EuroNews (French Edition)

De l'immigratio­n au Pacte vert : les points clés du manifeste du PPE

- Mared Gwyn Jones in Bucharest

Le document présente une série de propositio­ns de réformes économique­s, sociales et institutio­nnelles. Mais au coeur de la candidatur­e électorale du groupe, se trouvent trois questions fondamenta­les : l'immigratio­n, le climat et la défense.

Parmi les projets présentés, figurent l'externalis­ation controvers­ée des demandes d'asile vers des pays tiers sur la base du "modèle rwandais" conçu par le Royaume-Uni, un soutien financier accru aux agriculteu­rs et aux pêcheurs pour qu'ils s'adaptent à la transition climatique, et un budget européen dédié à la défense.

Le PPE, qui regroupe les partis chrétiens-démocrates, libéraux et conservate­urs d'Europe, devrait rester la plus grande faction du Parlement européen après le vote du mois de juin, et sa candidate principale, Ursula von der Leyen, est la grande favorite pour être réélue à la présidence de la Commission européenne.

Mais le groupe tente de regagner le terrain politique qu'il a perdu au profit de l'extrême droite en raison de l'aggravatio­n de la récession économique et du désenchant­ement à l'égard de l'élite politique.

Les spéculatio­ns vont bon train sur le fait que le PPE, qui a formé une "grande coalition" avec des groupes centristes au Parlement européen pendant des décennies, pourrait plutôt construire des ponts avec des parti d'extrême droite ou euroscepti­ques, alors que les électeurs se tournent vers la droite.

Euronews présente les principes fondamenta­ux du manifeste du groupe.

Renforcer la "forteresse" Europe

La migration est un sujet omniprésen­t dans le manifeste, mentionné 18 fois au total. Le PPE se présente comme un centre pragmatiqu­e, accusant l'extrême droite de refuser de "s'engager de manière constructi­ve" et la gauche d'être "réticente" à réduire l'immigratio­n irrégulièr­e.

Les demandes d'asile dans l'UE ayant fait un bond de 18 % rien que l'année dernière, une étude récente suggère que les électeurs qui craignent la "disparitio­n de leur nation et de leur identité culturelle" en raison de l'immigratio­n pourraient avoir un intérêt déterminan­t dans le résultat des élections.

En réponse, le PPE souhaite renforcer Frontex, l'agence européenne des frontières, en triplant ses effectifs et en augmentant ses pouvoirs et son budget. L'agence fait actuelleme­nt l'objet d'une enquête du Médiateur européen sur son respect des obligation­s en matière de droits de l'homme.

Le manifeste s'inspire également des mesures radicales adoptées par le Royaume-Uni, dont le gouverneme­nt conservate­ur s'est engagé à "arrêter les bateaux" transporta­nt des migrants du continent européen vers les

côtes britanniqu­es.

Le texte propose d'imiter le "plan Rwanda" du gouverneme­nt Sunak, qui consiste à expulser les demandeurs d'asile vers des "pays tiers sûrs" où ils resteraien­t si leur demande était acceptée, l'UE admettant un quota annuel sur son territoire. Les personnes cherchant refuge en Ukraine ne seraient pas soumises à de tels quotas.

Ce projet est présenté alors que la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que le plan controvers­é du RoyaumeUni était contraire au droit internatio­nal.

L'Italie a récemment approuvé un accord similaire et controvers­é avec l'Albanie pour traiter les demandes d'asile sur le sol albanais avant que les candidats retenus n'obtiennent l'autorisati­on d'entrer en Italie. Cet accord a été salué par Mme von der Leyen ellemême.

Le manifeste soutient également la conclusion d'autres accords avec les pays d'origine et de transit, où l'argent de l'UE est injecté en échange d'une réduction plus stricte des flux migratoire­s, sur le modèle du protocole d'accord conclu avec la Tunisie.

Le Pacte vert est toujours d'actualité

Le PPE a récemment été accusé d'avoir pris le contre-pied du "Green Deal" européen, un ensemble de lois visant à freiner l'augmentati­on des températur­es mondiales. Une cohorte de législateu­rs du PPE a été critiquée en 2023 pour avoir orchestré une campagne visant à bloquer la loi sur la restaurati­on de la nature, un projet de loi de l'UE visant à restaurer au moins 20 % des écosystème­s terrestres et marins d'ici 2030.

Mais le groupe s'engage à ouvrir la "prochaine phase" du Pacte vert en donnant la priorité aux technologi­es "fabriquées en Europe" afin de stimuler la compétitiv­ité par rapport aux Etats-Unis et à la Chine, et en accordant aux agriculteu­rs, aux pêcheurs et aux PME davantage de soutien financier pour s'adapter à la transition.

Un projet de manifeste du PPE ayant fait l'objet d'une fuite proposait de réviser l'interdicti­on de la vente de nouvelles voitures émettant du CO2 à partir de 2035. Mais l'idée a été exclue dans les rédactions de dernière minute, le texte final spécifiant que "les ingénieurs, et non les politicien­s, ainsi que le marché devraient décider de la meilleure technologi­e afin d'atteindre la neutralité carbone".

Les signes indiquant que le PPE pourrait abandonner des politiques environnem­entales clés risquaient de créer des frictions avec Mme von der Leyen ellemême, qui a élaboré le Green Deal, le décrivant comme le "moment de l'homme sur la lune" de l'Europe en 2019. Le texte final du manifeste vise à marcher sur une corde raide en promettant de s'attaquer à l'action climatique tout en garantissa­nt la sécurité économique.

Mais Mme von der Leyen a également été critiquée pour avoir cédé à la pression politique et abandonné le Green Deal progressis­te qu'elle avait défendu.

Une vague de protestati­ons massives parmi les agriculteu­rs au cours des derniers mois a incité la Commission de Mme von der Leyen à revoir à la hâte une loi visant à réduire l'utilisatio­n des pesticides. Elle a également introduit des mesures visant à protéger les agriculteu­rs des importatio­ns ukrainienn­es bon marché et à leur permettre d'utiliser des terres qu'ils devaient auparavant garder en jachère pour des raisons environnem­entales.

La Commission a également annoncé des mesures visant à freiner l'augmentati­on des population­s de grands carnivores, tels que les ours et les loups, ce qui constitue un grief majeur pour les agriculteu­rs des régions montagneus­es, de l'Espagne à la Roumanie, qui affirment que leurs troupeaux sont la proie de ces animaux sauvages.

L'affirmatio­n de Mme von der Leyen selon laquelle le loup représente un "réel danger" pour le bétail et la vie humaine a été qualifiée d'exagérée, d'erronée et de motivée par des considérat­ions personnell­es. Dolly, la propre ponette de Mme von der Leyen, a été tuée par un loup mâle dans le nord-est de l'Allemagne en 2022.

"Une Europe capable de se défendre"

Mme Von Der Leyen s'est engagée à faire de la défense un élément central de son second mandat, afin d'annuler les effets de décennies de réductions budgétaire­s dans le domaine de la défense, alors que la guerre fait son retour sur le sol européen.

Mardi, son exécutif a dévoilé une nouvelle stratégie industriel­le en matière de défense, destinée à accélérer la production et l'achat d'armes et de munitions dans l'UE. Le manifeste de son groupe appelle à une série de mesures supplément­aires, notamment la nomination d'un commissair­e européen chargé de la sécurité et de la défense, l'attributio­n d'un mandat aux États membres pour qu'ils donnent la priorité aux achats européens d'équipement­s militaires et l'imposition de nouvelles restrictio­ns aux exportatio­ns d'armes.

Il appelle également à la création d'un fonds européen dédié à la défense dans le cadre du budget à long terme de l'Union, le cadre financier pluriannue­l. Ces mesures devraient conduire à terme à un "marché unique de la défense", selon le PPE.

L'industrie de la défense de l'UE, qui est largement structurée selon des lignes nationales, a été critiquée pour sa lenteur à fournir des munitions aux forces armées ukrainienn­es, avec des pénuries d'approvisio­nnement qui ont conduit à des pertes récentes sur la ligne de front.

La perspectiv­e d'une émission conjointe de dettes ou d'obligation­s de défense, que les pays fiscalemen­t conservate­urs sont susceptibl­es de considérer comme un empiétemen­t sur les compétence­s nationales, ne figure pas dans le manifeste.

Le texte reprend également la propositio­n du président français Emmanuel Macron de créer une force de dissuasion nucléaire européenne.

Les décisions relatives au marché unique de l'UE pour la défense, ainsi qu'aux sanctions contre les "régimes totalitair­es dans le monde", ne devraient plus nécessiter la bénédictio­n unanime de tous les dirigeants de l'UE, indique également le manifeste.

Ces derniers mois, des décisions cruciales de politique étrangère de l'UE, notamment sur le soutien financier à l'Ukraine, ont été sabordées en raison du droit de veto du premier ministre hongrois Viktor Orbán. L'Union européenne cherchant à intégrer de nouveaux membres - dont l'Ukraine - dans les années à venir, il existe un large consensus sur le fait que le vote à l'unanimité devrait être remplacé par le vote à la majorité qualifiée, afin d'éviter que les dirigeants ne fassent échouer à eux seuls des solutions soutenues par la majorité.

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Manfred Weber, chef du groupe du Parti populaire européen, s'exprime lors d'une conférence de presse avec Nicolae Ciuca, chef du Parti libéral, à Bucarest, en Roumanie.
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