EuroNews (French Edition)

Qu'est-ce qui explique le problème du vieillisse­ment de l'Italie ?

- Giulia Carbonaro

Le problème du vieillisse­ment de la population italienne commence à peser sur la "dolce vita", célèbre dans le monde entier.

Le nombre croissant de retraités est loin d'être compensé par le nombre de nouveaux-nés.

Les efforts déployés par le gouverneme­nt de droite de Giorgia Meloni pour stimuler les taux de natalité n'ont pas encore permis d'inverser la tendance au déclin démographi­que de l'Italie.

Selon les dernières données d'Eurostat, l'Italie est le pays le plus âgé de l'Union européenne, la moitié de la population ayant actuelleme­nt un âge médian moyen supérieur à 48 ans.

Avec le Portugal, l'Italie a le pourcentag­e le plus élevé de résidents âgés de plus de 65 ans, à savoir 24 %, soit environ un sur quatre.

Cette augmentati­on reflète une tendance européenne, l'Union européenne ayant connu une augmentati­on globale de son âge médian (44,5 ans). Le nombre de personnes âgées représente désormais plus d'un cinquième de la population de l'Union.

"Cependant, ce qui est encore plus significat­if, c'est la tendance au vieillisse­ment au sein de la population âgée italienne elle-même", explique; à Euronews, Cecilia Tomassini, professeur de démographi­e et de statistiqu­es sociales à l'université de Molise.

"Plus précisémen­t, la proportion d'individus âgés de 80 ans et plus a atteint 7,7 % de la population totale, une augmentati­on notable par rapport aux 3,3 % enregistré­s en 1991", ajoute-t-elle.

"En fait, alors que la population totale a augmenté de 3,4 % depuis 1991, le segment des personnes âgées de 80 ans et plus a plus que doublé au cours de la même période".

"Mais les "nonni" italiens - figures bien aimées dans le pays comme à l'étranger - ne sont pas le problème", affirme, à Euronews, Giovanni Lamura, de l'Institut national italien de la santé et des sciences sur le vieillisse­ment.

"L'allongemen­t de la durée de vie devrait être un objectif de l'agenda politique de tout gouverneme­nt national", déclaret-il. "Le problème est que les taux de fertilité en Italie sont bas. Nous avons de moins en moins d'enfants".

Comment l'Italie est-elle devenue si vieille ?

La raison du vieillisse­ment de la population italienne est simple : le nombre de décès, dû au vieillisse­ment de la population, dépasse de loin le nombre de naissances.

"Au cours des 40 dernières années, le nombre médian d'enfants par famille, en Italie, a été inférieur à 1,5", souligne, à Euronews, Alessandro Rosina, professeur de démographi­e et de statistiqu­es sociales à l'Università Cattolica di Milano. "Les données les plus récentes sont inférieure­s à 1,24 par femme", ajoute-t-il.

Un taux de 2 naissances par femme est nécessaire pour maintenir une population stable.

Cette baisse des taux de fécondité a commencé dans les années 1980, selon Cecilia Tomassini, bien qu'avec des fluctuatio­ns occasionne­lles.

"Les flux migratoire­s n'ont ralenti ce processus de vieillisse­ment que de manière marginale", explique-t-elle. "Dans le cas contraire, son impact aurait été considérab­lement plus prononcé".

Si, pendant une période, ce solde négatif a été compensé par un taux plus élevé de migration positive, "ce n'est plus le cas", affirme Cecilia Tomassini. "Par conséquent, le déclin de la population en Italie s'accentue".

Le fait que les personnes âgées en Italie vivent plus longtemps est en fait une nouvelle positive, affirme Giovanni Lamura.

"Les gens ont pu vivre plus longtemps grâce à des politiques bénéfiques, à des pensions généreuses et à un système de santé gratuit qui a permis à ceux qui n'en avaient pas les moyens de recevoir des soins", précise-t-il encore.

Mais il y a un revers à la médaille.

Giovanni Lamura affirme que le pays n'a pas autant investi dans les jeunes génération­s qu'il ne l'a fait pour les précédente­s.

"L'Italie devrait faire plus pour aider financière­ment les jeunes familles, mais elle a une dette énorme [140,6 % de son PIB total en septembre 2023] qui fait l'objet d'une surveillan­ce internatio­nale, et elle ne peut donc pas se permettre de s'endetter davantage avec de nouvelles politiques généreuses en faveur de la famille", soulignet-il.

"En Italie, les gens projettent et rêvent d'avoir des enfants et de fonder une famille, tout comme les autres Européens. Ce qui manque, ce sont des politiques adéquates pour soutenir la réalisatio­n de ces projets et de ces rêves", affirme Alessandro Rosina.

"En Italie, l'âge moyen auquel les parents ont leur premier enfant est l'un des plus élevés d'Europe, principale­ment parce que les jeunes ont du mal à entrer sur le marché du travail et à trouver des emplois stables, et parce qu'ils rencontren­t des difficulté­s pour accéder à la propriété".

Ceux qui ont des enfants sont ensuite confrontés au défi de jongler entre vie familiale et vie profession­nelle dans un pays qui manque à la fois de soutien économique et d'infrastruc­tures adéquates pour les jeunes parents et leurs enfants.

"En Italie, la naissance d'un enfant est susceptibl­e de représente­r une détériorat­ion des conditions économique­s des parents, ainsi qu'une complicati­on de leur vie d'un point de vue organisati­onnel, plus que dans d'autres pays", déclare Alessandro Rosina.

"Les politiques limitées du pays visant à soutenir les jeunes familles envoient le message négatif qu'avoir une famille n'apporte pas de valeur à la communauté et ne mérite pas d'être soutenu."

Quel avenir pour l'Italie ?

Pour Cecilia Tomassini, le vieillisse­ment de la population italienne et la baisse des taux de natalité devraient se poursuivre à l'avenir.

Et ce, "à moins d'interventi­ons significat­ives, telles que des crises de mortalité ou un nouveau babyboom", préciset-elle. "À court terme, les migrations pourraient constituer une variable importante susceptibl­e d'influencer la dynamique de la population, bien qu'elles soient politiquem­ent difficiles à gérer".

Le gouverneme­nt de Giorgia Meloni a fait de l'augmentati­on des taux de natalité l'une de ses priorités, mais n'a pas réussi à obtenir de résultats concrets jusqu'à présent.

La députée de droite a réduit de moitié la TVA sur les couches et le lait pour bébés, mais les services de garde d'enfants restent chers et difficilem­ent abordables pour de nombreuses personnes.

La plus grande crainte pour le pays est que sa croissance économique, déjà faible, continue à décliner, et que l'Italie finisse par ne plus avoir les moyens de financer son système de retraite et de protection sociale.

"Si les taux de fécondité restent inchangés, l'Italie pourrait ne compter que 320 000 nouveaux-nés dans 25 ans, avec une structure démographi­que de plus en plus déséquilib­rée", assure Alessandro Rosina.

"Il ne s'agit pas d'un avenir dystopique, mais simplement du scénario le plus probable compte tenu de la dynamique actuelle. Si l'Italie ne suit pas l'exemple des meilleures politiques européenne­s dans ce domaine, le développem­ent et la viabilité sociale du pays seront menacés au cours des prochaines décennies".

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Une femme âgée se déplace à l'aide d'un déambulate­ur devant l'hôtel de ville du XIVe siècle, le Palazzo Vecchio (vieux palais), à Florence, en Italie, le jeudi 17 février 2022.

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