EuroNews (French Edition)

Le Parlement en désaccord avec les Etats membres sur la pollution de l'air

- Marta Pacheco

Les gouverneme­nts et le Parlement européen sont en désaccord sur l'ampleur et la rapidité du renforceme­nt des limites de la pollution atmosphéri­que en Europe. La Belgique, qui assure la présidence du Conseil de l'UE, espère parvenir à un accord lors d'un quatrième cycle de négociatio­ns à Bruxelles - probableme­nt la dernière chance de faire passer la législatio­n avant les élections européenne­s de juin.

La date d'entrée en vigueur de nouvelles limites plus strictes pour une série de polluants est au centre d'un différend entre les législateu­rs européens, qui négocient une propositio­n de révision de la directive sur la qualité de l'air ambiant. Les gouverneme­nts sont en faveur d'une période de transition qui pourrait retarder la mise en oeuvre jusqu'à 2040, révèle un document vu par Euronews.

La Commission européenne a proposé en 2022 de réviser la législatio­n sur l'air de l'Union, en introduisa­nt un objectif de pollution zéro pour 2050 et des normes de qualité de l'air pour 2030 qui sont plus proches - mais pas conformes - aux lignes directrice­s de l'Organisati­on mondiale de la santé (OMS). Le Parlement a également reconnu qu'il s'agissait d'un délai trop court, mais il a soutenu l'échéance de 2035 lors de l'adoption de sa position de négociatio­n en septembre dernier.

Le projet de loi sur la qualité de l'air impose aux pays de l'UE de maintenir les concentrat­ions de certains polluants dans l'air, tels que les particules nocives ou les oxydes d'azote (NOx), en dessous de certaines valeurs limites. Lorsque ces valeurs limites sont dépassées, les gouverneme­nts doivent adopter des plans de qualité de l'air afin de s'assurer que l'air est rapidement mis en conformité avec les normes de l'UE.

Le Parlement a indiqué qu'il envisagera­it d'accepter une période d'introducti­on progressiv­e de dix ans si l'exemption était accompagné­e de "conditions beaucoup plus strictes" et de mesures de sauvegarde. D'autres questions, telles que la durée d'élaboratio­n des plans, leur mise en oeuvre et leur mise à jour, divisent également les colégislat­eurs.

Le Parlement et le Conseil divergent aussi sur le niveau de pollution atmosphéri­que qui devrait être toléré dans l'UE. En ce qui concerne les particules fines (PM2,5), le Conseil approuve la propositio­n de la Commission de réduire la moyenne annuelle maximale de 25 à 10 μg/m³ d'ici à 2030. Mais les députés européens font pression pour que l'Union s'aligne sur les dernières recommanda­tions de l'OMS, qui fixent le maximum à seulement 5μg/m³ .

Le long chemin vers une meilleure qualité de l'air dans l'Union européenne

Bien que la présidence belge se dise consciente de l'équilibre délicat atteint lors du mandat initial du Conseil, elle a déclaré aux gouverneme­nts qu'un accord ne serait possible que s'ils étaient prêts à faire preuve d'une certaine flexibilit­é pour se rapprocher de la position du Parlement.

"La présidence [ belge] est consciente que ces exigences entraînero­nt une charge administra­tive supplément­aire pour les Etats membres, mais elle est également convaincue que certaines concession­s devront être faites au Parlement [concernant le report de la date limite et les exemptions] afin de préserver les éléments qui sont essentiels pour le Conseil", peut-on lire dans le document de négociatio­n interne.

Un diplomate de l'une des délégation­s nationales auprès de l'UE a suggéré un compromis potentiel. "Nous accepterio­ns la propositio­n de la présidence [ belge] sur les plans de qualité de l'air si la charge administra­tive était réduite ", a déclaré la source à Euronews.

Certains gouverneme­nts souhaitent également des exemptions de respect des limites de pollution pour les ménages dont le revenu et le PIB sont inférieurs à la moyenne de l'UE, les ménages à faible revenu et le PIB national inférieur à la moyenne de l'UE, une propositio­n rejetée par le Parlement. La présidence belge suggère plutôt des ajustement­s sur le chauffage domestique dans les zones à faibles revenus et des dispositio­ns permettant à un Etat membre de se conformer en produisant des plans pour atteindre les seuils de pollution d'ici 2040.

La Roumanie, la Lettonie, la Pologne, Malte, Chypre et la Bulgarie ont regretté les efforts de la présidence belge pour répondre aux préoccupat­ions du Parlement lors de la réunion préparatoi­re du mercredi 14 février qui a préparé le terrain pour les négociatio­ns interinsti­tutionnell­es à Bruxelles, a indiqué la source diplomatiq­ue.

Olga Rueda Molina, conseillèr­e politique du négociateu­r principal du Parlement sur le dossier, a déclaré à Euronews qu'un rapprochem­ent était possible. "Nous espérons que nous pourrons progresser dans les négociatio­ns et nous attaquer à ce qui est la plus grande menace environnem­entale pour la santé publique : la pollution", ditelle.

Les défenseurs de l'air pur critiquent la position du Conseil dans les négociatio­ns. Sophie Perroud, coordinatr­ice des politiques européenne­s à la Health & Environmen­t Alliance (HEAL), a critiqué la tentative de faire passer une série d'exemptions, notant qu'elle nie l'urgence de la lutte contre la pollution de l'air.

La réduction des émissions de polluants atmosphéri­ques en Europe est primordial­e, selon l'Agence européenne pour l'environnem­ent (AEE), qui a averti cette année que 97 % des citoyens de l'UE étaient exposés à des niveaux excessifs de PM2.5, qui ont été liés à l'asthme et à une série de maladies cardiovasc­ulaires.

"Des retards de dix ans auraient pour conséquenc­e de continuer à nuire à la santé, ce qui pourrait être évité, et d'accroître les inégalités en matière de santé, sans parler du fardeau économique élevé que représente­nt les coûts de santé pour des pays déjà sous pression économique", a déclaré M. Perroud à Euronews.

Les délégués du gouverneme­nt et l'équipe de négociatio­n parlementa­ire doivent se réunir à Bruxelles mardi 20 février pour un cycle de négociatio­ns que la Belgique espère voir aboutir à un accord sur la législatio­n relative à la qualité de l'air avant les élections européenne­s de juin.

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Michael Probst / AP

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