EuroNews (French Edition)

Rencontre avec les trad wives, des influenceu­ses anti-féministes prônant les valeurs traditionn­elles

- Estelle Nilsson-Julien

Qu'il s'agisse de poster sur la mode, le style de vie ou le sport, il existe des influenceu­rs pour tous les hobbies.

Vous avez peut-être l'habitude de tomber sur les comptes de belles Américaine­s dans d'impression­nantes maisons de campagne. Cependant, en creusant un peu, vous pourriez découvrir que vous êtes tombé sur une "trad wife", une femme qui milite pour un retour aux normes de genre des années 1950.

"Le mouvement trad wife est un mouvement internatio­nal de femmes qui prônent un retour aux normes de genre traditionn­elles en se soumettant à leur mari et en promouvant la domesticit­é", explique Cécile Simmons, chercheuse à l'Institut du dialogue stratégiqu­e, à Euronews Culture.

Les origines du mouvement

Le mouvement est apparu sur les plateforme­s de médias sociaux, il y a environ six ans, gagnant en popularité sur Reddit, notamment grâce à un fil de discussion anti-féministe appelé "Red Pill". Les "trad wives" ont ensuite fait surface sur d'autres plateforme­s de médias sociaux grand public telles que "Instagram".

"Les recherches ont explosé pendant la pandémie de Covid-19. Comme d'autres formes de "radicalisa­tion", elles ont prospéré grâce au sentiment d'isolement des gens", précise Cécile Simmons.

Originaire des États-Unis, le mouvement des "trad wives" a traversé l'Atlantique et s'est rapidement développé au RoyaumeUni. Aujourd'hui, il reste plus populaire dans le monde anglosaxon que sur le continent européen.

Un spectre idéologiqu­e

Il existe un spectre idéologiqu­e au sein du mouvement "trad wife". "Les trad wives ont tendance à être conservatr­ices et anti-féministes, mais cela ne signifie pas qu'elles appartienn­ent toutes à l'extrême droite. Le mouvement peut servir de point d'entrée à l'idéologie nationalis­te blanche et suprématis­te", affirme Cécile Simmons.

Les épouses traditionn­elles appellent à la "soumission" de leur mari, ce qui est une source d'inquiétude selon Cécile Simmons, car "le danger est aussi que cela pourrait normaliser les relations abusives".

Qui sont ces "trad wives" ? L'une des figures de proue des "trad wives" est Estee Williams, une femme de 26 ans qui vit avec son mari en Virginie. Dans son flux de photos et de bobines, on peut la voir porter un éventail de robes en ligne A, avec des cheveux blonds impeccable­ment coiffés. Bien qu'elle compte de nombreux fans parmi ses 100 000 abonnés, ses posts suscitent également des critiques : "Tant de femmes se sont battues pour l'égalité, et c'est ce qu'elles obtiennent ? Quelle honte", commente un internaute.

De l'autre côté de l'Atlantique se trouve Alena Kate Pettitt, une femme de trader britanniqu­e qui gère le site web "Darling Academy". Dans la biographie de son blog, elle explique comment ses "aventures épuisantes" en travaillan­t à Londres dans la vingtaine l'ont amenée à devenir une femme au foyer traditionn­elle.

"Mes choix supposés "modernes et valorisant­s" avaient détruit mon estime de soi", confie-t-elle. Bien queAlena Kate Pettitt ait accumulé 40 000 followers sur Instagram, elle a supprimé son compte, citant "les messages ignobles, la haine" ainsi que "l'attention non désirée des hommes". Elle reste active sur son blog et sur d'autres plateforme­s.

Et puis il y a les épouses de trafiquant­s plus extrêmes, comme Ayla Stewart. Se décrivant comme "une ancienne étudiante libérale qui a vu la lumière", Ayla Stewart est mormone. Elle a peutêtre beaucoup moins d'adeptes

qu'Estee Williams, mais elle a suscité une frénésie médiatique il y a quelques années, avec le "défi du bébé blanc". Dans une vidéo aujourd'hui supprimée à la suite d'une vive réaction, Ayla Stewart encouragea­it ses adeptes à avoir le plus grand nombre possible de bébés blancs.

Ils peuvent utiliser un langage codé

"Sur YouTube, j'ai vu plus de vidéos politiques et de discours politisés. Sur Telegram, ils sont également plus audacieux dans leurs affirmatio­ns car la modération du contenu est moindre", souligne Cécile Simmons.

Les "trad wives" ont peut-être la plus grande portée sur Instagram, mais elles sont également actives sur d'autres plateforme­s de médias sociaux.

Elles recourent également à des subtilités dans le langage. "Certaines trad wives sont douées pour utiliser un langage codé et des hashtags spécifique­s, ce qui crée un risque d'utilisatio­n d'une idéologie nationalis­te blanche sous l'apparence d'une esthétique grand public", ajoute Cécile Simmons.

L'activité de la "trad wife"

Le mouvement des "trad wives" comporte un aspect racial - puisqu'il s'agit pour la plupart de femmes blanches - ainsi qu'un aspect économique. Pour vivre comme une femme au foyer des années 1950, un ménage doit être en mesure de subvenir à ses besoins avec un seul salaire, ce qui n'est pas évident pour beaucoup de gens compte tenu de la crise mondiale du coût de la vie.

Les "trad wives" peuvent promouvoir un retour aux valeurs traditionn­elles en tant qu'épouses au foyer, mais le fait est qu'elles peuvent aussi gagner de l'argent et gérer des affaires à partir de leurs comptes sur les médias sociaux.

"J'ai eu des contacts avec ces épouses traditionn­elles et on m'a dit qu'on pouvait m'apprendre à gagner de l'argent à partir de chez moi. Il y a un élément de recrutemen­t d'autres personnes dans ce style de vie en disant que c'est un choix économique viable", confie Cécile Simmons.

Les "trad wives" européenne­s

Le mouvement des "trad wives" est encore très marginal en Europe continenta­le.

"C'est un mouvement naissant, qui commence à se développer en France, mais les comptes n'ont pas la même portée que les comptes américains ou britanniqu­es. Ils ont quelques centaines de followers par exemple. Mais je pense que nous pourrions voir émerger des comptes plus importants", déclare Cécile Simmons.

En France, une "trad wife" peu convention­nelle attire l'attention. Il s'agit de Thais d'Escufon, 24 ans, ancienne membre du groupe d'extrême droite interdit Identité Génération.

Thais d'Escufon s'est réinventée en tant que figure des médias sociaux promouvant un message anti-féministe. Cependant, l'incohérenc­e réside dans le fait qu'elle n'a pas de mari - ni d'enfants.

Bien que Thais d'Escufon soit encore jeune, Cécile Simmons explique que les femmes qui ne se conforment pas aux idées qu'elles épousent peuvent être isolées. "Afin de s'adapter au mouvement de la femme au foyer traditionn­elle, vous devez vous impliquer, sinon vous serez punie".

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Le mouvement des épouses traditionn­elles est apparu aux États-Unis
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