Feuillet Hebdo de la Revue Fiduciaire
Grille de lecture élaborée par la CJUE
4-7
À la suite du pourvoi formé contre la décision de la Cour administrative d'appel de Versailles, le Conseil d'état avait posé deux questions préjudicielles à la CJUE (CE 29 mars 2017, n° 389105), lesquelles ont fourni à la Cour de Luxembourg l'occasion d'élaborer la grille de lecture suivante en 5 points (CJUE 24 janvier 2019, n° 167/7).
❶ La CJUE confirme tout d'abord qu'il n'y a pas lieu d'exclure par principe que la succursale française puisse déduire la TVA ayant grevé les biens et les services acquis exclusivement pour les besoins des opérations réalisées par le siège londonien. En effet, si les opérations internes qu'une succursale réalise pour les besoins de l'activité de son siège ne sont pas soumises à la TVA, puisqu'il s'agit d'une même personne, il n'en résulte pas pour autant que la TVA d'amont grevant les biens et services affectés exclusivement à ces opérations ne serait pas déductible. ❷ Par application du principe de l'affectation, dans la mesure où la succursale et le siège ne forment qu'une seule personne, il convient d'examiner si la TVA afférente à des dépenses effectuées par la succursale française présente un lien direct et immédiat avec la réalisation d'opérations taxées réalisées par le siège britannique.
❸ Dans la mesure où la succursale et le siège obéissent à deux législations de TVA différentes, les opérations effectuées par un assujetti dans un État membre (en l'espèce celui du siège britannique) autre que celui dans lequel la TVA est due ou acquittée (celui de la succursale française) n'ouvrent droit à déduction qu'à la double condition, d'une part, que les opérations en cause soient taxées dans cet autre État membre (celui du siège britannique) et d'autre part, qu'elles soient de celles qui seraient taxées si elles étaient effectuées dans l'état membre où la TVA est due ou acquittée (celui de la succursale française). En clair, si l'opération aboutit à une taxation en Grande-bretagne mais à une exonération si celle-ci avait été réalisée en France, la TVA n'est pas déductible.
❹ Par application de ce principe, dans l'hypothèse où les dépenses effectuées par la succursale sont affectées exclusivement à des opérations réalisées par le siège, il convient de faire application d'un prorata dont le numérateur est constitué par le chiffre d'affaires, hors TVA, afférent aux opérations soumises à la TVA réalisées par le siège (en Grande Bretagne en l'espèce), mais qui auraient été également taxées si elles étaient effectuées dans l'état membre d'immatriculation de la succursale (en France en l'espèce). Le dénominateur est, quant à lui, formé par le chiffre d'affaires total, hors TVA, du siège.
❺ Lorsque la succursale expose des dépenses en vue de l'acquisition de biens et services utilisés à la fois pour les besoins de l'activité du siège et de sa propre activité, le numérateur du prorata est formé par le chiffre d'affaires correspondant aux opérations taxées effectuées par la succursale (en France en l'espèce), ainsi que par celui correspondant aux opérations taxées effectuées dans l'état membre du siège (en Grande Bretagne), pour autant que cellesci auraient été taxées si elles avaient été réalisées dans l'état d'immatriculation de la succursale (en France). Le dénominateur est, quant à lui, formé par le chiffre d'affaires, hors TVA, afférent à l'ensemble des opérations réalisées à la fois par la succursale et le siège.