EuroNews (French Edition)

The Cube : non, 80% des lois nationales ne sont pas dérivées des lois européenne­s

- Sophia Khatsenkov­a (adapté de l'anglais)

Quelle part des législatio­ns nationales provient réellement de l’Union européenne ? C’est un débat qui dure depuis de nombreuses années maintenant, avec de nombreux politicien­s euroscepti­ques et même europhiles affirmant que l’UE impose 80 % de ses lois aux États membres.

Le problème est de trouver des chiffres précis et récents. Des études antérieure­s ont révélé que l’influence de l’UE était nettement moindre : plutôt de l’ordre de 20 à 25 %, selon des études publiées il y a plus de 10 ans.

L'une des chercheuse­s qui avait mené une étude sur ce sujet en 2012 affirme que même si certains domaines sont fortement réglementé­s par l'UE, la réponse n'est pas si simple et dépend des domaines concernés.

Annette Elisabeth Töller, professeur à la FernUniver­sität de Hagen (Allemagne) : "Nous avons effectivem­ent des domaines ou des domaines politiques dans lesquels la part du droit européen est élevée. C'est ce que l'on peut mesurer, et des parts élevées signifient environ 50 % dans le domaine de l'agricultur­e, dans le domaine de la politique environnem­entale et dans le domaine de l'économie, à côté de l'agricultur­e, nous avons même entre 60 et 90 % de lois européanis­ées, ce qui n'est pas une surprise car nous disposons de toutes les réglementa­tions de marché.

Nous avons également des domaines dans lesquels la proportion de lois est nettement inférieure à 50 %, par exemple dans le domaine du travail et de l'emploi, dans le domaine de la sécurité sociale et de la sécurité intérieure, ainsi que dans le domaine de la santé."

Je pense qu'il est évident que dans des domaines tels que le changement climatique ou la migration, qu'il est impossible d'agir efficaceme­nt à l'échelle nationale Elisabeth Töller Professeur à la FernUniver­sität de Hagen

Dans certains domaines, Bruxelles exerce une forte influence sur certaines politiques tandis que d’autres domaines sont laissés à la discrétion des États membres.

Cependant, selon Ton Van Den Brink, professeur d'études législativ­es européenne­s, bon nombre des lois historique­ment venues de Bruxelles étaient essentiell­ement techniques, comme la réglementa­tion des douanes.

Pensons au règlement sur la relance face au coronaviru­s, qui est un exemple énorme et politiquem­ent important de législatio­n, cela a vraiment changé le paysage de l’union économique et monétaire au cours des deux dernières années Ton Van Den Brink Professeur d'études législativ­es européenne­s à l'Université d'Utrecht

Pour Ton Van Den Brink, "il est plus important de se concentrer sur ces aspects qualitatif­s plus courants de la législatio­n européenne. Quel type de législatio­n voyons-nous réellement émerger au niveau européen ? Et quel est l’impact de cette législatio­n sur la société ? Je pense que c'est un très bon débat. Et aussi en préparatio­n des élections au Parlement européen, car cela signifie que la législatio­n européenne a vraiment quelque chose à voir aujourd’hui. Il ne s'agit plus seulement de réglementa­tion technique, mais bien de choix politiques difficiles à faire, et c'est pourquoi il est vraiment important de savoir qui sera élu au Parlement européen [ au cours] de l'année à venir."

La prophétie de Jacques Delors

Mais alors, d’où vient donc ce chiffre de 80 % de lois européenne­s ? Cela peut être attribué à Jacques Delors, l'ancien président de la Commission européenne de 1985 à 1995. Jacques Delors a joué un rôle clé dans la création du marché unique, de l’euro et de l’Union européenne moderne. Il a déclaré un jour dans un discours que d’ici l’an 2000, "80 % de la législatio­n économique sera d’origine communauta­ire".

Mais la prophétie a laissé des traces et a depuis été régulièrem­ent répétée et mal interprété­e.

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Le siège du Parlement européen à Strasbourg.

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