MORGAN PLUS 8 50th
Cette édition limitée honore le demi-siècle d’existence des Morgan à moteur V8. Pensez à prendre un casque.
Après des semaines de canicule qui ont jauni toutes les prairies d’angleterre, la route vers Malvern se révèle aujourd’hui incroyablement froide, venteuse et humide. On n’y voit pas à 100 mètres. Je conduis une Lexus LS 500h… enfin, disons que le terme “conduire” doit être pris au sens moderne parce que l’aspect le plus notable de ce trajet restera principalement la qualité de la sono. Comme sur beaucoup d’autos récentes en fait.
La Morgan Plus 8 50th Anniversary Edition offre elle aussi un système audio, mais la façade signée Alpine ressemble à un autoradio des années 90. Et sauf à l’arrêt moteur éteint, je ne vois pas bien à quoi cela peut servir car il est impossible d’entendre quoi que ce soit pendant que vous roulez. L’auto n’a en effet ni pare-brise, ni vitres latérales, ni toit.
Comme son nom l’indique, elle célèbre les 50 ans de la première Morgan à moteur V8 (un Rover, né Buick, de 3,5 litres de cylindrée que l’on avait installé sous les louvres du capot de la 4/4). Après un peu plus de
6 000 exemplaires de Plus 8 (c’est son nom) produits, la lignée arrive à son terme car le BMW N62 4,8 litres atmosphérique actuellement utilisé pour l’animer (avec l’aéro GT) n’est plus fabriqué. Cinquante exemplaires de cette série limitée seront construits et proposés en deux versions : le “speedster” bleu ici présent, et une découvrable vert anglais disposant de toutes les protections que n’a pas le speedster contre les aléas météorologiques. Certains détails spécifiques signent cette série limitée, comme un anneau de remorquage, des étriers de frein blancs, une sortie d’échappement en céramique et des stickers tels que le “8” et le contour jaune que l’on trouve sur la calandre. Une boîte automatique est proposée au catalogue mais, par chance, notre speedster possède une boîte manuelle 6 rapports.
Si vous ne tombez pas amoureux au premier regard de cette édition limitée, c’est que vous ne l’aimerez jamais. Pour ma part, j’adore. Je la découvre garée devant l’entrée de l’usine, entourée par de plus petites et plus classiques 4/4 brillant de tous leurs chromes. En comparaison, le speedster à la ligne de caisse très basse ressemble à un mélange de voiture de course d’avant-guerre et de dragster vintage. Et la façon dont elle intègre les pneus semi-slicks modernes avec son grognement de V8 et ses phares à LED lui donne un petit côté dieselpunk.
Les Plus 8 ont énormément évolué au fil des ans depuis l’originale à boîte Moss 4 rapports, essieu arrière rigide et direction vis et galet. En 2012, ce modèle reçut le même châssis en aluminium collé et riveté que les plus récentes Aero, puis en 2016 des améliorations concernant la rigidité structurelle et la suspension.
Mais tout cela ne vous effleure pas une seconde l’esprit au moment de tourner la délicate poignée chromée pour ouvrir la porte. Le cliquetis aigu de la fermeture trahit sa légèreté et vous rappelle les portes des autos de manège de votre enfance. Les sièges de cuir arborent certes de profonds rebords mais leur soutien latéral n’a rien d’efficace,
de vrais baquets auraient été préférables. Par chance, si le vent continue de souffler, la pluie a elle cessé. Toutefois, les routes restent largement humides. Je remonte la fermeture éclair du couvre-tonneau audessus de la place passager et me penche le plus possible vers l’avant pour profiter du peu de protection qu’offrent les deux petits écrans vitrés aérodynamiques sur le haut du capot. Une pression du pouce sur le bouton start réveille le V8 BMW qui ronronne ensuite doucement. Tout du moins jusqu’à ce que vous effleuriez la pédale d’accélérateur qui déclenche alors un aboiement si sonore et si pur que cela suffit à vous faire déjà regretter sa disparition prochaine.
Et ça pousse fort ensuite, ce qui n’a rien de surprenant quand on considère qu’il n’a que 1 100 kg (à sec) à remuer et qu’il délivre malgré tout 372 ch et plus de 500 Nm de couple. Le 0 à 100 km/h donné pour 4’’5 et la vitesse maximale pour 250 km/h illustrent assez bien la relative dureté de boîte et l’aérodynamique rudimentaire.
Pour conduire le speedster, il vous faut au minimum porter une paire de lunettes. Sans cela, il devient très vite compliqué de voir clair car vos yeux se réduisent tout de suite à deux simples fentes avant de se fermer complètement pour se protéger. En fait, un casque intégral sera préférable car en plus d’y voir clair vous pourrez également respirer correctement. Du coup, il est possible de se concentrer sur la conduite. Au début, l’expérience globale est dominée par le caractère moteur, son couple à bas régime et son accélérateur progressif. Les jantes alliage au look rétro chaussent ici des Yokohama Neova pas particulièrement adhérents sous la pluie. En l’absence d’antipatinage (L’ABS est en revanche présent), la 50th Anniversary est plutôt du genre à drifter partout où vous le souhaitez.
La direction rapide et légère ainsi que la commande de boîte tout aussi précise trahissent rapidement la modernité de cet objet vintage, il est vite évident que cette
Plus 8 peut soutenir un gros rythme. Elle sera à son aise sur un bon revêtement, beaucoup moins sur les routes bosselées où elle a tendance à se désunir. Trains avant et arrière peinent à absorber tout cela, et vous décollerez parfois de votre siège.
Mais devinez quoi ? Totalement exposé aux éléments à des vitesses indécentes et avec la cacophonie du V8 résonnant sur le paysage alentour, la 50th Anniversay devient vite exaltante et captivante à conduire. À aucun moment on ne s’ennuie, on peut donc comprendre pourquoi certains accepteront de dépenser plus de 140 000 euros pour s’en payer un exemplaire.
Quelle réussite fabuleuse pour une muscle car si excessivement britannique (quoique propulsée par les Allemands).
Sans lunettes, vos yeux se plissent avant de se fermer complètement, par instinct de survie