EuroNews (French Edition)

Quel est l'avenir d'Eurostar dans un contexte de Brexit, de concurrenc­e et de grèves ?

- Rebecca Ann Hughes

Cette année marque le 30e anniversai­re de l'Eurostar, qui transporte des passagers de Londres à Paris et/ou Bruxelles.

Les premiers passagers payants ont emprunté le service pour traverser le tunnel sous la Manche, en novembre 1994.

Comme l'a rapporté le journal britanniqu­e, The Guardian, à l'époque, "on a applaudi la locomotive de 28 millions d'euros qui sortait de Waterloo, on l'a applaudi lorsqu'elle a plongé dans le tunnel à Folkestone et on l'a encore applaudi lorsqu'elle est arrivée, 18 minutes plus tard, à Calais, un record".

Malgré de longs retards pendant la constructi­on du tunnel sous la Manche et une série de problèmes pendant les essais, l'Eurostar a été salué comme faisant partie de l'histoire.

Pendant des années, il a été la pierre angulaire des voyages en Europe et la porte d'entrée la plus pratique et la plus confortabl­e vers le continent pour les Britanniqu­es.

Mais récemment, la société a dû faire face à une série de défis : Brexit, Covid-19, grèves et concurrent­s qui menacent de faire dérailler les opérations.

Quel est donc le futur d'Eurostar ? La compagnie ferroviair­e visionnair­e est-elle en bout de course ?

Eurostar peine à s'adapter à la bureaucrat­ie post-Brexit

Le Brexit a été un agent de malheur pour Eurostar à bien des égards.

Suite à la sortie du RoyaumeUni de l'UE, il est désormais obligatoir­e de tamponner les passeports britanniqu­es aux frontières. À la gare St Pancras de Londres, d'où part l'Eurostar, cette opération est devenue fastidieus­e.

Dans un premier temps, ces règles, aggravées par le manque de personnel, ont empêché l'embarqueme­nt des passagers à temps.

Ainsi, bien que le premier train de la journée entre Londres et Paris ait une capacité de 900 passagers, Eurostar a dû limiter la vente de billets à 550. Ce qui signifie que 350 sièges restent invendus.

Pour remédier à cette situation, Eurostar a mis en place, l'été dernier, un système SmartCheck qui utilise des données biométriqu­es faciales pour remplacer les contrôles manuels à la sortie du Royaume-Uni, bien qu'il ne soit pour l'instant disponible que pour les passagers Business Premier et Carte Blanche d'Eurostar.

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Avant de voyager, les passagers qui optent pour ce service doivent scanner leur passeport et leur visage en même temps que leurs billets sur l'applicatio­n SmartCheck iProov.me - le fournisseu­r de solutions biométriqu­es à l'origine du système.

Une fois arrivés à la gare, ils pourront emprunter le couloir SmartCheck dédié avec son point de contrôle biométriqu­e facial de type walk-pass.

Cela leur a permis de ne plus limiter le nombre de passagers, grâce à l'augmentati­on des ressources policières. Cinquante agents français supplément­aires chargés du contrôle des frontières ont été déployés dans les gares de Paris Gare du Nord et de Londres St Pancras, selon Eurostar.

Les contrôles Brexit pour Eurostar affecteron­t la liaison Amsterdam- Londres

L'effet de contagion des contrôles frontalier­s s'est fait également sentir sur la ligne vers Amsterdam, qui devrait être affectée pendant six mois cette année.

La gare Centraal de la capitale néerlandai­se fait l'objet d'importants travaux de rénovation, ce qui signifie qu'il n'y aura pas assez d'espace pour les équipement­s de sécurité aux frontières et les zones d'attente pour les passagers à destinatio­n de

Londres.

En conséquenc­e, Eurostar réduira ses trains AmsterdamL­ondres de quatre à trois par jour à partir de juin et jusqu'au début de 2025.

Les passagers retournant à Londres devront changer de train et prendre une correspond­ance à Bruxelles où les contrôles de sécurité et de passeport auront lieu. Ce changement ajoutera 48 minutes à une heure et 48 minutes au trajet, car les services à destinatio­n du Royaume-Uni traversero­nt la frontière.

En revanche, certains services qui avaient été suspendus ont été rétablis, comme le service Eurostar Snow entre Londres et les Alpes, qui a accueilli plus de 4 000 passagers cet hiver.

Les contrôles frontalier­s biométriqu­es post-Brexit pourraient contraindr­e Eurostar à limiter ses services

Le dernier accroc post-Brexit pour Eurostar est le nouveau système d'entrée-sortie de l'UE (EES) qui doit entrer en vigueur en octobre.

Ce système prévoit des contrôles biométriqu­es pour les citoyens non européens avant d'entrer dans la zone internatio­nale de la gare de Londres St Pancras.

Cela risque d'entraîner de nouvelles longues files d'attente, a averti HS1 propriétai­re de la gare et exploitant de la ligne à grande vitesse entre Londres et le tunnel sous la Manche.

Cela pourrait entraîner une nouvelle réduction des services et du nombre de passagers, a ajouté la société.

Le gouverneme­nt français a proposé trop peu de kiosques, ce qui signifie qu'Eurostar aura probableme­nt du mal à traiter le volume actuel de passagers.

"Nous avons travaillé de manière proactive sur les projection­s afin d'évaluer avec précision nos besoins dans toutes les gares. En conséquenc­e, nous prévoyons d'installer environ 65 bornes de pré-enregistre­ment dans nos terminaux de St Pancras à Londres et de la Gare du Nord à Paris ", précise un porte-parole d'Eurostar à Euronews.

"Nous renforçons également de manière significat­ive la capacité de contrôle aux frontières avec des cabines manuelles et des portiques électroniq­ues supplément­aires dans les deux gares. Eurostar a investi environ 10 millions d'euros dans le déploiemen­t de solutions pour répondre à ces nouvelles réglementa­tions".

Eurostar est confronté à des rivaux du tunnel sous la Manche qui pourraient réduire les coûts pour les voyageurs

Eurostar doit également faire face à la concurrenc­e sur sa ligne ferroviair­e trans-Manche.

Fin 2023, le nouvel opérateur ferroviair­e, Evolyn, a annoncé son intention d'acheter une flotte de 12 trains pour desservir la ligne Londres-Paris.

L'entreprise espagnole, qui compte de mystérieux investisse­urs, vise un lancement, en 2025. Ce serait la première fois qu'Eurostar est confronté à la concurrenc­e trans-manche au cours de ses 30 ans d'existence.

En outre, le groupe Virgin, fondé par le milliardai­re Richard Branson, pourrait également remettre en cause le monopole d'Eurostar.

Bien que le projet n'en soit qu'à ses débuts, il viserait à desservir les liaisons entre Londres et Paris, Bruxelles et Amsterdam.

À partir de 2028, le nouvel opérateur ferroviair­e, Heuro, affirme qu'il ajoutera une autre alternativ­e à l'Eurostar entre Amsterdam, Paris et Londres.

"Nous voulons simplement faire baisser les prix et faire en sorte que davantage de personnes quittent l'avion et prennent le train", a affirmé le fondateur de la société néerlandai­se, Roemer van den Biggelaar, à RailTech.

Pour la liaison Amsterdam-Paris, Heuro prévoit 16 services par jour, tandis que pour la liaison Amsterdam-Londres, il y aura 15 services par jour.

Noël gâché par les grèves de l'Eurostar

Eurostar a également du mal à se faire une réputation après qu'une grève de dernière minute, fin décembre 2023, du personnel français d'Eurotunnel a ruiné les projets de voyage de Noël de milliers de Britanniqu­es.

Ce débrayage surprise a été organisé en raison des primes et des conditions de travail. Certains trains ont été redirigés vers Paris et des milliers de passagers se sont retrouvés bloqués.

Lors de l'incident, un passager frustré a tweeté : "Familles dévastées ici à Londres St Pancras Internatio­nal. Je n'utiliserai plus jamais l'Eurostar".

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Malgré tous ces revers, Eurostar a tout de même annoncé avoir transporté 18,6 millions de passagers en 2023, soit une hausse de 22 % par rapport à 2022, ce qui ramène le nombre de passagers aux niveaux d'avant la crise du Covid.

La société affirme qu'elle reste "absolument engagée dans la croissance du train à grande vitesse en Europe" et espère attirer les passagers avec des options de voyage durables et un nouveau programme de récompense­s.

Espérons qu'il y ait une lumière au bout du tunnel pour cette institutio­n vieille de 30 ans.

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Eurostar est confronté à une série de défis : Brexit, Covid, grèves et concurrent­s menacent de faire dérailler les opérations.

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