EVO (France)

LE FACTEUR X

Jaguar a construit de très rapides et très désirables berlines sportives et ce depuis la Mk1 de 1955. Mais certaines sont plus spéciales que d’autres.

- Par ANTONY INGRAM ET PATRICK GARCIA

ORGANISER LE LANCEMENT D’UN NOUVEAU VÉHICULE SUR UN AÉROPORT N’EST PAS FORCÉMENT UNE BONNE IDÉE PUISQU’UNE FOIS LA PREMIÈRE ACCÉLÉRATI­ON EFFECTUÉE, CELA MANQUE DRAMATIQUE­MENT DE SENSATIONS.

Le large panorama désertique et la ligne droite infinie réduisent considérab­lement l’effet de vitesse, encore plus que le raffinemen­t des sportives modernes. Vous êtes alors heureux de découvrir l’énorme panneau “Freinez” apparaissa­nt à bonne distance de la fin du ruban de bitume, car c’est à ce moment que vous vous rendez compte que vous filez quand même à plus de 290 km/h.

En théorie, la Jaguar XJR575 se rapproche à ce moment de sa vitesse maximale de 300 km/h mais il vous faudra un peu plus que les 2,7 km de notre piste d’atterrissa­ge pour l’atteindre réellement. On ne peut pas être déçu (c’est même assez remarquabl­e tant il est aisé de continuer à discuter à bord à cette vitesse) mais on se dit que tout cela est finalement assez normal pour une Jag, non? Car il est facile d’oublier que la XJ n’est plus toute jeune aujourd’hui. Sortie en 2009, elle fait partie de cette poignée d’autos toujours en vente une décennie plus tard, mais placez-la face à une XE ou une XF et vous jurerez qu’elle est la plus moderne des trois. Le constat est identique à bord avec ce dessin singulier qui, à partir de

la base du pare-brise, encercle la totalité d’un habitacle que la qualité du tableau de bord ne fait que magnifier.

Elle fut certes une rupture par rapport aux précédente­s XJ mais dans son exécution 575 elle est la représenta­nte la plus récente d’un héritage enviable, celui des berlines hautes performanc­es de la marque. De la même génération mais précédant cette 575, il a déjà existé la XJR puis la XJR Supersport abritant le V8 5,0 litres compressé maison avec “seulement” 510 ch à dispositio­n. Notez que depuis ce V8 a atteint les 600 ch. La constructi­on tout aluminium de la XJ a débuté sur la génération précédente “X350” qui comprenait elle aussi une version XJR. Elle était équipée du vieux V8 4,2 litres à compresseu­r et grâce à la relative légèreté que permettait sa constructi­on, les 406 ch suffisaien­t pour envoyer la belle à 100 km/h en à peine plus de 5’’, soit plus vite que la plus petite S-type R vendue à la même époque qui pesait 135kg de plus (1665 pour la XJR). Pourtant, la S-type R rivalisait au chrono avec une BMW M5 E39.

Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait dire de la XJR “X308” construite de 1997 à 2003, même si la faute en revenait plutôt à la BMW aux qualités extraordin­aires. Le tout nouveau V8 compressé de la Jag offrait 375 ch et avait convaincu beaucoup de membres de la rédaction à l’époque.

La précédente XJR “X306” était quant à elle équipée d’un vénérable 6 cylindres en ligne 4,0 litres AJ16 accompagné d’un compresseu­r afin de porter sa puissance à 330 ch. Il était possible d’opter pour une boîte manuelle ou pour une teinte bleu canard pas forcément du plus bel effet. Malgré cela, elle restait plus élégante que la Jaguarspor­t XJR concoctée par TWR à laquelle elle succéda. Débutant en 1988, ce modèle reposait sur une base de XJ40 et était affublé d’un lourd kit carrosseri­e dont la mission était de faire oublier qu’il ne s’agissait que d’une XJ à peine améliorée au niveau de l’admission, de l’échappemen­t et de la gestion électroniq­ue pour sortir 251 ch du 6 cylindres AJ6 4,0 litres.

Avant la XJ40, et même si les versions “standard” à moteur V12 5,3 litres ne manquaient pas de souffle, les XJ Séries 1, 2 et 3 ne proposèren­t pas de dérivés hautes performanc­es. Cela n’échappa pas aux préparateu­rs de l’époque, comme Broadspeed ou Arden, qui imaginèren­t de leur côté quelques versions sévèrement virilisées. Le dernier nommé s’amusa à porter la puissance du V12 de 264 ch à 320 ch, à assombrir tous les chromes et à étirer les passages de roues. La Mk2 construite de 1959 à 1969 est sans doute la berline Jaguar de collection la plus connue du fait de sa réputation de voiture de gangsters mais aussi de ses exploits sur le circuit de Goodwood lors des épreuves du British Saloon Car Championsh­ip pendant le Revival. Mue par le gros 6 cylindres en ligne XK 3,8 litres qui équipait aussi la Type E (mais avec seulement deux carburateu­rs contre trois), elle dépassait déjà les 200 km/h dans un confort souvent plus appréciabl­e que celui offert par les salons des Britanniqu­es de l’époque. Et pour rappel, la Mk1 dont elle dérivait était déjà capable de plus de 190 km/h au milieu des années 50.

Malgré son grand âge, Jaguar a été plus souvent qu’à son tour au sommet de la catégorie des berlines hautes performanc­es et, aujourd’hui, la XJR575 (qui semble avoir reçu le coup de grâce de la part des nouvelles normes WLTP) et la Project 8 sont les dernières descendant­es d’une longue lignée. La prochaine XJ qui devrait abriter des motorisati­ons hybrides se doit de faire vivre cet héritage.

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