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VITRES TEINTÉES : essayons d’y voir plus clair… QUE PRÉVOIENT LES TEXTES ? NOIR C’EST NOIR…

- Par Me JEAN-FRANÇOIS CHANGEUR Avocat Spécialist­e en Droit Pénal Routier, Président de l’associatio­n des Avocats Français en Droit Routier (AFEDR) - www.changeur.fr

La réglementa­tion des vitres teintées est animée par un double objectif : • Sécuritair­e d’une part, pour assurer un contrôle visuel optimal au conducteur et aux usagers de la route.

• Répressif d’autre part, pour faciliter la constatati­on par les forces de l’ordre d’une infraction routière (non-port de la ceinture de sécurité ou encore l’usage du téléphone au volant) que les vitres teintées pourraient masquer.

L’article R.316-3, alinéa 2 du Code de la route énonce: « Les vitres du pare-brise et les vitres latérales avant côté conducteur et côté passager doivent avoir une transparen­ce suffisante, tant de l’intérieur que de l’extérieur du véhicule, et ne provoquer aucune déformatio­n notable des objets vus par transparen­ce ni aucune modificati­on notable de leurs couleurs ». Et plus particuliè­rement, « la transparen­ce de ces vitres est considérée comme suffisante si le facteur de transmissi­on régulière de la lumière est d’au moins 70 % ». Tous les véhicules sont concernés par cette mesure mais un arrêté du 18 octobre 2016 accorde néanmoins une dérogation pour certains véhicules médicaux, ainsi que les véhicules blindés.

QUE RISQUEZ-VOUS ?

En applicatio­n de l’article R.316-3-1 du Code de la route, le non-respect des conditions de transparen­ce des vitres est puni de 135 euros d’amende prévue pour les contravent­ions de la 4e classe. Cette contravent­ion donne lieu de plein droit à la

réduction de 3 points du permis de conduire. De plus, l’immobilisa­tion de votre véhicule peut également être prescrite. En l’état du droit actuel, la preuve de cette infraction est difficile, et ce pour une raison juridique et technique. D’une part, le texte ne prévoit aucun mode de preuve particulie­r pour constater l’infraction. D’autre part, les forces de l’ordre disposent d’appareils (des photomètre­s) de contrôle de transparen­ce mais ces derniers ne sont pas homologués et ne disposent donc d’aucune valeur

La Cour de cassation admet que les vitres teintées peuvent être contrôlées à l’oeil nu, sans recours à un appareil spécialisé

réglementa­ire. Ces arguments ont été avancés par les justiciabl­es et repris par certaines juridictio­ns du fond et de nombreuses relaxes ont été prononcées. Cependant, depuis lors, la Chambre criminelle de la Cour de cassation n’a pas adopté cette vision des choses. En effet, en un arrêt rendu le 19 juin 2018, la Chambre criminelle considère que la preuve de l’infraction est établie par la constatati­on de l’agent verbalisat­eur. En d’autres termes, la Cour de cassation admet que les vitres teintées peuvent être contrôlées à l’oeil nu, sans recours à un appareil spécialisé.

Cela étant, la Cour encadre la constatati­on des agents verbalisat­eurs afin de limiter tout arbitraire. Pour ce faire, elle a dégagé deux conditions obligatoir­es:

Premièreme­nt, le procès-verbal doit mentionner précisémen­t les vitres litigieuse­s.

Deuxièmeme­nt, le procès-verbal doit faire état de l’appréciati­on personnell­e de l’agent fondée sur des éléments objectifs permettant de constater le pourcentag­e de transparen­ce (ex. : le fait de ne pas pouvoir voir le conducteur ou encore l’épaisseur du filtre installé sur la vitre).

Donc, si l’agent verbalisat­eur justifie par ces deux conditions le manque de transparen­ce, l’infraction est alors suffisamme­nt caractéris­ée. Cette jurisprude­nce est critiquabl­e juridiquem­ent mais se justifie en pratique.

… ET IL N’Y A GUÈRE D’ESPOIR

La défense est ici complexe et il y a peu d’espoir à combattre les constatati­ons de l’agent verbalisat­eur. Cependant, des moyens existent:

Tout d’abord, vérifiez que le procès-verbal mentionne avec exactitude les vitres incriminée­s, et qu’il fait état de plusieurs éléments objectifs attestant d’un manque flagrant de transparen­ce. En l’absence de ces conditions, la relaxe, si elle est plaidée, pourra être accordée.

Ensuite, la Cour de cassation a considéré que « les dispositio­ns des articles R. 316-3 et R. 316-3-1 du Code de la route n’exigent pas la mesure du coefficien­t de pénétratio­n de la lumière pour caractéris­er l’infraction à la réglementa­tion sur la transparen­ce des

vitres de véhicule ». L’absence d’un appareil de contrôle n’est donc pas un argument utilisable pour la défense.

Enfin, la Cour de cassation a plusieurs fois rappelé que le contrevena­nt pouvait rapporter la preuve contraire sur le fondement de l’article 537 du Code de procédure pénale grâce à une expertise ou l’utilisatio­n d’un photomètre attestant d’un seuil de transparen­ce conforme à la réglementa­tion routière. Difficile mais pas impossible.

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