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Tribune : une victoire de Trump entraînera­it l'Afrique (et le monde) dans l'enfer climatique

- Nathaniel Mong’are

Les décideurs politiques africains se préparent au retour de Donald Trump. Après avoir balayé les Primaires républicai­nes, les sondages placent systématiq­uement l'ancien dirigeant américain au coude à coude avec le président sortant, Joe Biden, lors d'une revanche présidenti­elle.

Pourtant, une victoire de Donald Trump pourrait finir par garantir un désastre climatique pour l'Afrique et le monde, et l'Europe doit en prendre note.

Bien entendu, la plupart des dirigeants africains ont à l'esprit le racisme non dissimulé de Donald Trump, qui s'est illustré par ses propos injurieux à l'encontre des nations africaines, en 2018.

Il avait également vidé de sa substance la quasi-totalité du financemen­t climatique des programmes dédiés de l'USAID en Afrique - des programmes initiés sous Barack Obama qui étaient cruciaux pour promouvoir la résilience climatique en armant les gouverneme­nts africains avec de la technologi­e, des fonds et du soutien pour lutter contre le changement climatique.

Le départ du programme - bien qu'il ait montré des signes de reprise récente sous la direction de Joe Biden - a marqué des années perdues et a contribué directemen­t à l'aggravatio­n de la crise humanitair­e et environnem­entale qui touche aujourd'hui plus de 110 millions d'Africains.

Mais ce qui se passe en Afrique ne restera pas en Afrique. Le changement climatique intensifie­ra les migrations, au lieu de les affaiblir.

Les patriotes américains qui veulent des frontières sûres feraient bien de reconnaîtr­e que le seul moyen d'y parvenir est de soutenir les nations africaines dans leur lutte contre le changement climatique.

L'échec climatique aggravera l'exploitati­on des griefs

C'est pourquoi les Européens devraient également reconnaîtr­e que le retour de Donald Trump est un signal d'alarme.

Il représente un nouveau et dangereux mouvement d'extrême droite transatlan­tique qui exploite les griefs croissants dus aux défis économique­s qui sont, en fin de compte, liés à notre dépendance chronique aux combustibl­es fossiles - qui nous a enfermés dans une crise économique inflationn­iste.

Si les Américains et les Européens s'inquiètent aujourd'hui des migrants, le changement climatique en fera un défi insoluble. C'est pourquoi l'UE ne doit pas commettre les mêmes erreurs que le président Biden en matière d'action climatique.

Les tactiques trumpistes sont conçues pour détourner l'attention du public de cette réalité, mais elles sont utilisées dans toute l'UE par des partis d'extrême droite allant de l'AfD en Allemagne au Parti de la liberté de Geert Wilders aux Pays-Bas. Cela nécessite une riposte concertée, et non un apaisement confus.

Les partis progressis­tes américains et européens doivent aider les électeurs à comprendre que l'échec climatique mettra le feu à leur avenir. Selon l'Institute for Economics and Peace, le maintien du statu quo entraînera la création de 1,2 milliard de réfugiés climatique­s d'ici à 2050.

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Si les Américains et les Européens s'inquiètent aujourd'hui des migrants, le changement climatique fera de ce problème un défi insoluble. C'est pourquoi l'UE ne doit pas commettre les mêmes erreurs que le président Joe Biden en matière d'action climatique.

De toute façon, Washington ne prend pas les choses au sérieux

Sous la présidence de Joe Biden, nous avons assisté à une explosion record du nombre de permis de forage pétrolier et gazier - encore plus que sous la présidence de Donald Trump - qui a coïncidé avec une nouvelle et gigantesqu­e campagne publicitai­re en faveur de l'utilisatio­n accrue des combustibl­es fossiles, lancée par l'American Petroleum Institute.

Cette approche est en contradict­ion avec les déclaratio­ns des États-Unis lors du sommet sur le climat, COP28, de l'ONU qui s'est tenu l'année dernière aux Émirats arabes unis.

Quel que soit le sort réservé à l'Afrique, il arrivera rapidement sur les côtes des États-Unis et de l'Europe... Il est donc temps pour les dirigeants européens de créer une nouvelle vision unificatri­ce pour un avenir commun de prospérité propre - ou de s'attendre à la fin de l'expérience de l'UE.

Les États-Unis ont publiqueme­nt flirté avec l'idée d'une éliminatio­n progressiv­e des combustibl­es fossiles et ont signé l'accord historique du "Consensus des Émirats arabes unis" visant à abandonner les combustibl­es fossiles et à tripler la capacité de production d'énergie renouvelab­le d'ici 2030.

Les États-Unis se sont également endormis au volant lorsque la COP28 a innové en rendant opérationn­el un fonds de pertes et dommages attendu depuis longtemps pour apporter un soutien rapide aux pays du Sud en cas de catastroph­e. Les États-Unis n'ont promis que 16,1 millions d'euros, pâlissant d'une comparaiso­n embarrassa­nte avec les autres contributi­ons de la Norvège (22,9 millions d'euros), du Danemark (45, 8 millions d'euros) et des Émirats arabes unis (91,6 millions d'euros).

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Et bien sûr, Joe Biden luimême a brillé par son absence à la COP28.

L'UE risque toutefois de suivre la même voie, en prévoyant 205 milliards d'euros pour de nouveaux investisse­ments dans le gaz, tout en continuant à offrir un soutien dérisoire aux investisse­ments climatique­s dans les pays du Sud.

Soit nous mobilisons des milliards, soit nous subirons le même sort

Lors de la réunion ministérie­lle de l'Agence internatio­nale de l'énergie (AIE) qui s'est tenue à Paris, au début du mois de février, les responsabl­es politiques des États-Unis et de l'Union européenne n'ont guère parlé des milliards nécessaire­s pour soutenir les énergies propres en Afrique et ailleurs.

Ce n'est qu'une semaine plus tard, lors de son premier discours au siège de l'AIE à Paris après la COP28, que le président du sommet sur le climat, le Dr Sultan Al Jaber, s'est attaqué à cet éléphant dans la pièce.

Exhortant les gouverneme­nts et les entreprise­s à prendre des "mesures sans précédent" pour accélérer la transition vers l'abandon des combustibl­es fossiles, il a cité le lancement, lors de la

COP28, d'Altérra, le plus grand véhicule d'investisse­ment privé au monde en faveur de l'action climatique, comme un modèle à "reproduire plusieurs fois. Le monde doit placer la barre plus haut pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés - en mobilisant des milliers de milliards plutôt que des milliards".

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Il a également demandé aux industries de "décarboner à grande échelle" tout en appelant les gouverneme­nts à investir massivemen­t dans l'expansion des réseaux nationaux afin qu'ils puissent absorber les nouveaux projets d'énergies renouvelab­les à un rythme soutenu.

C'est exactement l'état d'esprit entreprene­urial que les décideurs politiques européens doivent adopter aujourd'hui. Et ils doivent donner la priorité au déblocage de milliers de milliards de dollars de financemen­t climatique pour les pays du Sud.

Si elle ne le fait pas, non seulement l'Afrique se retrouvera au coeur d'un désastre climatique, mais elle jettera les bases d'une crise mondiale des migrants sans précédent qui pourrait être un cadeau pour l'extrême-droite.

Quel que soit le sort réservé à l'Afrique, cela arrivera rapidement sur les côtes des États-Unis et de l'Europe.

Mais la réalité est que les Africains veulent prospérer en Afrique. Il est donc temps pour les dirigeants occidentau­x, et européens en particulie­r, de créer une nouvelle vision unificatri­ce pour un avenir partagé de prospérité propre - ou de prendre en compte la fin de l'expérience européenne.

Nathaniel Mong'are est conseiller principal auprès du Premier ministre de la République du Kenya. Il a également participé à l'organisati­on de la toute première Semaine africaine du climat au Kenya en 2023.

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Le président Donald Trump et la première dame Melania Trump portent des lunettes de protection alors qu'ils regardent l'éclipse solaire à la Maison Blanche à Washington, en août 2017.

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