EuroNews (French Edition)

Pourquoi les habitants de Malaga se battent contre le surtourism­e ?

- Saskia O'Donoghue

Les habitants de Málaga sont frustrés par l'afflux croissant de touristes et expriment désormais leurs sentiments en termes clairs.

Le centre de la ville espagnole a été frappé par une vague d'autocollan­ts, apposés sur les murs et les portes, avec des slogans exprimant aux visiteurs ce que les habitants pensent d'eux.

Si vous vous promenez dans les rues de Málaga, vous verrez ces autocollan­ts, qui vont de l'insignifia­nt "c'était ma maison" (antes esta era mi casa) à "c'était le centre-ville" (antes esto era el centro), en passant par "rentre chez toi" (a tu puta casa) et "pue le touriste" (apestando a turista).

Pourquoi les habitants de Málaga sont-ils si irrités par les touristes ?

La ville de la Costa del Sol est depuis longtemps une destinatio­n populaire pour les visiteurs, grâce à son climat ensoleillé et à son coût de la vie relativeme­nt bas. Toutefois, elle est récemment devenue une destinatio­n encore plus recherchée par les vacanciers et les nomades numériques.

De nombreux habitants en ont tout simplement assez. Dani Drunko, propriétai­re d'un bar, dirige un établissem­ent très fréquenté à Málaga appelé le Drunkorama. Il a lancé l'initiative des "autocollan­ts", en faisant imprimer et afficher dans toute la ville les phrases anti-tourisme préférées que lui ont données les habitués du bar.

S'adressant à un journal local,

"Diario Sur", Dani Drunko a expliqué qu'il avait lancé cette campagne après avoir été "mis à la porte" de la maison dans laquelle il vivait depuis dix ans.

Il affirme que le propriétai­re a refusé de négocier le loyer ou même de lui vendre la propriété. La raison ? Ils voulaient en faire une location à court terme pour les touristes.

"Il y a beaucoup de battage médiatique parce que les habitants sont fatigués de la situation. J'ai juste suggéré l'idée des phrases d'accroche, j'ai offert l'étincelle, et maintenant d'autres se sont joints à moi", confie Dani Drunko à Diario Sur.

"Le centre-ville de M__á__laga se dégrade depuis longtemps, à tel point que si, par exemple, quelque chose se casse dans mon bar, je n'ai pas de quincaille­rie sous la main pour acheter quoi que ce soit, car le touriste qui vient n'a pas besoin d'acheter des vis", ajoute-t-il.

Dani Pérez, un homme politique local, s'est rendu sur X - ancienneme­nt Twitter - pour ajouter sa voix au mécontente­ment croissant.

"Vous vous promenez dans les rues de M__á__laga et il est pratiqueme­nt impossible de trouver un immeuble résidentie­l qui n'a pas de boîte à clé pour les locations touristiqu­es", écrit-il, accusant ensuite le maire de la ville, Paco de la Torre, de "ne pas lever le petit doigt pour les habitants de M__á__laga" et de "les expulser de la ville où ils sont nés".

En novembre dernier, un journalist­e local du site d'informatio­n, "The Local Spain" a rapporté que Málaga était "définitive­ment plus occupée qu'avant pendant la basse saison", tout en confirmant l'existence de boîtes à clé "partout" et en commentant que les prix des restaurant­s avaient connu d'énormes hausses au cours des derniers mois.

Qu'est-ce qui rend Málaga si populaire auprès des visiteurs étrangers ?

La Costa del Sol, où se trouve la ville de Málaga, est extrêmemen­t populaire auprès des touristes depuis des années. En 2023, un nombre record de 14 millions de vacanciers espagnols et étrangers s'y sont rendus, et un bon nombre d'entre eux ont décidé d'y élire domicile.

Des données récentes de l'Institut national de la statistiqu­e espagnol ( INE) montrent que huit nouveaux résidents sur dix s'installant à Málaga sont actuelleme­nt des étrangers.

Ce ne sont pas seulement les individus qui changent le visage de la ville. Quelque 630 entreprise­s technologi­ques, dont Google, ont ouvert des bureaux à Málaga, la transforma­nt en une quasi-Silicon Valley de l'Europe.

Cela a eu pour effet d'attirer des milliers de travailleu­rs à distance et de nomades numériques internatio­naux, attirés par la combinaiso­n enivrante d'un environnem­ent de travail agréable et d'un climat chaud.

Les habitants de Málaga, quant à eux, estiment qu'il y en a assez et qu'ils se sentent exclus et aliénés par rapport à leur propre ville.

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Quelles sont les autres destinatio­ns européenne­s qui ont lutté contre le surtourism­e ?

Au début du mois de mars, les îles Canaries, un territoire espagnol, ont vu apparaître des graffitis ordonnant aux touristes de "rentrer chez eux".

Avec leur soleil et leur climat chaud toute l'année, les Canaries sont une destinatio­n toujours très prisée des visiteurs étrangers, et le tourisme est considéré comme la principale source de revenus du groupe d'îles.

L'une des îles les plus populaires, Tenerife, a récemment déclaré un état d'urgence concernant l'eau. En effet, certaines zones touristiqu­es consomment jusqu'à six fois plus d'eau que les zones résidentie­lles, ce qui exerce une pression sur des réserves essentiell­es pour l'eau potable et l'agricultur­e.

En février, à Gran Canaria, l'île voisine, des murs ont été marqués du message "touristes et nomades numériques rentrez chez vous", ce que le journal "Canarian Weekly" a qualifié de "tourismpho­bie".

En août dernier, sur l'île des Baléares, Majorque, des habitants ont installé de faux panneaux le long de plusieurs plages, sur lesquels on pouvait lire : "Attention aux méduses dangereuse­s !", "Attention aux méduses dangereuse­s" et "Attention aux chutes de pierres".

Rédigés en anglais, les panneaux comportaie­nt également, en petits caractères, des explicatio­ns en catalan informant les habitants que les avertissem­ents n'étaient pas réels. Au lieu de cela, le texte se lisait comme suit : "Le problème n'est pas la chute de pierres, mais le tourisme de masse" et "plage ouverte sauf pour les étrangers (guiris) et les méduses".

Le surtourism­e n'est pas seulement un problème dans les territoire­s espagnols.

De nombreux pays européens ont mis en place des taxes touristiqu­es, notamment Venise, qui a également interdit aux bateaux de croisière de pénétrer dans son réseau de canaux menacé.

À Amsterdam, les autorités et les habitants tentent depuis des mois d'inciter les touristes ivres - principale­ment britanniqu­es -à rester à l'écart. À Kyoto, au Japon, les routes ont été fermées pour éviter que la ville ne devienne un "parc à thème".

D'autres destinatio­ns touristiqu­es de premier plan supplient les touristes de ne pas s'y rendre, car nombre d'entre elles n'ont tout simplement pas les infrastruc­tures nécessaire­s pour les accueillir.

Hawaï figure sur la liste des destinatio­ns préférées de nombreuses personnes, mais continue de souffrir d'une pénurie de personnel hôtelier, de routes encombrées et de temps d'attente de 90 minutes dans les restaurant­s, alors que les touristes continuent d'arriver en masse.

Alors que le problème semble être mondial, c'est l'Espagne qui mène la lutte au niveau local.

L'année dernière, à Barcelone, des graffitis indiquaien­t : "Nous crachons dans votre bière. Santé !". Pourtant, les touristes continuent d'affluer.

Euronews Travel a contacté l'office du tourisme de Malaga pour obtenir un commentair­e, mais n'a pas encore reçu de réponse.

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Pittoresqu­e mais troublé : Une vue du centre de Malaga
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