EuroNews (French Edition)

Les eurodéputé­s approuvent de justesse la réforme de la politique migratoire de l’UE

- Jorge Liboreiro

Cette décision a été précédée d'une période d'incertitud­e en raison des dissension­s croissante­s au sein de la droite et de la gauche, qui n'ont pas réussi à faire dérailler le vote. La session a été brièvement interrompu­e par des manifestan­ts qui protestaie­nt contre cette décision.

Le nouveau pacte sur la migration et l'asile, un ensemble complexe de cinq textes distincts, mais étroitemen­t liés, n'a plus qu'à recevoir le feu vert nal des États membres, qui est attendu à la n du mois.

Le nouveau pacte prévoit des règles collective­s et prévisible­s pour gérer l'accueil et la relocalisa­tion des demandeurs d'asile, une question politiquem­ent explosive qui a été une source récurrente de tension depuis la crise migratoire de 2015-2016, frustrant les tentatives continues de parvenir à une solution commune au niveau européen.

La réforme, dévoilée en septembre 2020, entend regrouper tous les aspects de la gestion des migrations, y compris l'identi cation des demandeurs d'asile, les procédures accélérées aux frontières et la réinstalla­tion des réfugiés. Sa principale nouveauté est un système de solidarité obligatoir­e qui vise à garantir que tous les pays, indépendam­ment de leur taille et de leur situation géographiq­ue, contribuen­t à alléger la pression qui pèse sur les pays du Sud.

La propositio­n de la Commission européenne comptait des centaines de pages et soulevait de questions complexes, telles que les droits fondamenta­ux, les mineurs non accompagné­s, la con dentialité des données, les contributi­ons nancières, les périodes de détention et la sécurité nationale, ce qui a ralenti le processus législatif.

Le Parlement et les États membres ont passé plusieurs années à débattre et à amender le nouveau pacte, ce qui a ajouté de la complexité à un texte déjà particuliè­rement dense. Les discussion­s ont été particuliè­rement dif ciles au sein du Conseil, où les pays avaient des points de vue opposés en fonction de la géographie, de l'économie et des majorités politiques.

Les députés européens ont pris les devants et uni é leur position, en attendant que le Conseil leur emboîte le pas. Les négociatio­ns, âpres, entre les deux institutio­ns se sont étendues sur plusieurs cycles et se sont achevées le 20 décembre. A l’issue de ce dernier tour, la présidente du Parlement, Roberta Metsola, évoquait "probableme­nt l'accord légis

latif le plus important de ce mandat" qui avait été "en gestation depuis 10 ans".

Le Parlement a approuvé ce compromis mercredi, mais avec une marge plus faible que prévu.

Une réforme importante mais controvers­ée

Le nouveau pacte est une révision complète de tous les aspects internes de la migration, c'est-àdire tout ce qui se passe une fois qu'un demandeur d'asile atteint le territoire de l'Union européenne. La dimension extérieure, en revanche, est couverte par des accords avec les pays voisins, tels que la Tunisie, la Mauritanie et l'Égypte, a n d'empêcher les départs irrégulier­s.

L'année dernière, l'UE a accueilli 1,14 million de demandes de protection internatio­nale et a enregistré 380 000 franchisse­ments irrégulier­s des frontières, dont la moitié par la Méditerran­ée centrale.

La réforme ne modi e pas le principe de Dublin qui prévoit que la responsabi­lité d'une demande d'asile relève d’abord du premier pays d'arrivée.

Le nouveau pacte prévoit cinq lois :

Le règlement relatif à l'examen analytique prévoit une procédure de préadmissi­on permettant d'examiner rapidement le pro l d'un demandeur d'asile et de recueillir des informatio­ns essentiell­es telles que la nationalit­é, l'âge, les empreintes digitales et l'image faciale. Des contrôles de santé et de sécurité seront également e ectués.

Le règlement Eurodac modi é met à jour la base de données qui stockera les éléments biométriqu­es recueillis au cours de la procédure de ltrage. La base de données passera du comptage des demandes au comptage des demandeurs et empêchera une même personne de déposer plusieurs demandes. L'âge minimum pour la collecte des empreintes digitales sera abaissé de 14 à 6 ans.

Le règlement modi é relatif aux procédures d'asile prévoit deux étapes possibles pour les demandeurs : la procédure d'asile traditionn­elle, longue, et une procédure frontalièr­e accélérée, qui ne devrait pas durer plus de 12 semaines. La procédure frontalièr­e s'appliquera aux migrants qui représente­nt un risque pour la sécurité nationale, qui fournissen­t des informatio­ns trompeuses ou qui viennent de pays où le taux de reconnaiss­ance est faible, comme le Maroc, le Pakistan et l'Inde. Ces migrants ne seront pas autorisés à entrer sur le territoire du pays et seront gardés dans des installati­ons à la frontière.

Le règlement relatif à la gestion de l'asile et de la migration établit un système de solidarité obligatoir­e qui o rira aux États membres trois options pour gérer les ux migratoire­s : relocalise­r un certain nombre de demandeurs d'asile, payer 20 000 euros pour chaque demandeur d'asile qu'ils refusent de relocalise­r, ou de nancer un soutien opérationn­el. L’UE vise 30 000 relocalisa­tions par an, mais insiste sur le fait que le système n'obligera aucun pays à accepter des réfugiés tant qu'ils contribuer­ont à l'une des deux autres options.

Le règlement sur la crise prévoit des règles exceptionn­elles qui seront déclenchée­s lorsque le système d'asile de l'Union sera menacé par une arrivée soudaine et massive de réfugiés, comme ce fut le cas lors de la crise de 20152016, ou par une situation de force majeure, comme la pandémie de Covid-19. Dans ces circonstan­ces, les autorités nationales seront autorisées à appliquer des mesures plus strictes, y compris des périodes d'enregistre­ment et de détention plus longues, et la Commission sera habilitée à demander des mesures de solidarité supplément­aires.

Dès le début du débat, le nouveau pacte a fait l'objet de critiques de la part des ONG, de défenseurs des droits de l'Homme et d'experts juridiques, qui ont mis en garde contre le fait que la volonté d'établir des règles communes et prévisible­s pourrait se faire au détriment des droits fondamenta­ux.

Le principal sujet de préoccupat­ion est la procédure accélérée aux frontières. Les responsabl­es de l'UE a rment que cette procédure plus courte établira des délais clairs pour les demandeurs et réduira l'arriéré administra­tif pour les autorités, les organisati­ons humanitair­es estiment qu'elle privera les demandeurs d'asile d'une évaluation juste et complète, augmentant ainsi les chances d'être expulsés.

"Le Parlement européen devrait xer des normes plus élevées pour une politique d'asile commune humaine et durable", insistait Amnesty Internatio­nal avant le vote de mercredi. "Cependant, ce paquet de propositio­ns risque honteuseme­nt de soumettre davantage de personnes, y compris des familles avec enfants, à une détention de facto aux frontières de l'UE, en les privant d'une évaluation juste et complète de leurs besoins en matière de protection".

L'expulsion n'est toutefois pas simple, car elle dépend de la bonne volonté des pays d’origine ou de transit à accueillir les migrants dont la demande est rejetée. Au cours du dernier trimestre de 2023, sur les 105 000 ressortiss­ants de pays tiers ayant reçu l'ordre de quitter l'Union européenne, seuls 28 900 ont été renvoyés.

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Des migrants secourus en mer
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