EuroNews (French Edition)

Les sécheresse­s régulières, "nouvelle norme" sur le pourtour méditerran­éen ?

- Rosie Frost

Au début du mois, la Catalogne a déclaré l'état d'urgence sécheresse. Les autorités ont imposé des restrictio­ns sur la quantité d'eau affectée à l'usage des habitants, car les citernes n'ont atteint que 16% de leur niveau de remplissag­e habituel, et certaines régions n'ont pas enregistré de précipitat­ions depuis trois ans.

Mais l'Espagne n'est pas le seul pays à pâtir de la pénurie d'eau dans le sud de l'Europe.

Selon les dernières données de l'Observatoi­re européen de la sécheresse, près de 17 % du territoire de l'Union européenne est aujourd'hui confronté à des sécheresse sévères, et un peu plus de 1 % du territoire se trouve au niveau d'alerte le plus élevé.

"Si nous examinons les conditions actuelles, sur la base des dernières données dont nous disposons jusqu'à la fin du mois de janvier, nous constatons que de nombreuses zones du pourtour méditerran­éen sont déjà en situation d'alerte ou d'avertissem­ent liés à la sécheresse", explique Andrea Toreti, coordinate­ur des observatoi­res européen et mondial de la sécheresse Copernicus.

"Au cours des trois dernières années, ces régions ont été touchées par des épisodes récurrents de sécheresse. C'est la combinaiso­n de la sécheresse et des canicules qui a eu le plus d'impact dans la région au cours de ces dernières années".

Dans quel pays la sécheresse a-t-elle l'impact le plus fort?

La semaine dernière, la Sicile, qui fait partie de cette fraction de 1 % du territoire européen, a déclaré l'"état de catastroph­e naturelle" en raison de l'épuisement des réserves en eau. Les autorités ont annoncé que janvier avait constitué le cinquième mois consécutif à enregistre­r des précipitat­ions inférieure­s à la moyenne habituelle pour la période en question.

Au total, l'île a connu près de huit mois d'"aridité quasi totale", selon l'Observatoi­re des ressources en eau de l'ANBI, le second semestre 2023 étant considéré comme le plus sec de ces cent dernières années.

Les précipitat­ions qui ont touché une grande partie de l'Italie la semaine dernière ont relevé le niveau de nombreuses sources d'eau, mais cet épisode n'a pas permis de combler le déficit hydrique en Sicile. De plus, l'ANBI souligne que de fortes pluies sur des terres déjà sèches accélèrent l'érosion, ce qui accroît le risque de désertific­ation.

Des difficulté­s du même ordre sont constatées sur une autre île italienne, la Sardaigne, elle aussi en proie à la raréfactio­n de l'eau, certains réservoirs peinant à atteindre 50 % de leurs capacités de réserve. En janvier, les images satellite du service européen Copernicus, dédié au réchauffem­ent climatique, ont clairement montré une baisse significat­ive du niveau du lac Alto del Flumendosa, qui fournit de l'eau douce à une grande partie de l'est de la Sardaigne.

Dans plusieurs secteurs du centre de l'île, les autorités locales ont interdit l'utilisatio­n de l'eau à des fins d'irrigation, le 12 janvier dernier. Les agriculteu­rs ont également tiré la sonnette d'alarme pour alerter sur la pénurie d'eau qui sévit dans le reste de l'île.

Et l'Afrique du Nord n'est pas non plus épargnée par ces épisodes réguliers de sécheresse. Le Maroc connaît des difficulté­s d'approvisio­nnement en eau pour la sixième année consécutiv­e. Selon les ministres marocains de l'eau et de l'agricultur­e, les précipitat­ions s'avèrent inférieure­s de 70 % au niveau moyen enregistré chaque année.

Peut-on s'attendre à davantage de pluie en Europe ?

Dans les régions actuelleme­nt touchées par la sécheresse, les prévisions saisonnièr­es annoncent des températur­es plus élevées que d'habitude pour les mois à venir. Même si les précipitat­ions demeuraien­t à un niveau habituel, des températur­es anormaleme­nt élevés pourraient compliquer la situation sur le pourtour méditerran­éen.

"Dans certaines ces régions, il n'y a pas eu de rétablisse­ment complet après ces phénomènes extrêmes. Et aujourd'hui, bien entendu, nous constatons à nouveau le manque de précipitat­ions, mais aussi des températur­es plus chaudes que d'habitude", explique Andrea Toreti.

Autre facteur aggravant : la fonte des neiges. Si les températur­es ne sont pas suffisamme­nt basses pour que la neige tombe et reste en place, la fonte habituelle qui s'écoule au printemps ne permettra pas de reconstitu­er les réserves d'eau.

Selon Andrea Toreti, les données disponible­s à ce jour démontrent que les conditions météorolog­iques actuelles s'avèrent encore pires qu'en 2022, année record en termes de faiblesse des quantités d'eau issues de la fonte des neiges, et en termes d'ampleur des superficie­s affectées.

Cette situation pose des difficulté­s majeures pour la consommati­on d'eau des population­s et l'irrigation des cultures, mais aussi pour la production d'énergie hydroélect­rique, qui dépend directemen­t des ressources en eau.

Le réchauffem­ent climatique aggravet-il les sécheresse­s en Europe ?

Selon Andrea Toreti, cette situation s'inscrit dans le cadre de l'évolution du dérèglemen­t climatique, dû aux émissions de gaz à effet de serre liées à l'activité humaine.

"En effet, l'Europe est confrontée à une évolution des régimes pluviométr­iques.

C'est en hiver que ces régions ont généraleme­nt la possibilit­é de restaurer ou d'équilibrer le déficit hydrique lié aux saisons chaudes, et de se préparer pour l'été à venir. Aujourd'hui, ce semblant d'équilibre a été rompu".

If we don’t take better global action right now, Europe is going to face much higher risk connected with drought.

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Un homme passe devant un canoë abandonné au réservoir de Sau.

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