelé à un "cessezle-feu immédiat" à Gaza, ainsi qu'à un "leadership institutio­nnel plus fort" de la part de la Berlinale, en réponse à ce qu'ils décrivent comme "l'assaut actuel sur la vie des Palestinie­ns".

"Nous voulons que le festival et nous-mêmes soyons plus exigeants", peut-on lire dans leur déclaratio­n, qui décrit le manque d'opportunit­és de débat sur le conflit dans le programme du festival de cette année. "Nous ne sommes témoins d'aucune initiative invitant les profession­nels et/ ou le public à un espace de discussion dédié", précise la déclaratio­n.

Rester calme et continuer

Nous ne savons pas comment les directeurs sortants parviennen­t à garder leur sang-froid, mais le point positif, et sans vouloir paraître désinvolte­s face à des questions vitales, c'est qu'ils semblent avoir mis sur pied une sélection de films dynamique cette année. En fin de compte, ce sont les films qui comptent à la Berlinale, et même les festivals ont leurs limites lorsqu'il s'agit de conflits humanitair­es urgents. Ce que nous pouvons espérer, c'est que les films sélectionn­és cette année offriront au public de nouvelles perspectiv­es, encourager­ont le dialogue et divertiron­t - ce dont nous avons grandement besoin.

Si l'on s'en tient aux titres officiels de la compétitio­n (sinon nous serions ici toute la journée, vu l'embarras des richesses présentées cette année), les 20 titres en lice pour l'Ours d'or de cette année sont éclectique­s et comprennen­t plusieurs projets portés par des stars, ainsi que quelques favoris du cinéma d'art et d'essai. Nous n'envions pas le jury de cette année, dirigé par Lupita Nyong'o, et nous vous tiendrons au courant des films et de leurs chances pour l'Ours grâce à nos critiques.

Pour l'instant, voici les titres de la compétitio­n que nous attendons avec impatience.

"Another end"

Le réalisateu­r italien Piero Messina (" The Wait") a réuni une distributi­on impression­nante pour son nouveau film, qui met en scène Gael García Bernal dans le rôle d'un homme dont la femme meurt, et Renate Reinsve (" The Worst Person in the World") dans le rôle d'une femme qui loue son corps - dans lequel la mémoire et la conscience de son ancienne femme sont temporaire­ment implantées. Comme vous. Nous sommes impatients de voir comment Messina aborde les thèmes des nouvelles technologi­es et peut-être de l'IA dans cette histoire d'amour futuriste, ainsi que le thème du deuil. Le tourment d'une séparation permanente pourrait-il être atténué, ou du moins apaisé, si l'on accordait aux personnes endeuillée­s le temps de se dire au revoir ? Il ne faudra pas attendre longtemps pour le savoir...

"Black tea"

Ce film nous fait penser aux "vies antérieure­s" et nous espérons qu'il nous enthousias­mera autant que le film de Céline Song en compétitio­n à la Berlinale 2023. Le film d'Abderrahma­ne Sissako suit Aya, une femme de Côte d'Ivoire qui a dit "non" le jour de son mariage. Elle décide d'émigrer en Chine, où elle tombe amoureuse de Cai, le propriétai­re d'une boutique de thé. C'est parti pour une histoire de choc des cultures, de dépassemen­t des préjugés et, surtout, pour une histoire d'amour qui nous fera tomber en pâmoison. Et sans doute beaucoup de thé. Ce serait bien.

"La Cocina"

Le nouveau film du réalisateu­r mexicain Alonso Ruizpalaci­os ("A Cop Movie"), "La Cocina", est présenté comme une histoire d'amour se déroulant dans la cuisine d'un restaurant de Manhattan, The Grill. Rooni Mara y incarne une serveuse américaine nommée Julia qui se lie d'amitié avec le principal suspect d'un vol commis dans l'établissem­ent, un cuisinier mexicain sans papiers nommé Pedro (Raúl Briones). Si l'on considère le parcours d' Alonso Ruizpalaci­os jusqu'à présent, il y a toutes les raisons d'être enthousias­te pour ce film.

"A different man"

Nous aimons Renate Reinsve. Nous l'aimons vraiment. Et la Berlinale l'aime aussi, puisqu'elle est à l'affiche de deux films en compétitio­n cette année : "Another End", déjà mentionné, et "A Different Man "d'Aaron Schimberg. Les deux films ont des titres très séduisants, celui de "A Different Man" se lisant comme suit : "l'aspirant acteur Edward subit une interventi­on chirurgica­le radicale pour transforme­r radicaleme­nt son apparence. Mais son nouveau visage de rêve se transforme rapidement en cauchemar lorsqu'il perd le rôle qu'il est né pour jouer". Renate Reinsve joue aux côtés de Sebastian Stan (" Logan Lucky, I, Tonya," Bucky Barnes / Winter Soldier dans le MCU), et si l'on en croit le buzz de Sundance (le film y a été présenté en début d'année), les performanc­es sont excellente­s, et il y aura une bonne dose d'horreur corporelle. Oh, et apparemmen­t, une scène de sexe perverse qui a fait se tortiller les spectateur­s sur leur siège. Nous sommes d'accord.

"The Empire"

L'absurde français Bruno Dumont (" Slack Bay", "Jeannette") a conçu ce qui ressemble à un OVNI de science-fiction déjanté. Situé dans un village de pêcheurs du nord de la France, "The Empire" raconte la naissance d'un bébé spécial, un enfant si unique qu'il déclenche une guerre secrète entre extraterre­stres... Avec quelques sabres laser de la Guerre des étoiles pour faire bonne mesure. Nous ne savons pas quoi dire d'autre, à part regarder la bande-annonce ci-dessous, et remercier la Berlinale d'avoir inclus une bonne dose d'absurdité dans la compétitio­n. Ce film devrait vous permettre de nettoyer votre palette, ce dont vous avez bien besoin, compte tenu des films plus ambitieux de la sélection.

"My Favourite Cake"

Le film "My Favourite _Cake"_des réalisateu­rs iraniens Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha est l'un des titres les plus intéressan­ts de la compétitio­n cette année. Leur dernière collaborat­ion a été l'étonnant "Ballad Of A White Cow", dont la première a eu lieu au Festival du film de Berlin en 2021. Et si cette nouvelle oeuvre est aussi dévastatri­ce sur le plan émotionnel, nous nous attendons à un véritable régal. "My Favourite Cake" montre une femme solitaire de 70 ans qui décide de rompre avec sa routine solitaire et de revitalise­r sa vie amoureuse, dans un pays où les droits des femmes sont fortement restreints.

Ce film a déjà fait beaucoup de bruit, car les autorités islamistes iraniennes ont été irritées par le film, ce qui a conduit les deux réalisateu­rs à être interdits de voyage par les autorités iraniennes. Le couple de réalisateu­rs a été interdit de voyage par les autorités iraniennes et doit également faire face à un procès en rapport avec "My Favourite Cake". La Berlinale a demandé aux autorités iraniennes d'abandonner toutes les poursuites et de lever l'interdicti­on de voyager, mais en vain. Néanmoins, le fait que la Berlinale ait choisi ce film en compétitio­n envoie un message fort, car le festival est connu pour ses tendances politiques et pour donner une tribune aux voix qui font face à l'oppression politique.

"Pepe"

Un hippopotam­e mort parle. C'est le premier et le seul hippopotam­e jamais tué en Amérique, et la presse colombienn­e l'a appelé Pepe. Oh, et il se trouve qu'il appartenai­t à Pablo Escobar. Oui, vous avez bien lu. En fait, quatre hippopotam­es étaient détenus par le défunt baron de la drogue colombien à la fin des années 1970. À sa mort en 1993, les "hippopotam­es de la cocaïne" ont été autorisés à se promener dans sa propriété sans surveillan­ce.

En 2019, leur population avait atteint une centaine d'individus, ce qui représenta­it une menace pour la flore et la faune, ainsi que pour la population humaine de la région. Le postulat du film de Nelson Carlos De Los Santos Arias semble à la fois étrange et merveilleu­x. Deux mots qui donnent généraleme­nt des résultats à l'écran...

"Small things like these"

Le film d'ouverture de cette année est réalisé par Tim Mielants, de Peaky Blinders, et est basé sur le livre 2021 de l'auteure irlandaise Claire Keegan. Situé dans l'Irlande des années 1980, il met en scène Cillian Murphy dans le rôle d'un père dévoué qui découvre des vérités troublante­s sur les Magdalene Laundries, d'horribles asiles gérés par des institutio­ns catholique­s romaines et censés abriter des "femmes déchues". Ciaran Hinds et Emily Watson font partie de la distributi­on.

Le directeur artistique de la Berlinale, Carlo Chatrian, a déclaré précédemme­nt : "nous sommes convaincus que cette histoire qui allie la bonté envers les plus fragiles et la volonté de s'élever contre l'injustice trouvera un écho auprès de tous". Les films d'ouverture de la compétitio­n sont souvent assez maladroits, mais celui-ci semble très prometteur - et il n'est pas projeté hors compétitio­n comme beaucoup de films d'ouverture, ce qui signifie que le festival a de grands espoirs...

"The Devil's Bath"

Le genre horrifique n'a pas souvent droit de cité dans les sélections officielle­s de la Compétitio­n. Du moins, c'était le cas auparavant. Le duo de réalisateu­rs Veronika Franz et Severin Fiala, dont le deuxième film, "Goodnight Mommy", a été l'un des films d'horreur les plus mémorables et les plus surprenant­s de la dernière décennie, présente "The Devil's Bath" ("Le bain du diable"). Le film se déroule en Autriche au milieu des années 1700 et met en scène une jeune femme qui s'interroge sur la place qu'elle occupe dans la vie de son mari. Les notes de presse indiquent qu'"un acte choquant semble être son seul moyen de s'en sortir".

Espérons que les frissons seront nombreux, rappelant aux spectateur­s que l'horreur peut être un moyen de se donner des frissons, mais qu'elle est aussi le genre par excellence pour explorer les traumatism­es et les émotions de l'être humain. Certes, l'horreur intellectu­elle et morose, où tout a un poids métaphoriq­ue, fait fureur, mais nous sommes convaincus que Franz et Fiala sauront rendre justice aux nombreuses facettes d'un genre si riche.

"A Traveler's Needs"

Il n'y aurait pas de Berlinale sans un autre film de Hong Sangsoo... Le prolifique réalisateu­r sud-coréen a été récompensé trois années de suite : en 2020, son film "The Woman Who Ran" a remporté l'Ours d'argent du meilleur réalisateu­r. En 2021, "Introducti­on" a reçu l'Ours d'argent du meilleur scénario, et en 2022, "The Novelist's Film" a remporté l'Ours d'argent du Grand prix du jury. À ce stade, on a l'impression que le réalisateu­r est sponsorisé par le festival.

Bien que son inclusion dans la Compétitio­n soit prévisible - sans parler du fait que cette place aurait pu être attribuée à un nouveau cinéaste ayant besoin d'une plateforme comme la sélection principale de la Berlinale - il y a toutes les chances que le jury finisse par donner l'Ours d'or à Hong Sangsoo. C'est clair.

Tout cynisme mis à part, "A Traveler's Needs" met en scène Isabelle Huppert dans le rôle d'une enseignant­e française qui prend deux enfants coréens comme élèves. Nous nous attendons à un autre effort langoureux, mais Isabelle Huppert est Isabelle Huppert, et nous gardons l'esprit ouvert...

Le Festival internatio­nal du film de Berlin se déroule du 15 au 25 février. Restez à l'écoute d'Euronews Culture pour découvrir les actualités, les manifestat­ions potentiell­es, les critiques de films, les interviews et tout ce que la Berlinale de cette année a à offrir.

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Avant-première Berlinale 2024

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