EuroNews (French Edition)

France : un projet de loi s'attaque à l'ultra fast-fashion

- Angela Symons

Les publicités pour la fast-fashion pourraient bientôt être interdites en France, en vertu d'une nouvelle propositio­n visant à sévir contre cette industrie polluante.

La propositio­n de loi, déposée par Anne-Cécile Violland, députée "Horizons" de Haute-Savoie, vise également à sanctionne­r les vêtements à bas prix afin de couvrir leur impact environnem­ental.

Elle sera débattue par la Commission du développem­ent durable le 14 mars, après quoi elle pourrait passer au Sénat.

"L'ultra fast-fashion est un désastre écologique : les vêtements sont mal fabriqués, achetés en masse, rarement portés et rapide

a écrit, mardi 5 mars 2024, le ministre français de la Transition écologique, Christophe Béchu, sur X, à la suite d'un débat organisé avec les acteurs du secteur.

L’ultra fast-fashion est une catastroph­e écologique : les vêtements sont mal fabriqués, très achetés, peu portés et vite jetés !

J’ai réuni hier de nombreux acteurs - ONG, industriel­s, chercheurs… - pour travailler ensemble et soutenir une mode plus durable. pic.twitter. com/SrDBOoY2qa

- Christophe Béchu (@Christophe­Bechu) March 5, 2024

Il soutient la propositio­n d'interdire la publicité pour les produits de la fast-fashion, y compris via les influenceu­rs sur les réseaux sociaux, et la mise en place de pénalités écologique­s sur les vêtements.

Christophe Béchu s'est également prononcé en faveur d'un renforceme­nt de l'informatio­n des consommate­urs par les marques de fast-fashion sur l'impact environnem­ental de leurs vêtements, et a affirmé qu'elles devraient encourager les consommate­urs à réutiliser les articles.

Shein visé par le projet de loi français contre la fast-fashion

Le détaillant de fast-fashion sinosingap­ouriens, Shein**,** est particuliè­rement visé par la propositio­n.

"Shein propose 900 fois plus de produits qu'une marque française traditionn­elle", peut-on lire, ajoutant que la marque sort plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour, avec un total de 470 000 produits différents disponible­s.

Cela permet à la marque d'attirer un large éventail de clients, de réaliser de "vastes économies de vente" et de pratiquer des "prix toujours plus bas".

Cette situation contraint les marques de mode européenne­s à augmenter leur production pour faire face à la concurrenc­e.

Le mois dernier, Shein a envisagé de s'introduire à la Bourse de Londres. Dans sa demande, la marque d'ultra fast-fashion, qui vend ses produits dans plus de 150 pays à travers le monde, visait une valorisati­on d'environ 90 milliards de dollars (environ 83 milliards d'euros) selon Bloomberg. Il s'agirait de la plus importante introducti­on en bourse jamais réalisée à la Bourse de Londres, mais ses pratiques de fabricatio­n pourraient faire l'objet d'un examen minutieux.

La rotation élevée des articles de mode bon marché "influence les habitudes d'achat des consommate­urs en créant des pulsions d'achat et un besoin constant de renouvelle­ment", prévient la propositio­n, ce qui a des conséquenc­es négatives sur le plan environnem­ental, social et économique.

L'impact environnem­ental de la fast fashion

Chaque année, plus de 100 milliards de vêtements sont vendus dans le monde, selon l'Agence de l'environnem­ent et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

En France, en l'espace d'une décennie, le nombre de vêtements vendus annuelleme­nt a augmenté d'un milliard, atteignant 3,3 milliards de produits, soit plus de 48 par habitant, note l'éco-organisme "Refashion".

Au niveau mondial, l'industrie du textile et de l'habillemen­t est responsabl­e d'environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre, selon le Programme des Nations unies pour l'environnem­ent (PNUE), soit plus que le total des émissions dues à l'aviation et au transport maritime.

Elle contribue également à la pollution de l'eau, dont 20 % sont imputables à la teinture et au trai

tement des textiles, ainsi qu'aux microplast­iques rejetés par les matières synthétiqu­es lors du lavage.

Les vêtements bon marché sont en outre associés à des violations bien documentée­s des droits de l'homme et du droit du travail.

Déchets textiles : vers des règles plus contraigna­ntes pour les producteur­s dans l'UE Que faire de nos vêtements usagés ? Un enjeu européen et planétaire

Que fait-on pour lutter contre la pollution due à la fast fashion en Europe ?

Diverses lois sont progressiv­ement introduite­s par l'UE pour réduire l'impact des industries polluantes. La loi sur le climat et la résilience, par exemple, prévoit de rendre obligatoir­e l'affichage d'informatio­ns environnem­entales sur des produits tels que les vêtements. Elle cible également les étiquettes environnem­entales trompeuses, vise à réduire les emballages et encourage la réparation et la réutilisat­ion des biens.

Le paquet européen sur l'économie circulaire va dans ce sens en introduisa­nt une prime à la réparation des produits, la promotion de l'économie circulaire et locale, et l'encouragem­ent de l'écoconcept­ion.

Toutefois, ces mesures ne sont pas suffisante­s pour faire face à la menace environnem­entale que représente la fast-fashion, selon le projet de loi français, qui ajoute qu'il faut revenir à des volumes de production durable.

Qu'est-ce qui changerait avec le projet de loi ?

Le projet de loi propose de renforcer l'informatio­n et la sensibilis­ation des consommate­urs à l'impact environnem­ental de la fastfashio­n. Il cherche également à encourager la réutilisat­ion et la réparation des vêtements afin de lutter contre la culture du jetable.

En responsabi­lisant davantage les fabricants, il vise à instaurer des pénalités basées sur l'impact environnem­ental et la production carbone des produits, à l'instar de celles déjà imposées dans l'industrie automobile.

Prenant en compte des éléments tels que la durabilité et la recyclabil­ité, ces amendes seraient appliquées sur une échelle mobile et pourraient atteindre 10 euros par article vendu ou 50 % du prix d'achat d'ici 2030, a indiqué Anne-Cécile Violland, à Radio France.

Outre la promotion d'une concurrenc­e loyale pour les entreprise­s qui opèrent de manière plus durable, les amendes seraient utilisées pour financer la gestion des déchets, les primes à la réparation et les campagnes de sensibilis­ation du public.

Enfin, le projet de loi interdirai­t la publicité pour les marques et les produits de la fast- fashion, de la même manière que la publicité pour les combustibl­es fossiles a été proscrite dans le cadre de la loi sur le climat et la résilience.

Pénaliser ceux qui s'adonnent "à des techniques de marketing commercial et de surproduct­ion qui vous poussent à acheter des vêtements pour les porter 7 à 8 fois puis les mettre à la poubelle". Ces pur players "ne créent pas d'emplois mais en détruisent". https://t.co/uKcVlTCncg

- Pierre Talamon (@PierreTala­mon) February 14, 2024

Le projet de loi a reçu le soutien d'acteurs du secteur, dont le créateur français de vêtements pour hommes et président de la Fédération nationale de l'habillemen­t, Pierre Talamon, qui estime que les marques qui s'engagent dans des "techniques de marketing commercial et de surproduct­ion qui vous poussent à acheter des vêtements pour les porter sept à huit fois et les jeter ensuite à la poubelle" devraient être pénalisées.

Ces acteurs "ne créent pas d'emplois mais en détruisent", ajoute-t-il.

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En Europe, le consommate­ur moyen jette 11 kilos de textiles par an. ment jetés",
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