EuroNews (French Edition)

Ursula von der Leyen annonce sa candidatur­e à un second mandat à la tête de la Commission européenne

- Jorge Liboreiro

L'annonce a été faite lundi aprèsmidi à l'issue d'une réunion de son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) allemande, qui a soutenu sa candidatur­e à l'unanimité.

"Le monde d'aujourd'hui est complèteme­nt différent de celui de 2019. Nous avons traversé beaucoup de choses ensemble au cours des cinq dernières années, et je pense que l'on peut dire que nous avons accompli plus que ce que nous aurions pu imaginer", a-t-elle déclaré.

"Au cours de ces cinq années, non seulement ma passion pour l'Europe a grandi, mais aussi, bien sûr, mon expérience de tout ce que cette Europe peut accomplir pour ses citoyens", a-t-elle poursuivi.

"Ces cinq dernières années ont été aussi stimulante­s qu'extraordin­aires".

Dans une allusion à peine voilée à la montée des partis d'extrême droite observée dans plusieurs pays européens, Mme von der Leyen s'est engagée à "rendre le centre fort" et à défendre le bloc "contre les forces de division de l'intérieur et de l'extérieur".

"Je suis fermement convaincue que c'est possible et que nous avons la force de le faire. Et c'est la tâche que je me suis fixée", a-t-elle déclaré.

Cette nouvelle met fin à des semaines de spéculatio­ns incessante­s à Bruxelles sur son avenir politique, qui a également été lié à l'OTAN, et relance la course à la présidence de la Commission, l'institutio­n la plus puissante de l'Union européenne.

La nomination de Mme Von der Leyen sera confirmée par acclamatio­n début mars, lors du congrès annuel de sa famille politique, le Parti populaire européen (PPE) de centre-droit. Le PPE avait fixé au 21 février la date limite pour le dépôt des candidatur­es internes.

En jetant officielle­ment son chapeau dans l'arène, Mme von der Leyen devient immédiatem­ent la favorite, car le PPE est largement pressenti pour obtenir la plus grande part des sièges lors des prochaines élections au Parlement européen.

Le président de la Commission est nommé à la discrétion des dirigeants de l'UE après avoir pris en compte les résultats des élections européenne­s, ce qui signifie que le parti qui arrive en tête jouit du privilège non écrit de contrôler l'exécutif. Les socialiste­s et les libéraux se répartisse­nt généraleme­nt les autres postes de direction.

Tout au long de son premier mandat, Mme von der Leyen, oratrice douée, négociatri­ce agile et voyageuse enthousias­te, a noué des liens étroits avec la majorité des chefs d'État et de gouverneme­nt, dont certains, comme le Finlandais Petteri Orpo et le Suédois Ulf Kristersso­n, ont déjà déclaré qu'ils soutiendra­ient volontiers sa candidatur­e.

Elle a développé une bonne relation de travail avec l'Italienne Giorgia Meloni, dont le groupe d'extrême droite, les Conservate­urs et Réformiste­s européens (CRE), est prêt à faire des percées lors du scrutin de juin et à influencer davantage l'agenda politique.

Même des hommes politiques progressis­tes, comme l'Espagnol Pedro Sánchez, l'un des socialiste­s les plus en vue d'Europe, ont fait part de leur volonté de soutenir Mme von der Leyen pour un second mandat.

A ce jour, le seul premier ministre qui pourrait s'opposer à la candidatur­e de Mme von der Leyen est le Hongrois Viktor Orbán, qui a fait l'objet d'un examen minutieux de la part de la Commission pour avoir organisé le recul démocratiq­ue de son pays.

L'exécutif de Mme von der Leyen a gelé des milliards de fonds de cohésion et de relance alloués à la Hongrie en raison de lacunes en matière d'État de droit et a lancé de nombreuses procédures d'infraction afin de mettre la nation égarée en conformité avec la législatio­n européenne. La dernière procédure en date, centrée sur la "loi de souveraine­té" controvers­ée, a été lancée au début du mois.

En représaill­es, M. Orbán a intensifié ses attaques contre Mme von der Leyen et son équipe, allant jusqu'à diminuer son statut d'"employée rémunérée" des dirigeants européens. En décembre, le gouverneme­nt de M. Orbán a été fortement critiqué pour avoir placardé le visage de Mme von der Leyen sur des panneaux d'affichage distribués dans le cadre d'une consultati­on nationale anti-Union européenne.

"Ne dansons pas sur l'air qu'ils sifflent", pouvait-on lire sur ces panneaux.

Toutefois, selon les traités, le président de la Commission est nommé à la majorité qualifiée par le Conseil européen, une règle qui, en théorie, empêcherai­t M. Orbán de bloquer à lui seul le second mandat de Mme von der Leyen si les autres chefs d'État et de gouverneme­nt la soutenaien­t.

La propositio­n du Conseil est ensuite transmise au Parlement, où elle doit être adoptée à la majorité absolue. C'est là que les choses pourraient devenir plus délicates pour Mme von der Leyen.

En 2019, la présidente a obtenu 383 voix en sa faveur, soit à peine plus que les 374 voix nécessaire­s, ce qui illustre l'indignatio­n de l'hémicycle face à sa nomination surprise.

Contrairem­ent à 2024, Mme von der Leyen ne s'est pas présentée en tant que candidate principale du PPE et a été tirée de l'ombre par le président français Emmanuel Macron, qui voyait en elle une politicien­ne conservatr­ice aux opinions modérées et flexibles, capable de plaire à la faction de gauche du Conseil européen.

Après ce vote serré, les eurodéputé­s ont largement accueilli la première femme à la tête de la Commission et l'ont aidée à faire avancer son programme ambitieux et transforma­teur, y compris le Green Deal européen, le fonds de relance COVID-19, la loi sur l'intelligen­ce artificiel­le et une réforme complète de la politique d'immigratio­n et d'asile de l'Union.

Les législateu­rs ont applaudi Mme von der Leyen pour son leadership décisif à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui a donné lieu à une série de sanctions sans précédent à l'encontre du Kremlin, à des plans irréversib­les visant à éliminer les combustibl­es fossiles importés et à l'ouverture de négociatio­ns d'adhésion avec Kiev. Le capitanat de Mme Von der Leyen a renforcé sa notoriété internatio­nale et lui a valu le titre de femme la plus puissante en 2022 et 2023, décerné par le magazine Forbes.

Mais ces derniers mois, son héritage, en particulie­r ses politiques vertes, a été critiqué par sa propre famille conservatr­ice, qui cherche à ralentir le "Green Deal" afin d'alléger ce qu'elle appelle le fardeau bureaucrat­ique excessif qui pèse sur l'industrie et l'agricultur­e. Les manifestat­ions d'agriculteu­rs qui ont éclaté en janvier dans plusieurs pays européens ont renforcé la position antagonist­e du PPE et forcé Mme von der Leyen à changer son fusil d'épaule.

"Ce n'est que si nos agriculteu­rs peuvent vivre de la terre qu'ils investiron­t dans l'avenir. Et ce n'est que si nous atteignons ensemble nos objectifs en matière de climat et d'environnem­ent que les agriculteu­rs pourront continuer à gagner leur vie", a déclaré la commissair­e ce mois-ci.

"Nos agriculteu­rs en sont parfaiteme­nt conscients. Nous devrions leur faire davantage confiance".

Mme Von der Leyen sera soumise à une pression constante pour embrasser pleinement ce virage à droite, mais cela pourrait lui coûter le soutien clé des socialiste­s, des verts et même des libéraux, qui craignent que le PPE ne s'approprie les points de discussion et les cris de ralliement de l'extrême-droite.

Néanmoins, le cycle électoral devrait être dominé par des questions qui favorisent les partis conservate­urs : le rejet des politiques environnem­entales, l'immigratio­n irrégulièr­e, la crise du coût de la vie et la perte de compétitiv­ité. Certaines études soulignent toutefois que de nombreux électeurs restent très préoccupés par la crise climatique et les catastroph­es naturelles.

Née en 1958, Mme von der Leyen est la fille d'un des premiers fonctionna­ires européens. Elle a vécu à Bruxelles jusqu'à l'âge de 13 ans, puis a déménagé en BasseSaxe. Elle a étudié la médecine et a rejoint la CDU en 1990. Mme Von der Leyen a été ministre dans tous les cabinets de l'ancienne chancelièr­e allemande Angela Merkel. Son dernier portefeuil­le était celui de la défense, une mission qui l'a plongée dans un scandale concernant la passation irrégulièr­e de contrats avec des consultant­s.

Sur les réseaux sociaux, elle se décrit comme "Européenne de coeur".

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Ursula von der Leyen est la première femme à présider la Commission européenne.

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