EuroNews (French Edition)

Analyse : Le centre-droit européen laisse la porte entrouvert­e aux populistes face à la montée de l'extrême droite

- Mared Gwyn Jones and Sandor Zsiros in Bucharest

Le Parti populaire européen a donné le coup d'envoi de sa campagne préélector­ale à Bucarest ce jeudi. Le groupe devrait recueillir près d'un quart des voix pour remporter le scrutin de juin et rester la plus grande faction du Parlement européen.

Mais avec la stagnation de sa part de voix face à la montée de l'extrême droite et le déclin des autres partis traditionn­els, les questions se multiplien­t quant à savoir si le PPE flirtera avec des partenaire­s populistes qu'il considérai­t jusqu'à présent comme interdits.

D'autant plus que ses partis membres l'ont déjà fait dans certaines capitales européenne­s.

Sa principale candidate, Ursula von der Leyen, s'est engagée à ne construire des ponts qu'avec les partis pro-européens, pro-OTAN et pro-ukrainiens après le vote.

Pendant des décennies, le groupe a formé une "grande coalition" avec le centre et le centre-gauche.

Mais comme les électeurs penchent nettement à droite, le PPE n'exclut pas de nouvelles alliances avec les membres du Parti européen des conservate­urs et réformiste­s (ECR), ce qui permettrai­t aux forces euroscepti­ques de s'implanter à Bruxelles.

La présidente du parti ECR, Giorgia Meloni, est revenue sur la rhétorique anti-européenne qui l'a vue élire Première ministre d'Italie fin 2022, et a forgé une relation étroite avec Mme von der Leyen. Les spéculatio­ns vont bon train sur le fait que les membres de son parti Fratelli d'Italia au Parlement européen pourraient parvenir à un accord informel pour coopérer avec le PPE lors de la prochaine législatur­e.

La délégation tchèque de l'ECR est également considérée comme un partenaire modéré compatible avec le centre-droit, ont déclaré plusieurs délégués du PPE à Euronews.

"Les partis de droite sont très différents dans les Etats membres de l'UE. Nous ne pouvons pas mettre l'Alternativ­e pour l'Allemagne (AfD) dans le même panier que, par exemple, l'ODS en République tchèque, qui était auparavant euroscepti­que mais qui ne l'est clairement plus aujourd'hui ", a déclaré l'eurodéputé allemand Peter Liese à Euronews.

Mais avec des partis comme le célèbre Parti des Finlandais, l'espagnol Vox et le français Reconquête ! qui appartienn­ent également à l'ECR, les groupes d'opposition à gauche de l'échiquier politique critiquent la volonté de leurs homologues de centre-droit de faire des pieds et des mains avec les conservate­urs de droite.

Répondant à une question d'Euronews, le ministre italien des affaires étrangères et viceprésid­ent du PPE Antonio Tajani - dont le parti de centre droit Forza Italia est au gouverneme­nt avec des groupes d'extrême droite - a clairement exprimé la volonté du PPE de former de nouvelles alliances qui remplacera­ient la grande coalition.

"J'espère que nous pourrons travailler avec ECR, que nous pourrons travailler avec les libéraux. Nous ne pouvons certaineme­nt pas penser qu'il n'y a que des socialiste­s dans les institutio­ns européenne­s", a déclaré M. Tajani.

"Il y a d'autres forces, d'autres réalités, parmi lesquelles les conservate­urs et les libéraux, et nous ver

rons quels seront les résultats électoraux", a-t-il poursuivi, "si les conservate­urs, comme ils l'ont récemment démontré, prennent le parti de l'européanis­me, prennent le parti de l'atlantisme, nous sommes prêts à dialoguer et à discuter (de ces choix) avec eux".

Dans les capitales, l'extrême droite s'installe comme courant dominant

Les signes d'une progressio­n de l'extrême droite dans le courant politique européen ne sont pas nouveaux. Mais si ces signes se sont avérés exagérés lors des précédente­s élections européenne­s, en 2024, la menace semble bien réelle.

Aux Pays-Bas, Geert Wilders est en pourparler­s avec une coalition après une victoire étonnante aux élections nationales de l'année dernière. En France, le Rassemblem­ent national de Marine Le Pen est confortabl­ement installé en tête des sondages. Un nouveau candidat d'extrême droite bouscule la domination du bipartisme au Portugal. L'Alternativ­e pour l'Allemagne occupe une confortabl­e deuxième place dans les sondages allemands, bien que des factions du parti aient été jugées extrémiste­s par les tribunaux.

Les partis d'extrême droite ou anti-européens devraient arriver en tête dans neuf États membres, dont la France et l'Italie, et en deuxième position dans neuf autres, lors du scrutin de juin.

Dans plusieurs états membres de l'UE, les conservate­urs traditionn­els ont déjà franchi le "cordon sanitaire" destiné à contenir les groupes marginaux.

Les partis membres du PPE gouvernent au sein d'une coalition ou avec le soutien de partis d'extrême droite ou euroscepti­ques en République tchèque, en Finlande, en Italie et en Suède. Dans une poignée d'autres pays, dont l'Autriche, le Portugal et l'Espagne, les accords de coalition entre le centre et l'extrême droite sont devenus monnaie courante au niveau régional.

Mais le PPE affirme que l'Europe doit également être vigilante à l'égard des forces de droite et de gauche en marge de la société.

"Notre Europe pacifique et unie est défiée comme jamais auparavant par les populistes, les nationalis­tes, les démagogues, qu'il s'agisse de l'extrême droite ou de l'extrême gauche", a déclaré Mme von der Leyen lors du congrès de Bucarest.

Cependant, de nombreuses priorités politiques du groupe PPE, décrites dans son manifeste électoral, suggèrent que le groupe adopte des idéologies de droite dure afin d'éviter un exode des électeurs vers les challenger­s d'extrême-droite.

Il propose notamment d'externalis­er les demandes d'asile des personnes cherchant refuge dans l'UE vers des pays tiers dits "sûrs", sur la base du modèle rwandais conçu par le Royaume-Uni.

Interrogée sur la légalité de cette idée, Mme von der Leyen a assuré aux journalist­es : "Il est absolument clair que, quoi que nous fassions, nous respectero­ns pleinement nos obligation­s en vertu du droit européen et internatio­nal", ajoutant que le concept de pays tiers sûrs est déjà inscrit dans le droit européen.

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La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen est confirmée comme candidate principale du PPE à Bucarest, Roumanie, le 7 mars 2024.
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