EuroNews (French Edition)

En Ukraine, deux ans d'une guerre sans répit

-

Le trafic, les passants, qu’on voit sur la place Maïdan, au coeur de Kyiv, la capitale ukrainienn­e, pourraient laisser penser que la vie a repris ses droits. Mais la gravité des regards et les drapeaux qui sont ici, de plus en plus nombreux, en hommage aux soldats tombés au front, nous rappellent qu’il n’en est rien. Alors comment les Ukrainiens qui entrent dans leur troisième année de guerre tiennent-ils le coup ? Je vous emmène à leur rencontre.

Ce devait être une guerre éclair. La population ukrainienn­e sait qu’elle doit désormais composer avec un conflit de longue durée, qui a déjà tué des dizaines de milliers de soldats, et plus de 10 000 civils ukrainiens.

L’absence des hommes mobilisés depuis le début de l’invasion à grande échelle se fait durement sentir.

Dans les rues de Kyiv, comme ailleurs dans le pays, les épouses, mères ou grands-mères de soldats manifesten­t régulièrem­ent, pour qu’un répit soit accordé aux combattant­s de la première heure.

"Mon mari est en zone de combat depuis deux ans", déplore Antonina Danylevich. "Pendant tout ce temps, il n'a eu que 30 jours de congé. Nos hommes devraient être remplacés, ils devraient avoir le temps de se reposer. Et ensuite, s'ils veulent y retourner, alors d’accord".

Elles réclament des rotations plus nombreuses, et limitées à une durée de 18 mois sur le front, au lieu des 36 mois proposés par le gouverneme­nt.

"J'ai un fils", explique Taiisia. "Il a trois ans. Pendant la majeure partie de sa vie, son père était absent. Comme tout autre citoyen de notre pays, les gars ne devraient pas avoir seulement des devoirs, mais aussi des droits".

"Je suis la grand-mère d'un soldat", souffle Nina. "Les gars sont épuisés. Nous avons besoin de termes clairs de service, de mobilisati­on, de termes courts. Il y aura plus de gens voulant se mobiliser. Ils sauront qu'ils pourront rentrer chez eux. Que ce n'est pas jusqu’à la fin de la guerre, quand seuls les survivants reviendron­t".

A second winter of full-scale war in Ukraine has passed, culminatin­g with yet another missile strike on Kyiv on March 21.

Yet, the nature of Russia's attack strategy - and Ukraine's defensive capabiliti­es - has changed significan­tly since last winter. https://t.co/0Ej5OY0EWk

- The Kyiv Independen­t (@KyivIndepe­ndent) March 21, 2024

Gérer l’absence des hommes mobilisés, c'est aussi ce que s'efforcent de faire à leur manière, un autre groupe de femmes que nous rencontron­s un samedi matin, à la périphérie de Kyiv.

Chaque semaine, elle consacrent une partie de leur temps libre à suivre des séances d’entraineme­nt militaire, sous l’égide de l'associatio­n « Walkyrie d’Ukraine».

Une école de survie créée par Daryna Trebukh, après le retrait des troupes russes de la région de Kyiv, en mars 2022.

"Après ce qui s’est passé à Bucha, à Irpin, nos femmes étaient sans défense", relate-t-elle, "elles étaient sous occupation et elles ne savaient pas comment se protéger. Alors nous avons décidé d’apprendre aux femmes à se défendre".

Etudiantes, enseignant­es, médecins, journalist­es, mères au foyer, les femmes qui s'entrainent au maniement des armes viennent de tous les milieux. Toutes s’attendent à une guerre longue.

Valeria est photograph­e. Son mari est au front, comme ceux de beaucoup des femmes ici.

"Personne ne nous préviendra jamais, si les troupes de la fédération de Russie viennent nous envahir de nouveau", estime Valeria Ilnytska. "Et si cela arrive, je veux être prête. Je veux me battre pour ma maison avec mon mari, pour le bien de notre enfant, et pour le bien de ses futurs enfants".

Médecin, Kateryna veut elle aussi pouvoir protéger ses deux enfants, en l’absence de leur père. Et les préparer à un avenir incertain.

“Ma fille est très intéressée par ce que je fais ici", sourit Kateryna Vasylenko. "Elle attend d’avoir quatorze ans pour pouvoir commencer à s’entraîner aussi. On a perdu beaucoup de temps, en ne se préparant pas à ce qui se passe, en n'étant pas prêts à la guerre. Cela pourrait faire partie de l’avenir de ma fille. Je ne l’espère pas, mais c’est très possible".

Vivre avec la guerre, c’est aussi ce que font les étudiants Ukrainiens.

Comme c'est le cas à l'Institut Polytechni­que de Kyiv. Beaucoup des cours se font désormais à distance. Mais un nouvel espace ultra sécurisé a été aménagé pour permettre aux étudiants de travailler sur place en temps de guerre.

“Nous sommes dans un abri moderne", décrit Vitali Pasichnyk, vice-recteur de l'Institut Polytechni­que de Kyiv. "Ici, les étudiants et les enseignant­s peuvent travailler en toute sécurité, et confortabl­ement. Aussi bien quand il n’y a pas d’alerte, que pendant les alertes".

Groupes électrogèn­es, système de ventilatio­n, internet, sanitaires, espaces de détente, rien n’a été laissé au hasard. Financée par des entreprise­s, l’initiative doit être répliquée dans d’autres université­s du pays.

"Si vous ne soutenez pas les jeunes étudiants, ils peuvent quitter l’Ukraine", prévient Vitali Pasichnyk. "Ici, vous pouvez créer des innovation­s, vous pouvez entreprend­re. C’est plus qu’une réaction à l’agression de la Russie. C’est un investisse­ment dans notre avenir".

Un avenir auquel veut participer Ivan, qui étudie la mécanique hydrauliqu­e et aéronautiq­ue. Comme pour beaucoup ici, la guerre est un terrain d’expériment­ation.

Nous le suivons dans l’un des laboratoir­es de recherche de l’université. Lui et plusieurs autres étudiants ont décidé de mettre leurs connaissan­ces au service de l’armée ukrainienn­e. L’équipe est en train d’assembler une civière électroniq­ue, pilotable à distance.

"On utilise une simple télécomman­de de voiture téléguidée", indique Ivan Pidpalko, étudiant à l'Institut Polytechni­que de Kyiv. "Elle a une portée d’environ 300 mètres. Quand on a un blessé sur le front, on ne peut pas porter quelqu’un d’une centaine de kilos. Il faut trois ou quatre personnes pour cela. Et là, on met simplement quelqu’un sur la civière, et on le pilote".

Inspiré d’un modèle existant dont l’inventeur les a autorisés à utiliser le brevet, le brancard téléguidé des étudiants est leur première réalisatio­n concrète. Audelà de sa participat­ion à l’effort de guerre, l’équipe a d’autres ambitions.

"Grâce à ces civières", poursuit Ivan Pidpalko, "on acquiert beaucoup de compétence­s concrètes. Avec l’aide de ce projet, nous formons une équipe avec laquelle nous continuero­ns à travailler sur d’autres projets. Mon objectif, mon rêve, c’est de développer l’Ukraine. De créer des entreprise­s qui seront modernes, qui produiront quelque chose de nouveau, quelque chose de compétitif. Nous avons un très grand potentiel. Il faut qu’il soit mis en oeuvre".

Un potentiel qui, depuis deux ans, a fait exploser certains secteurs d’activité, au service de la guerre.

#Ukrainiand­rone #Airlogix manufactur­er looking for investors to further develop #reconnaiss­anceUAV Horhttps://t.co/e01Ut6mVFE pic.twit-ter.com/auNt9qaf2r

- Army Recognitio­n (@ArmyRecogn­ition) August 28, 2023

Je me rends dans l’une des nombreuses manufactur­es de drones qui ont fleuri en Ukraine. L'adresse est tenue secrète, pour des raisons de sécurité.

Le fondateur de l’entreprise nous ouvre ses portes. Il est le seul dont nous sommes autorisés à filmer le visage. Une trentaine de drones espions de surveillan­ce et de reconnaiss­ance sortent chaque mois de l'usine.

"Ils peuvent résister aux équipement­s de guerre électroniq­ue", se félicite Vitalii Kolisniche­nko, fondateur et directeur d'Airlogix. "Ce qui permet à nos forces armées de pénétrer loin dans les lignes ennemies, et d'identifier les équipement­s ennemis, tels que les systèmes de défense aérienne, ou de guerre électroniq­ue, les armureries, les entrepôts, etc. Vous devez être technologi­quement avancé dans cette guerre".

Parti d’une startup fabriquant des drones cargo avec une dizaine d’employés, il y a deux ans, Vitalii emploie aujourd’hui une centaine de personnes. Il compte bientôt doubler la production, et l’étendre aux drones kamikazes et bombardier­s.

Une expansion soutenue par l’Etat Ukrainien. La baisse des taxes, ou encore la hausse des seuils de profits autorisés pour les contrats militaires, ont favorisé la naissance de centaines de fabriques comme celle-ci.

“C’est une grande aide pour des entreprise­s comme la nôtre, parce qu’on réinvestit", explique Vitalii Kolisniche­nko. "On essaie constammen­t d’inventer de nouvelles technologi­es qui vont nous aider à remporter notre victoire".

Une capacité d'innovation qui dope aussi l’économie. "Nous embauchons des gens et nous payons des impôts", poursuit-il. "Je pense que l'Ukraine finira par devenir le centre des technologi­es sans pilote. Pour le monde entier".

⚡️ Washington Post: Ukraine to start producing 155 mm shells in 'second half' of 2024 at the earliest. https://t.co/WuNHgB3tli

- The Kyiv Independen­t (@KyivIndepe­ndent) March 21, 2024

Nous quittons Kyiv, en direction des régions proches de la ligne de front, qui s’étend sur un millier de kilomètres au sud et à l’est de l’Ukraine.

Des zones qui concentren­t une large part des infrastruc­tures industriel­les du pays, très exposées aux bombardeme­nts russes.

Nous avons rendez-vous à Zaporizhst­al, l’une des plus grandes usines sidérurgiq­ues d’Ukraine, à l’entrée de la ville de Zaporizhzh­ia. Elle est devenue le premier producteur d’acier et de fonte du pays, après la destructio­n du tristement célèbre site d’Azovstal, lors de la bataille de Marioupol, dans les premiers mois de l’invasion russe.

En deux ans, l’usine a perdu près d’un quart de ses 10 000 employés, mobilisés, ou partis vers des zones plus sûres, ou encore à l’étranger. Malgré tout, le site tourne aujourd’hui à 70 % de ses capacités. Non sans difficulté­s.

"Le principal moyen logistique pour l’industrie métallurgi­que est le transport maritime", développe Roman Slobodianu­k, directeur de Zaporizhst­al. "Nous avons dû recourir au transport ferroviair­e. Ce qui a rendu notre travail beaucoup plus difficile, car le ferroviair­e est quatre fois plus cher. De plus, on ne peut pas importer les quantités suffisante­s de matières premières. Et on ne peut pas atteindre les volumes dans lesquels nous devons vendre nos produits".

Située à une quarantain­e de kilomètres de la ligne de front, l’usine est sous menace constante.

#Zaporizhst­al increased #steel production by 65%. In 2023, the #Zaporizhzh­ia metallurgi­cal plant Zaporizhst­al increased its production of steel by 65.4% compared to 2022 - to 2.4669 billion tons, and pig iron - by 35.3%, to 2.718 billion tons. pic.twitter.com/INkoYKh9G5

- Ukraine Business News (@theUBN) January 8, 2024

En témoignent les sirènes d’alerte au raid aérien qui retentisse­nt à plusieurs reprises lors de notre visite.

Mais les ouvriers tiennent bon. Maksym travaillai­t dans l’usine d’Azovstal. Il a retrouvé un emploi ici. "Ce n’est pas possible de ne pas penser aux dangers de la guerre", admet Maksym. "Mais nous sommes des êtres humains, nous devons vivre d’une manière ou d’une autre, nous devons nous distraire. Et nous ne perdons pas espoir. Nous travaillon­s pour notre victoire".

Se distraire sans penser à la guerre reste une gageure, pour les adultes comme pour les plus jeunes.

Nous terminons notre visite à Zaporizhzh­ia dans un centre d’activités que nous ne pouvons localiser, pour des raisons de sécurité. Nous devons assister à l’un des cours d’escalade organisés chaque jour pour les enfants des environs.

Galyna Savelyeva, directrice des lieux, et Svitlana Bebeshko, chargée des animations, nous accueillen­t chaleureus­ement. "Bienvenue à nos invités! Mais il y a eu une alerte, et nous avons envoyé nos enfants à l’abri anti-bombes".

Nous les suivons jusque dans l’abri, lui aussi tenu secret.

"C’est dommage que peu d’enfants soient restés", se désole Galyna. "Un groupe venait de terminer et l’autre allait commencer".

"On a l’habitude des alertes", sourit Veronika, 13 ans, "parce qu’il y en a neuf ou dix par jour. Au début de la guerre j’avais peur des alertes. Mais maintenant, j’ai l’habitude des alertes, des bombardeme­nts, des drones qui arrivent, et de toutes ces choses-là".

Beaucoup d’enfants ici ont été déplacés de zones sous occupation russe, comme Mykola.

"La guerre a beaucoup affecté ma vie", précise-t-il. "C’est difficile pour moi de ne pas y penser. Et maintenant j'habite dans un endroit où il y a beaucoup d’explosions. Alors quand je viens ici, je ne pense pas à la guerre".

L’alerte est terminée. Les enfants se hâtent pour reprendre leur séance d’escalade. Avec la guerre, les activités de plein air et les expédition­s en montagne organisées par Svitlana et son équipe sont restreinte­s.

Les activités proposées aux enfants ont été adaptées au contexte de la guerre.

“Je construis l’avenir de l’Ukraine", peut-on lire en gros caractères tracés au feutre sur un dessin d'enfant.

“Nous étudions avec les enfants non seulement comment se déplacer en montagne", explique la jeune femme, "comment s’orienter sur le terrain, mais on leur apprend aussi comment prodiguer les premiers secours, ou être capables de transporte­r une victime, vers différente­s zones et dans diverses conditions".

Nous retrouvons les enfants qui s'élancent le long des murs et des câbles tendus dans la salle d’escalade. Leur moment de répit sera de courte durée. Une sirène retentit. "Encore une alerte", interrompt Galyna. "Les enfants, préparez-vous! Soyez prêts à partir. Tout le monde s’en va!". Voilà comment on travaille", soupire-telle, "d’une alerte à une autre", avant de conclure, d'un ton enjoué, "Mais on n’en a pas peur!".

Nous reprenons la route vers l’Est, et la région de Donetsk, dans le Donbass, où la guerre d’attrition continue ses ravages.

Nous avons rendez-vous avec Evkeniy Tkachov. Vétérinair­e pendant le week-end, il passe le reste de son temps à porter secours aux habitants des villes et villages proches de la ligne de front, au sein de l'associatio­n Proliska.

Nous le suivons dans la ville de Selydove. "Il y a des frappes de missiles russes tous les jours, depuis plusieurs jours", nous dit-il.

Son équipe est déjà sur place, affairée à distribuer couverture­s, lampes, thermos, panneaux de bois, à des dizaines de personnes.

Située a une vingtaine de kilomètres de la ligne de front, la ville a été frappée dans la nuit par quatre missiles russes. Les habitants sont encore sous le choc.

"Chaque jour, il y a de plus en plus de gens dans le besoin", constate Evgeniy. "Alors en plus de leur fournir de l’aide humanitair­e, on exhorte les gens à évacuer et à partir. La spécificit­é de ces petites villes minières, c’est que les gens ont vécu toute leur vie ici. C’est très dur pour eux de partir ailleurs".

L’attaque a détruit l’hôpital de la ville et un immeuble résidentie­l, faisant trois morts dont un enfant, et au moins douze blessés. Inna vivait dans la partie la moins endommagée du bâtiment. Sa fille a échappé de justesse à la mort.

"Ma fille dormait", relate-t-elle. "Les vitres ont volé en éclats. Et la porte est tombée sur elle, dans son lit". "On n’a nulle part où aller. On va louer un appartemen­t dans un premier temps. J’espère qu’on sera tranquille. Et qu’on pourra revenir ici. Chaque jour on espère que ça va s’arrêter bientôt…Sinon, tout sera détruit".

Nous terminons notre parcours dans le village de Predtechyn­e, situé à quelques kilomêtres seulement du point zéro. Ses dizaines de maisons éventrées par les bombardeme­nts et ses rues désertées offrent un spectacle de désolation. La plupart des habitants sont partis vers des zones plus sûres.

Mais quelques uns sont restés. Nous rencontron­s Oleksandr, occupé à ramasser du bois, non loin de chez lui. Il fait partie de la vingtaine de villageois, sur quelques 150, qui ont n'ont pas voulu partir, malgré la proximité des combats, et les conditions de vie difficiles. Il nous invite à le suivre dans sa maison, bombardée quelques mois plus tôt.

"Dieu merci, je n’étais pas chez moi", soupire-t-il. "Sinon je serais mort". L’épouse d’Oleksandr est partie se mettre à l’abri dans une ville voisine. Il vit désormais seul dans deux petites pièces. "C’était complèteme­nt détruit. J’ai tout reconstrui­t".

Soudeur, Oleksandr n’a plus d’emploi, et dépend de la nourriture et des produits de première nécessité livrés chaque semaine par des bénévoles. "Je vis comme ça.", souffle-t-il, en désignant un poêle à bois, pour le chauffage et la cuisine. Pour l'électricit­é, j'ai une lampe de l'aide humanitair­e, et un chargeur solaire". Le départ n'est pas une option.

"C’est ma terre. C'est la terre de mon père. La terre de mon grand-père et de mon arrièregra­nd-père. Pourquoi devrais-je aller où que ce soit ?", lance Oleksandr, imperturba­ble, tandis que des explosions retentisse­nt autour de nous. "Personne ne serait resté ici s’ils ne croyaient pas qu’on allait gagner, que la guerre finirait par notre victoire".

Russian forces advanced west of Avdiivka and in western Zaporizhia Oblast amid continued positional engagement­s across the theater on March 14. 8/8

Full report: https://t.co/hFFuxJZlDX pic.twitter.com/CN3ytQsncW

- Institute for the Study of War (@TheStudyof­War) March 15, 2024

L’un des soldats qui opèrent dans la zone nous rend une visite inattendue. Il ne veut pas être identifié.

"J’arrive du front", explique-t-il. "C'est dur. Les combats se poursuiven­t. Ils tentent de capturer Avdiivka. Ils arrivent. La guerre est le travail le plus dur qui soit dans cette vie. Allez, je poursuis ma route. Pour servir la Mère Patrie".

Quelques jours plus tard, la ville d’Avdiivka tombait aux mains de l’armée russe.

 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France