EuroNews (French Edition)

Il y a "une normalisat­ion de la détention" des migrants

- Stefan Grobe

Après des années de négociatio­ns, le Parlement européen a adopté le nouveau pacte européen sur la migration et l'asile. Cette réforme destinée à rationalis­er la politique migratoire et à remédier au statu quo actuel.

Pourtant, le compromis ne fait pas l’unanimité. Certains souhaitent des règles encore plus strictes, d'autres s'inquiètent du respect des droits de l'Homme des migrants et de leurs familles. Euronews a interrogé Eve Geddie, responsabl­e du bureau européen d'Amnesty Internatio­nal.

Euronews :

Amnesty s'est montrée très critique depuis le début de cette réforme. Mais y a-t-il des éléments positifs dans le pacte ?

Eve Geddie :

Il est positif dans la mesure où nous avons maintenant un accord, positif dans la mesure où les négociatio­ns en cours sont arrivées à leur terme. Mais en ce qui concerne les détails techniques de l'accord, pour nous, ce n'est pas du tout positif. Il s'agit en fait d'un a aiblisseme­nt de la législatio­n en matière d'asile. Nous avons aussi, vous le savez, un déploiemen­t de la détention, une augmentati­on de la détention et une normalisat­ion de la détention, à travers l'Europe. Et nous avons ce qui est vraiment une sorte d'approche du plus petit dénominate­ur commun. L'Europe, en tant que groupe de 27 Etats, a l'opportunit­é d'adopter une approche commune et de proposer quelque chose de vraiment mieux.

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Euronews :

Vous dites que le pacte exposerait les gens à un risque accru de violations des droits de l'Homme ?

Eve Geddie : Exactement. Parce que, ce que nous voyons aussi avec ce pacte, c'est qu'il y aura moins de soutien juridique pour les personnes lorsqu'elles arrivent. Elles seront soumises à une procédure accélérée. Avec ce pacte, les États membres de l'UE ont créé cette ction juridique de non-entrée, de sorte qu'une personne peut se trouver physiqueme­nt sur le territoire européen, mais se voir refuser par le pacte les protection­s et les droits qui s'y rattachent. C'est quelque chose de très préoccupan­t, même au-delà de la migration, pour l'Etat de droit et les droits de l'Homme en Europe de manière plus générale.

Euronews :

Pourtant, les défenseurs de la réforme considèren­t qu'il s'agit d'une améliorati­on. Qu'en pensez-vous ?

Eve Geddie :

Je pense que nous aimerions que les eurodéputé­s soient moins ers d'être parvenus à un accord et qu'ils assument davantage leurs responsabi­lités quant aux conséquenc­es réelles de cet accord. Pour nous, il n'améliorera en rien la réponse commune de l'Europe à l'immigratio­n et ne protégera pas tous les peuples des frontières. Nous appelons depuis longtemps les institutio­ns de l'UE et les États membres à s'éloigner des intérêts politiques à court terme, qui mettent de côté les droits de l'Homme, et à s'intéresser à un dispositif à long terme qui soit à l'épreuve du temps. Là encore, les critiques sont nombreuses de part et d'autre.

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Euronews :

Dans le monde, plus de 110 millions de personnes sont déplacées de force. À quoi peut-on s'attendre lorsque le pacte entrera en vigueur en 2026 ?

Eve Geddie :

Je pense que lorsqu'il entrera en vigueur, les normes que nous avons xées en tant qu'Amnesty sont très basses pour nous. Ces normes sont bien plus basses que ce que nous aurions souhaité et que ce que le droit internatio­nal et le droit internatio­nal des réfugiés exigent. Il est important, je pense, que la Commission commence à appliquer les normes qu'elle a mises en place. Ce n'est pas que nous soyons arrivés en 2024 sans normes européenne­s ou internatio­nales. Nous les avons. Mais ce que nous avons, ce sont des États membres qui choisissen­t d'adhérer ou non à ces normes et qui les violent souvent de manière agrante. Pour nous, l'essentiel sera donc de faire respecter les normes existantes et d'en rendre compte.

 ?? ?? Des migrants arrivés sur l'île italienne de Lampedusa
Des migrants arrivés sur l'île italienne de Lampedusa

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