EVO (France)

ITW DESIGNER APOLLO IE

-

L’histoire de Joe Wong, le jeune designer de la toute nouvelle et spectacula­ire Apollo Intensa Emozione, est si extraordin­aire qu’elle méritait d’être racontée par l’intéressé.

Le jeune designer Joe Wong dessinait déjà des voitures lorsqu’il était enfant, mais avec l’hypercar Apollo Intensa Emozione, ses inspiratio­ns sont devenues réalité.

L’Apollo Intensa Emozione ne ressemble à aucune autre voiture. Elle serait plutôt du style à être présentée à Genève sur le stand d’un grand constructe­ur, accompagné­e d’un communiqué expliquant qu’il s’agit là de leur vision du futur suivi quelques mois plus tard par la sortie d’un vulgaire SUV dont un galbe d’aile rappellera­it vaguement le concept. Mais cette Apollo n’est pas un concept, ni une déclaratio­n d’intention, il s’agit d’une vraie voiture pour laquelle déjà plusieurs clients ont signé un chèque. Apollo Automobili débute là où Gumpert (rappelez-vous de leur supercar Apollo) a terminé sa carrière. Des cendres de la firme de l’ingénieur allemand est né en 2016 le concept car Arrow, puis est venue ensuite la première voiture de production de cette nouvelle compagnie: l’intensa Emozione ou IE pour faire court. Peu importe l’angle de vue, la IE est spectacula­ire et fantasmati­que. Elle abrite un V12 6,3 litres d’origine Ferrari qui, après modificati­ons, développe la bagatelle de 780 ch et 760 Nm de couple. Il propulse l’auto de 0 à 100 km/h en 2’’7 et au-delà de 320 km/h si vous avez suffisamme­nt d’espace et de courage. Et si cela vous tente, il faudra débourser 2,3 millions d’euros pour l’un des dix exemplaire­s qui seront construits.

Pour le patron d’apollo, Norman Choi, L’IE se veut un hommage aux anciennes GT1 d’endurance, hardcores, bruyantes, incroyable­ment rapides, excitantes à piloter et à regarder. Et grâce à Joe Wong, on peut affirmer que le style de l’apollo a effectivem­ent quelque chose de très excitant!

Le jeune designer (il n’a que 28 ans) travaille avec Apollo depuis la fin 2014 mais sa passion pour l’automobile a débuté dès son plus jeune âge. Lorsqu’il

avait 6 ans, il adorait la Porsche familiale : « Mon père avait une 944 Turbo blanche avec ses feux pop-up. Je lui demandais de les sortir tout le temps. Et à chaque fois, cela fonctionna­it parfaiteme­nt ». Aimer les voitures est une chose (beaucoup d’enfants sont ainsi) mais lui aimait aussi les dessiner. « Partout où nous allions je dessinais des autos, explique Wong.

Dans chaque restaurant où nous nous rendions, je plongeais des baguettes dans une tasse de thé et je m’en servais ensuite pour dessiner sur les nappes en papier. » Les autos n’étaient pas son seul centre d’intérêt, les animaux l’inspiraien­t également beaucoup. « Je ne sortais pas beaucoup étant enfant, explique-til. Ma famille était assez stricte et je passais des heures à regarder Discovery Channel ou le National Geographic à m’abreuver de toutes les informatio­ns possibles sur le règne animal. Des insectes jusqu’aux aigles, aux requins, aux animaux marins… et puis j’ai commencé à trouver des similitude­s entre les deux mondes. Et si j’essayais de dessiner une auto qui ressemble à un animal? Avec le temps, je me dis que ces deux thématique­s m’ont largement imprégné. » Une enfance à dessiner des autos et des animaux, et parfois des autos animales, va conduire Joe Wong vers des études de design Transport à l’université de Huddersfie­ld en 2009. Lorsqu’il reçut son diplôme en 2012, il n’eut pas de difficulté­s à trouver un job puisqu’il s’est lui-même proposé chez Mclaren.

Frank Stephenson était alors en charge du design et le courant est tout de suite bien passé entre les deux. « Nous nous sommes rencontrés, nous avons plaisanté ensemble et voilà. Ce fut aussi un peu mon mentor. »

La simplicité apparente ne doit pas faire perdre de vue qu’il s’agissait tout de même de Mclaren, et des leçons restaient à apprendre. Très vite, Joe découvrit Ron Dennis et son perfection­nisme. « Ils me donnèrent pour mission de dessiner le logo de la P1 et, lorsque j’eus des propositio­ns à montrer, Frank me demanda si j’étais certain que tout était OK car, disaitil, Ron allait sortir une règle et mesurer absolument tout ce que nous lui présenteri­ons. Je ne l’ai pas cru. Je pensais qu’il s’agissait d’une plaisanter­ie. Lorsque mes logos furent prêts, nous sommes allés dans le bureau de Ron Dennis. Aussitôt avais-je présenté mes idées qu’il a effectivem­ent sorti une règle avec laquelle il a mesuré mes logos dans tous les sens. C’est à ce moment que j’ai compris que tout cela était très sérieux! » Evidemment, cela va laisser une trace indélébile dans l’esprit du jeune homme et influencer la suite de sa carrière. « J’ai appris là-bas qu’il fallait adopter cette mentalité qui oblige à ce que tout ce que l’on produit soit parfait. Tout: le dessin, la 3D, les maquettes, tout. » Fin 2013, Joe Wong déménagea vers Oldbury pour intégrer Futura Design. C’est là-bas qu’il apprit l’importance des reflets, des effets de tension et du modelage à la clay. Ils lui permirent de découvrir comment tous ces éléments interagiss­ent et se combinent au sein d’un espace physique donné. « J’ai toujours vu les automobile­s comme des sculptures, comme de l’art. Pour moi, ce sont des objets vivants. J’essaie d’appliquer cette philosophi­e en permanence. Il est difficile de donner un âge à un élément issu de la nature et, si vous appliquez cela à une auto, il y a de grandes chances pour que sa silhouette devienne intemporel­le. » Adepte des forums, Joe Wong publiait souvent ses travaux sur Internet afin de les partager avec le plus grand nombre. Son travail fut remarqué et, en 2014,

l’inattendu s’est produit. « Sur un forum, j’ai reçu un message d’un inconnu qui disait : “Hey, je viens de racheter Gumpert, aimerais-tu devenir notre designer?” J’ai évidemment cru à une plaisanter­ie et ai demandé quelques preuves. Il a alors commencé à m’envoyer des photos de l’usine et des prototypes de la future Apollo. Cela avait l’air effectivem­ent réel ! Mais c’était tellement improbable, quelles étaient les chances pour que cela se produise? » Minces assurément, mais l’homme à qui parlait Joe Wong était Norman Choi. « Nous nous sommes rencontrés très vite, ils avaient un ambitieux projet assez précis

pour la marque. » La première auto qui accompagne la résurrecti­on de la compagnie fut le concept Arrow présenté au Salon de Genève 2016.

Apollo est en fait une compagnie dont le personnel est disséminé tout autour du globe. Joe Wong travaille beaucoup chez lui. Aussi difficile à croire que cela puisse paraître, cette auto qui a fait le buzz un peu partout dans le monde a été dessinée en grande partie sur une table de cuisine avec une tasse de thé à proximité. Plus britanniqu­e que ça, tu meurs.

On pourrait penser que travailler pour une compagnie aussi éclatée géographiq­uement serait un cauchemar mais apparemmen­t, ce n’est pas le cas. « Tout le monde communique via Whatsapp ou par e-mail. C’est la beauté de la chose. Norman croit énormément en nous, il a une grande confiance en nos capacités à produire quelque chose de parfait. Rien de ce que l’on fait n’est superficie­l ou superflu. Pas de complexifi­cations inutiles, quand une idée est bonne, nous n’avons qu’à la faire évoluer, la développer. » Lorsqu’il a fallu imaginer la silhouette de IE, personne ne s’est dispersé. « Beaucoup d’entreprise­s mettraient deux ou trois ans pour créer une telle silhouette. Elles fabriquera­ient plusieurs maquettes en clay, étudieraie­nt

LES CONSTRUCTE­URS DEVRAIENT JUSTE CHOISIR LE PROJET LE PLUS FOU ET LE PRODUIRE !

différents types de surface, divers éléments aéro et beaucoup de variantes. Nous nous sommes concentrés sur un dessin et nous avons fait en sorte de le faire fonctionne­r. Il y a eu plusieurs dessins mais le modèle 3D que nous avons réalisé était déjà très proche du véhicule final. Nous l’avons simplement fait évoluer par petites touches. » L’arrow reposait sur un châssis tubulaire mais IE possède sa propre structure en fibre de carbone. La communicat­ion entre le design et l’ingénierie peut parfois être compliquée dans certaines sociétés, mais

ce ne fut apparemmen­t pas le cas chez Apollo. « Nous avions un retour des aérodynami­ciens, ou les ingénieurs nous disaient simplement : “Nous devons changer ceci ou cela car ce montant va interférer avec cette section ou parce que nous avons besoin de plus d’appui”. C’était sympa car, à la fin, tous ces ajustement­s ont amélioré la voiture. Généraleme­nt, vous avez un concept délirant et une auto de production plus sage mais ici, c’est l’inverse. L’IE de série est une évolution du concept Arrow. » L’inspiratio­n de Joe Wong se révèle plutôt surprenant­e: les voitures rapides et la nature, conserver une ligne aussi épurée que possible, mais s’assurer également que la fonction ne prenne pas le pas sur la forme. LMP1 et F1 ont également inspiré Wong notamment pour les formes sculptées dirigeant le flux d’air vers des zones bien précises. « Nous ne laissons pas la fonctionna­lité prendre trop d’importance sur le design. Nous préférons toujours pousser les aérodynami­ciens et les ingénieurs en leur disant que nous savons quelle est la forme optimale qu’ils souhaitent mais qu’il nous faut une forme différente et qu’il faut trouver un compromis. Et on y arrive à chaque fois. Tout le monde essaie d’améliorer le produit, tout le monde veut essayer de nouvelles idées, chacun d’entre nous veut que ça marche. » Pour beaucoup, dessiner une hypercar est un rêve. Comment se sent-on lorsque cela se réalise à seulement 28 ans? « Quand vous apercevez les gens tout sourire devant l’auto, quand vous les entendez dire qu’ils aiment son look, je suis heureux parce qu’elle fait le job, explique Joe Wong. Bien sûr, elle ne plaît pas à tout le monde mais elle méritait d’être produite ainsi. » Espérait-il secrètemen­t être choisi pour dessiner la future Batmobile ? « Ça pourrait être sympa mais… non. C’est étrange car la ressemblan­ce ne m’est jamais venue à l’esprit jusqu’à ce qu’elle commence à rouler réellement. » OK, Intensa Emozione ressemble un peu à un requin sorti d’un esprit hyperactif mais, pour Joe Wong, ce style audacieux va peut-être faire changer la manière dont les hypercars seront dessinées dans le futur. « Cela pourrait déclencher une réaction en chaîne chez les constructe­urs. Ce dessin fonctionne, les gens le désirent et l’achètent, cela mérite peut-être qu’on s’y intéresse. Je pense que les constructe­urs restent très timides en termes de design. Beaucoup trop de personnes donnent leur opinion sur ce à quoi doit ressembler une auto. En fait, ils devraient choisir le projet le plus fou et essayer de le produire! »

QUAND LES GENS SONT TOUT SOURIRE DEVANT L’AUTO, QUAND VOUS LES ENTENDEZ DIRE QU’ILS AIMENT SON LOOK, JE SUIS HEUREUX PARCE QU’ELLE FAIT LE JOB

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France