Feuillet Hebdo de la Revue Fiduciaire
Le choix dans les dialogues
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Après plusieurs interventions des scénaristes, le contenu des dialogues devait se préciser. Le script s'affinait tout d'abord par la loi du 20 août 2008 qui, dans certaines scènes (aménagement du temps de travail, convention individuelle de forfait, compensation des heures supplémentaires, CET…), faisait émerger une nouvelle écriture utilisant la formule ayant inspiré le titre de la pièce : « un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, ou à défaut, une convention ou en accord de branche peut… » (loi 2008-789 du 20 août 2008 ; c. trav. art. L. 3122-2, dans sa version antérieure au 10 août 2016).
Cette nouvelle écriture ayant eu l'heur de plaire était reprise et amplifiée pratiquement dans toutes les scènes de la pièce qui traitaient du temps de travail avec l'intervention de la loi du 8 août 2016 (loi 2016-1088 du 8 août 2016).
Mais dans le réaménagement issu de ce dernier texte, le scénariste modifiait quelque peu sa vision initiale de la pièce en permettant, en l'absence des acteurs principaux de l'entreprise ou de la branche, de faire intervenir un « remplaçant » à titre supplétif. Toute la partie du code du travail consacrée au temps de travail était ainsi découpée en trois niveaux, ce qui est immuable dans les dialogues (partie ordre public), ce qui permet aux acteurs de pouvoir improviser, dans certaines limites toutefois tracées par les scénaristes, c'est-à-dire le champ de la négociation d'entreprise ou à défaut de branche, et enfin le troisième niveau, qui n'est que potentiel, qui n'apparaît qu'en cas d'échec des acteurs dans les zones de liberté qui leur ont été accordées. Le troisième niveau n'est là que pour éviter le vide, le trou noir, l'impossibilité de dialoguer et il permet de manière supplétive de définir la norme qui s'appliquera dans cette hypothèse supplétive.
Enfin, la nouvelle mise en scène née des ordonnances de l'automne 2017 n'allait pas modifier l'essentiel du script antérieur, mais seulement l'utiliser avec quelques retouches pour l'intégrer dans d'autres parties de la pièce qui, jusque-là, étaient restées à l'écart de ces réécritures successives (ord. 2017-1385 du 22 septembre 2017 ; ord. 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; ord. 2017-1389 du 22 septembre 2017).
Si la place et le rôle des acteurs du dialogue social étaient ainsi définis, encore fallait-il organiser les priorités d'intervention. La loi du 20 août 2008 dessinait l'idée que c'était bien dans
l'entreprise que la pièce devait se jouer, que la norme sociale devait s'élaborer et si possible avec le vrai partenaire, l'acteur syndical.
À l'approche de l'entracte, le décor est désormais planté, la scène se situe dans l'entreprise, le script est pratiquement définitif et « à défaut ou… en l'absence » se retrouve utilisé dans certaines parties de la pièce. Toutefois, les acteurs hésitent parfois quant au sens véritable à donner à la formule de l'auteur de la pièce. Même celui-ci ne le sait plus véritablement, jusqu'au moment où un nouvel acteur, dont le rôle n'était pas prévu dans le scénario initial, est entré en scène pour éclairer le sens à donner aux dialogues.
et en concluait que l'employeur ne pouvait, par une décision unilatérale, avoir recours au vote électronique qu'à l'issue d'une tentative loyale de négociation et lorsqu'un accord collectif n'a pas été conclu. Toutefois, la doublure n'a pas la même puissance de jeu que l'acteur principal syndical et cette obligation de négociation préalable ne s'étend pas à la négociation substitutive (cass. soc. 13 janvier 2021, n° 19-23533 FSPBRI). La presse spécialisée a commenté cette éviction de la doublure de l'acteur principal, considérant que cette décision n'était pas à l'abri de critiques (V. Armillei, « Vote électronique : contournement de l'obligation de négocier », JCPS n° 6 du 9 février 2021) ou s'est projetée d'ores et déjà dans toutes les scènes de la pièce (Florence Canut, « Le préalable obligatoire de négociation s'étend au recours au vote électronique », SSL n° 1941).
À ce point du déroulement de la pièce, l'énigme du titre commence à être levée et les spectateurs comprennent qu'il faut assister à la pièce avec l'acteur principal et bouder les représentations données avec les doublures.
Mais alors la question qui saisit la salle est de savoir si cet éclairage du titre de la pièce va concerner seulement certaines scènes ou la pièce toute entière.
En outre, certains scripts sont tout aussi étranges et devront donner lieu à des lectures interprétatives. Ce qu'ils ont en commun c'est qu'à l'issue d'une négociation préalable qui pourrait s'imposer quand il y a un délégué syndical, ce n'est pas une décision unilatérale qui peut être prise, mais la conclusion d'un nouvel accord avec un autre partenaire (le CSE), lequel peut pouvoir tenir le rôle de l'acteur principal. Il ne s'agit pas ici de la négociation substitutive, mais d'un autre acteur tout aussi compétent que l'acteur principal.
Les formulations utilisées dans ces scènes ne sont toutefois pas toutes les mêmes. Ainsi, on peut lire, s'agissant de la définition des établissements distincts, « qu'en l'absence d'accord d'entreprise et en l'absence de délégué syndical un accord entre l'employeur et le CSE » peut déterminer le périmètre et le nombre des établissements distincts (c. trav. art. L. 2313-3). On peut comprendre ici l'embarras des acteurs, car, s'il n'y a pas de délégué syndical, par définition, il n'y a pas d'accord d'entreprise. On peut aussi trouver une rédaction un peu similaire et surtout un peu plus claire s'agissant des consultations récurrentes du CSE, selon laquelle « un accord d'entreprise ou en l'absence de délégué syndical un accord conclu entre l'employeur et le CSE » peut modifier les modalités de ces consultations (c. trav. art. L. 2312-19). Cette même rédaction est utilisée pour les modalités de mise en place de la commission santé, sécurité et conditions de travail (c. trav. art. L. 1215-41). Ces rédactions sont plus claires en réservant l'intervention de l'acteur CSE dès lors qu'il n'existe pas de délégué syndical.
Enfin, et pour compléter les premières lectures du dialogue relatives au CSE, il faut aussi remarquer que ledit CSE peut être aussi l'acteur principal (et non évincé) pour la définition des établissements distincts en l'absence d'accord d'entreprise et de délégué syndical, ce qui postule alors que, dans cette situation, il est probable qu'une négociation avec le CSE devra avoir lieu avant la décision unilatérale de détermination des établissements distincts, ceci compte tenu de la rédaction de l'article L. 2313-4 du code du travail qui se réfère aussi à l'article L. 2313-3 dudit code qui a mis en scène le CSE. Dans cette hypothèse, il ne s'agit pas non plus de la négociation substitutive en l'absence de délégué syndical telle qu'elle résulte des articles L. 2232-22 et suivants du code du travail, mais il ne s'agit probablement pas non plus quand une négociation réussie d'un véritable accord collectif.
Nous sommes presque arrivés au terme de cette pièce et, comme il est d'usage, les acteurs viennent saluer le public avant le tombé final du rideau. Certes, le jeu des acteurs a été formidable, mais ils ont dû faire preuve parfois d'improvisation pour trouver les bonnes répliques à un certain nombre d'interrogations issues d'une rédaction parfois imprécise de certains dialogues.
Tout n'a pas été parfaitement écrit et il faudra sans doute de nouvelles lectures d'interprétation ou l'intervention de l'auteur de la pièce pour mettre de l'ordre dans le script de nombreuses scènes et permettre à chacun de jouer son rôle en connaissance de cause.
Peut-être qu'une nouvelle pièce sera écrite avec comme titre « À défaut… ou en l'absence : les clarifications ».