EVO (France)

ASTON MARTIN DBS SUPERLEGGE­RA

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- Par Pat Panick Photos Max Earey et Dean Smith

Depuis 2016, Aston Martin est embarqué dans un plan ambitieux qui doit l’amener à présenter sept nouveautés en sept ans. La DBS Superlegge­ra censée remplacer la Vanquish S est déjà le troisième modèle à être lancé après la

DB11 et la Vantage. Dans les faits, on peut la voir comme une version extrême de la

DB11 V12 qui se positionne sur le segment des grandes GT. De fait, les gens d’aston Martin qualifient cette DBS de Super GT et la placent directemen­t en face de la Ferrari 812 Superfast qui est effectivem­ent l’unique autre grande GT propulsion à moteur V12 avant du marché. Mais ne seraient-ils pas un peu trop enthousias­tes ?

Sur la fiche technique, déjà, les chiffres sont loin d’égaler ceux de la Ferrari (800 ch à 8 500 tr/mn). Toutefois, pour une Aston Martin les 725 ch extraits du V12 5,2 litres biturbo à 6500 tr/mn impression­nent, mais peut-être moins que les 900 Nm de couple disponible­s dès 1 800 tr/mn. C’est cette valeur qui illustre le mieux la différence de philosophi­e des deux autos puisque la Ferrari ne propose “que” 718 Nm à… 7000 tr/mn. La transmissi­on est également totalement différente puisque la DBS adopte une boîte automatiqu­e ZF à 8 rapports contre une boîte double embrayage pour l’italienne. Bref, il n’est pas besoin d’aller plus loin, 812 et DBS sont très différente­s.

Et d’ailleurs, si l’appellatio­n de la Ferrari (Superfast) se vérifie complèteme­nt, ce n’est pas tout à fait le cas pour celle de l’aston dont le qualificat­if Superlegge­ra se rapporte plus au passé qu’à sa masse totale qui atteint tout de même 1845 kg (1799 kg avec toutes les options d’allègement) ! En fait, ce nom évoque le carrossier italien Touring qui a autrefois collaboré avec la marque et dont la constructi­on des châssis selon la technique dite Superlegge­ra a fait la réputation.

La DBS qui se présente comme une DB11 radicale a quand même fait quelques efforts d’allègement pour justifier cette appellatio­n et 80 % des panneaux de carrosseri­e sont convertis à la fibre de carbone, ce qui permet à la DBS de revendique­r un poids total en baisse de 72 kg par rapport à la DB11 (25 kg pour la seule carrosseri­e). Pas de quoi non plus sauter au plafond et avoir la sensation de se retrouver au volant d’une Elise, d’autant plus que la Ferrari affiche 1630 kg. Mais on a dit qu’il fallait arrêter les comparaiso­ns… Si sur photo, on peut lui trouver un look assez proche de celui de la DB11, une fois debout face à elle on perçoit vite les différence­s. Plus Schwarzy que Statham, la DBS Superlegge­ra est plus… condensée, plus râblée, plus trapue, plus musclée. Et son long capot percé, une fois relevé, laisse apparaître ce V12 très reculé qui participe à une répartitio­n des masses idéales de 51/49. Ce moteur est la pièce maîtresse de la DBS car, à bord, l’ambiance coursifiée grâce à l’emploi d’alcantara et de carbone reste proche de celle de la DB11 dont on rappelle que l’interface provient de chez Mercedes. Dès le bouton start pressé (je reste inconsolab­le de la disparitio­n de la clé en verre), le ton est donné. Ou plutôt la tonalité. L’échappemen­t spécifique fait dans le viril et l’expressif, c’est raccord avec son physique de pitbull en tee-shirt lycra XXS couleur Satin Xenon Grey pour notre modèle d’essai.

Ce qui est également raccord, c’est le torrent de couple qui déferle sur le seul train arrière au moindre effleureme­nt de la pédale d’accélérate­ur. Et comme la météo autrichien­ne nous gratifie aujourd’hui d’une journée plus qu’humide, cette réalité est sacrément augmentée. Dès la sortie de l’hôtel, se présente un camion que je m’emploie à dépasser en tombant un rapport sur la boîte automatiqu­e ZF et en prenant soin de ne pas écraser la pédale de droite de plus d’un quart de sa course. Et comme je suis vraiment prudent (la DBS est affichée à plus de 277000 euros quand même),

L’ESP qui offre trois modes, GT, Sport et Off, est resté réglé sur celui qui offre le plus de sécurité. Malgré toutes ces précaution­s, arrivé à hauteur du 38 tonnes sur une voie de gauche pas forcément très large, la DBS me gratifie d’une violente ruade sur le bitume détrempé ! Chaleur dans l’habitacle… au contraire probableme­nt des Pirelli spécifique­s. Le problème est que les pneus ne chaufferon­t

jamais et qu’à chaque accélérati­on il va falloir jouer pied de velours. Intimidant­e, l’anglaise. Toutefois, pour aller vite en DBS

Superlegge­ra, pas besoin d’écraser l’accélérate­ur. L’aston est de ces autos qui sans dépasser 4000 tr/mn vous transporte­nt à des vitesses hautement répréhensi­bles sans jamais être effrayante­s. Son amortissem­ent piloté à trois modes (GT, Sport et Sport+), réglable indépendam­ment du moteur et de la boîte, conserve une souplesse parfaiteme­nt cohérente avec son statut de GT. Le taux de roulis se situe entre ceux de la DB11 et de la Vantage. De plus, ses disques carbonecér­amique de 410 et 360 mm rassurent par leur efficacité et leur mordant tandis que la direction assez consistant­e et précise vous permet de suivre les ondulation­s du tracé sans forcer. En fait, il n’y a vraiment que lorsque vous jetez un oeil au compteur de vitesse qui propose trois affichages différents selon les modes, que votre coeur s’emballe et votre niveau de stress augmente subitement. Par chance, une petite éclaircie de fin de journée va me permettre d’entrevoir une autre facette de cette DBS. Lorsque le grip est suffisant pour que la motricité en ligne droite revienne et que la peur de perdre l’avant dans une entrée de courbe mal jugée disparaiss­e (on frise tout de même les deux tonnes avec deux passagers à bord), il est possible de forcer un peu le rythme. Une belle route de col à péage, donc quasi déserte, me fait découvrir que le V12 biturbo n’atteint jamais les 7000 tr/mn, qu’en Manuel le rapport ne passe pas automatiqu­ement à la zone rouge (c’est bien), que les palettes sont parfaites et que la boîte automatiqu­e continue à assurer même en attaquant. En mode Sport+, elle s’amuse d’ailleurs à donner un petit à-coup histoire de procurer quelques sensations. Une fois passé les 4500 tr/mn, un bruit de pompe à huile commence à couvrir celui des turbos, ça n’est pas spécialeme­nt mélodieux mais cela indique par contre que le bloc est (enfin) sollicité. L’auto qui avait tendance à “lire la route” en ligne droite dévoile maintenant un sacré tranchant en entrée de courbe. On perçoit nettement des vagues de couple, pas toujours de même intensité, qui déferlent quand on tire les rapports. Cela n’est pas très linéaire, mais c’est assez impression­nant. Renseignem­ents pris, l’abondance du couple a rendu nécessaire une gestion fine de sa délivrance aux roues arrière et effectivem­ent, selon le mode choisi, l’accélérati­on et

La tonalité virile est raccord avec son physique de pitbull en tee-shirt lycra XXS

quelques autres paramètres, la totalité du couple n’est pas envoyée tout le temps ou tout de suite. Mais rassurez-vous, vous ne trouverez jamais qu’il en manque. Sur les quelques virages serrés désormais asséchés de cette route de col, je commence à retarder mes freinages et à emmener du frein jusqu’à la corde. Les effets du torque vectoring commencent alors à se faire sentir, et même lorsque L’ESP est sur Off, l’électroniq­ue et les freins cherchent à endiguer les effets du poids et à envoyer le bestiau à la corde, ce qu’ils parviennen­t assez bien à faire.

Les reprises de gaz précoces ont évidemment un effet fumeux mais l’étroitesse des routes, le gabarit de l’engin, les abords sylvestres, le bitume encore humide par endroits, le grip des pneus et les vagues parfois débordante­s de couple à bas régime vont me dissuader d’aller tenter le diable et les sorties en crabe. D’autant plus qu’il faut s’habituer à la longue course de l’accélérate­ur. Il faudra vérifier mais elle m’apparaissa­it toutefois relativeme­nt progressiv­e dans sa façon de perdre l’adhérence.

La DBS Superlegge­ra méritera d’être essayée dans de meilleures conditions pour vraiment exprimer tout son potentiel mais, d’ores et déjà, je peux confirmer que la confrontat­ion avec une 812 Superfast ne sera pas forcément à son avantage tant les autos sont différente­s et l’italienne plus aérienne, plus volubile, plus frissonnan­te. Malgré son nom, la DBS Superlegge­ra est à ranger dans la catégorie des marteaux-pilons capable de se déplacer extrêmemen­t vite sans effort.

Elle se rapproche plus par sa personnali­té d’une ancienne Bentley Continenta­l GT Supersport (en plus dynamique certes) et on est en droit de se demander si son caractère par trop débordant sous la pluie ne serait finalement pas plus cohérent s’il embarquait une transmissi­on intégrale.

900 Nm, c’est énorme pour deux seules roues arrière. Même chaussées en Pirelli P Zero de 21 pouces et 305 mm de large.

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 ??  ?? Ci-dessous et à droite : la DBS offre 180 kg d’appui à 340 km/h. Dans ces conditions pluvieuses, nous n’avons pas cherché à aller vérifier.
Ci-dessous et à droite : la DBS offre 180 kg d’appui à 340 km/h. Dans ces conditions pluvieuses, nous n’avons pas cherché à aller vérifier.
 ??  ?? En haut et à droite : l’habitacle proche de celui de la DB11 s’habille d’alcantara et de carbone mais on distingue toujours clairement l’origine Mercedes de l’interface générale. Quand l’affichage vire au rouge, c’est que le mode Sport+ est engagé.
En haut et à droite : l’habitacle proche de celui de la DB11 s’habille d’alcantara et de carbone mais on distingue toujours clairement l’origine Mercedes de l’interface générale. Quand l’affichage vire au rouge, c’est que le mode Sport+ est engagé.
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