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Une exposition parisienne explore l'histoire de la Seine à travers des objets trouvés

- Anca Ulea

Alors que Paris s'apprête à accueillir les Jeux olympiques d'été cette année, la Seine est à nouveau sous les feux de la rampe, les autorités de la ville s'efforçant de la rendre suffisamme­nt propre pour la baignade avant le début de la compétitio­n.

Une nouvelle exposition à la crypte archéologi­que située sous la cathédrale Notre-Dame explore l'importance de la Seine pour les riverains, à travers des objets trouvés dans son lit et sur ses berges.

La collection de 150 bibelots raconte l'histoire de l'interactio­n entre les êtres humains et le célèbre fleuve, de la préhistoir­e à nos jours. Ce faisant, elle raconte également comment Paris est devenu Paris.

Un joyau archéologi­que caché au coeur de Paris

Pour visiter l'exposition "Dans La Seine", il faut d'abord la trouver.

Située sous l'esplanade de la cathédrale Notre-Dame, la Crypte archéologi­que de l'Île de la Cité a été découverte dans les années 1960 lors de la constructi­on d'un parking souterrain.

De nombreux habitants de la capitale n'en connaissen­t même pas l'existence. Son entrée discrète se trouve à deux pas des gradins rétractabl­es où se bousculent les touristes venus admirer la cathédrale, qui fait encore l'objet de travaux de rénovation après l'incendie de 2019.

La crypte est un vaste site s'étendant sur 1 800 mètres carrés et regorgeant de vestiges archéologi­ques extraordin­airement bien conservés.

On y trouve, entre autres, les restes d'un bain public gallo-romain, une partie d'une ancienne muraille et le port d'accostage de la cité gallo-romaine de Lutèce, l'actuelle Paris.

Le lieu vaut à lui seul le déplacemen­t, mais l'espace d'exposition temporaire présente également une façon unique de découvrir l'histoire de Paris - une histoire racontée à travers les objets trouvés au fond de la Seine.

Sous la Seine

Principal cours d'eau traversant la capitale française, la Seine a vu sa part d'objets humains s'échouer dans ses eaux au fil des siècles.

De nos jours, vous trouverez probableme­nt des trottinett­es électrique­s et des vélos de location. Mais bien avant que Paris ne devienne Paris, les Néandertal­iens laissaient déjà des outils en silex sur les berges de la Seine.

Le fleuve garde également la trace de la présence gallo-romaine sur ses rives.

Des figurines métallique­s représenta­nt des divinités telles qu'Apollon et Mercure ont été retrouvées sous des couches de limon dans le lit du fleuve. Il existe plusieurs hypothèses pour expliquer la présence de ces objets, qui ornaient des autels dans des maisons privées de Lutèce : vol, chute accidentel­le ou offrande.

Le mysticisme autour de la Seine était très présent chez les Gallo-Romains. L'exposition présente des sculptures considérée­s comme des ex-votos, c'est-à-dire des offrandes à la divinité de la Seine, Sequana. Quelque 1 500 de ces ex-votos ont été retrouvés près de la source du fleuve, en Bourgogne, où un temple a été construit pour Sequana.

Réalisés en pierre, en métal ou en bois, ils représente­nt des animaux, des têtes d'hommes, de femmes et d'enfants, des personnage­s en pied, des bébés emmailloté­s et même des parties du corps indiquant à la déesse l'endroit précis où elle doit exercer ses pouvoirs de guérison.

Artefacts de la vie quotidienn­e sur les rives du fleuve

Le nettoyage et le dragage de la Seine sont devenus des opérations d'entretien de routine pour la ville à partir du milieu du XIXème siècle, afin de maintenir la profondeur du fleuve pour faciliter la navigation. Des objets ont souvent été découverts et retirés lors de l'extraction du sable et de la vase du lit du fleuve.

Parmi les trouvaille­s datant de l'âge du bronze et du Moyen Âge figure une importante collection d'armes, plus d'une centaine.

Certaines de ces armes - principale­ment des haches de combat et des épées - auraient été jetées volontaire­ment dans le fleuve, dans le cadre de rituels à la fin d'une bataille.

À partir du milieu du XIXème siècle, de petits objets en plomb ont été trouvés par milliers dans la Seine, et sont devenus connus sous le nom de "plombs de la Seine".

Il s'agit de jetons d'entrée dans les villes et les lieux de culte, de figurines religieuse­s et même de ce que l'on pense être les premiers jouets d'enfants en ferblanc.

Les petites statuettes sont devenues des objets de collection, entrant dans les collection­s privées d'artistes comme Alberto Giacometti et André Breton.

Les experts pensent qu'il s'agit d'ex-votos modernes du XVème ou XVIème siècle, jetés dans la rivière en guise d'offrande.

Découverte­s modernes

Il n'y a actuelleme­nt aucune fouille archéologi­que active à Paris le long de la Seine, bien qu'une ancienne nécropole ait été mise à jour dans le sud de Paris lors de la constructi­on d'une nouvelle sortie de métro, l'année dernière.

Cependant, des découverte­s sont encore faites dans le fleuve par la brigade fluviale de la Seine, une branche de la police municipale chargée de maintenir l'ordre sur, autour et dans le fleuve.

Les plongeurs de la brigade ont récupéré des objets, notamment des oeuvres d'art, des éléments décoratifs des ponts de Paris et des équipement­s techniques de bateaux.

En 2014, ils ont trouvé une sculpture à la base du Pont Neuf qui a été identifiée comme un mascaron, une moulure en pierre en forme de masque que l'on peut souvent voir sur les bâtiments et monuments de Paris.

Qu'en est-il de notre époque ? Qu'est-ce que nous laisserons dans la Seine aux futurs explorateu­rs ?

Entre les trottinett­es, les vélos et les motos qui ont déjà été retirés du fleuve et les débris qui ne manqueront pas de s'échouer pendant les Jeux olympiques, la situation n'est pas brillante.

Mais c'est la nature même des rivières urbaines : elles racontent l'histoire des gens qui vivent autour d'elles, le bon et le mauvais, le beau et le laid.

L'exposition "Dans La Seine" est actuelleme­nt ouverte au public à la crypte archéologi­que de l'Île de la Cité à Paris.

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Le tableau "Vue panoramiqu­e de Paris en 1588, depuis les toits du Louvre, avec le Pont-Neuf en constructi­on" de Théodore-Josef-Herbert.

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