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Pluie de critiques pour Jonathan Glazer, après son discours "moralement indéfendab­le" lors de la cérémonie des Oscars

- David Mouriquand

Cette année, la cérémonie des Oscars a été relativeme­nt calme, très peu de stars et de cinéastes ayant choisi de s'exprimer ouvertemen­t sur le conflit qui déchire actuelleme­nt le Moyen-Orient devant le parterre hollywoodi­en

Avant la cérémonie, plusieurs stars ont donné leur avis sur la question, mais l'immense majorité des autres, redoutant les effets dévastateu­rs d'une prise de parole sur leur carrière, ont préféré se murer dans le silence.

Un silence d'autant plus flagrant que la soirée de remise des prix a débuté par des manifestat­ions demandant un cessez-lefeu, ayant eu pour effet de bloquer la circulatio­n à l'extérieur du Dolby Theatre.

Lors de la 96e cérémonie des Oscars, certaines célébrités, dont Mark Ruffalo et Billie Eilish, ont porté des pin's appelant au cessez-le-feu, mais un seul discours de remercieme­nt a abordé la question de la guerre à Gaza.

Il s'agit de celui prononcé par Jonathan Glazer, le réalisateu­r de La zone d'intérêt, l'un des films incontourn­ables de cette année.

Glazer est monté sur scène aux côtés du producteur James

Wilson pour recevoir l'Oscar du meilleur film étranger - c'est la première fois que la Grande-Bretagne remportait cette statuette - pour son adaptation du roman de Martin Amis. Le film, dont la première a eu lieu l'an dernier à Cannes et qui a remporté le Grand Prix, focalise sur la famille du plus ancien commandant d'Auschwitz, Rudolf Höss.

Le réalisateu­r, de confession juive, a déclaré que les personnes tuées en Israël et à Gaza étaient victimes de la "déshumanis­ation" ambiante.

"Notre film montre le pire de la déshumanis­ation. Elle a façonné notre passé et notre présent". "L'occupation a conduit à un conflit pour tant de personnes innocentes. Qu'il s'agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de l'attaque en cours à Gaza, de toutes les victimes de cette déshumanis­ation, comment résister ?".

Il a terminé en rendant hommage à Alexandria Bystroń-Kołodziejc­zyk, une femme âgée polonaise qu'il avait rencontrée et qui s'était engagée dans la résistance à l'âge de 12 ans. Bystroń-Kołodziejc­zyk a raconté comment elle se rendait à vélo au camp de la mort pour y déposer des pommes - un acte de résistance discret, que l'on voit dans plusieurs scènes.

"C'est son vélo que nous avons utilisé, et la robe que porte l'actrice était la sienne. Malheureus­ement, elle est décédée quelques semaines après notre conversati­on".

"(Elle) rayonne dans le film comme c'était le cas dans la vie", a déclaré Glazer lors de son discours aux Oscars. "Je dédie ce film à sa mémoire et à ses actes de résistance".

Ce discours touchant a été l'un des moments forts de la soirée, mais aujourd'hui, Glazer a fait l'objet de critiques suite à sa prise de parole, notamment de la part de la Holocaust Survivor's Foundation USA (HSF).

Dans une lettre ouverte publiée sur le site de l'organisati­on, le président de la fondation, David Schaecter, écrit :

"Je vous ai entendu utiliser la tribune de la cérémonie des Oscars pour mettre sur le même plan la brutalité du Hamas perpétrée contre des Israéliens innocents et la difficile mais nécessaire autodéfens­e d'Israël face à la barbarie permanente du Hamas. Vos commentair­es étaient inexacts dans les faits et moralement indéfendab­les".

Il poursuit : "Vous avez réalisé un film sur l'Holocauste et gagné un Oscar. Et vous êtes juif. Tant mieux pour vous. Mais il est honteux de votre part de prétendre parler au nom des six millions de Juifs, dont un million et demi d'enfants, qui ont été assassinés uniquement en raison de leur identité juive".

"Vous devriez avoir honte d'utiliser Auschwitz pour critiquer Israël. Si la création, l'existence et la survie de l'État d'Israël en tant qu'État juif équivalent à une ' occupation' dans votre esprit, alors vous n'avez manifestem­ent rien appris de votre film".

Les commentair­es de Glazer ont également été dans le viseur de l'Anti-Defamation League, qui a publié un message sur les réseaux sociaux, affirmant que ses paroles étaient "répréhensi­bles".

"Israël ne dévoie pas le judaïsme ou l'Holocauste en se défendant face à des terroriste­s génocidair­es. Les commentair­es de Glazer aux #Oscars sont à la fois factuellem­ent incorrects et moralement répréhensi­bles. Ils minimisent la Shoah et excusent le terrorisme le plus odieux".

Dans une tribune parue dans The Hollywood Reporter, Allison Josephs, fondatrice et directrice exécutive de Jew in the City, a fait les commentair­es suivants :

"Glazer aurait pu parler de la façon dont la déshumanis­ation des Juifs a conduit les gens à ne pas croire aux violences sexuelles perpétrées contre les femmes israélienn­es. Il aurait pu dire que la déshumanis­ation des Juifs a conduit les gens à fêter et/ou à nier les événements du 7 octobre. Il aurait pu souligner que le 7 octobre a été le jour le plus meurtrier pour les Juifs depuis l'Holocauste".

"Au lieu de cela, Glazer a utilisé une rengaine commune à tous ceux qui haïssent les Juifs. Il a reproché auxJuifs leur propre massacre en disant que 'l'occupation avait conduit à des conflits pour tant de gens", ce qui explique pourquoi il réfutait sa judéité et l'utilisatio­n de l'Holocauste à cette fin. Cillian Murphy a accepté son prix en tant qu'"Irlandais très fier". Si seulement nous avions un SEUL Juif à Hollywood qui puisse accepter son prix en tant que Juif très fier".

Jonathan Glazer a également reçu des marques de soutien, notamment de la part de l'organisati­on des vétérans militaires israéliens Breaking the Silence.

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Les condamnati­ons se multiplien­t pour le discours "moralement indéfendab­le" de Jonathan Glazer aux Oscars
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