Feuillet Hebdo de la Revue Fiduciaire
La position de la jurisprudence
7-10
Se pose la question du sort des résultats qui ont été affectés par les associés en réserves lors de leur distribution par la société.
La Cour de cassation a jugé en 2009 que « les sommes portées en réserves constituent un accroissement de l'actif social revenant au nu-propriétaire. La distribution ultérieure ne saurait remettre en cause le principe de leur transmutation en capital.[…] Si le droit éventuel de l'usufruitier d'en obtenir la jouissance sous forme de quasi-usufruit n'est pas contesté, il apparaît que cette appréhension n'est que temporaire puisqu'à charge de restituer la somme à la fin de l'usufruit » (cass. com. 10 février 2009, n° 07-21806).
La jurisprudence ultérieure a confirmé cette position, et a précisé que le quasi-usufruit s'appliquait de droit (sauf volontés contraires des parties) en cas de distribution en numéraire (cass. com. 27 mai 2015, n° 14-16246). Le fait que le quasi-usufruit, et donc la créance de restitution attachée, soient en ces circonstances, considérés comme légaux permet de déduire de l'actif successoral taxable de l'usufruitier la créance de restitution égale aux réserves mises en distribution sous la forme du quasi-usufruit sans avoir à produire un document ayant date certaine. La production des procès-verbaux des assemblées générales ayant procédé à la distribution de réserves sera suffisante. Le résultat de la constitution du quasi-usufruit sur la distribution de réserves est alors la perception par l'usufruitier de la totalité des capitaux distribués sans que cette opération n'appauvrisse le nu-propriétaire qui percevra les sommes au plus tard par prélèvement, sans droits de succession, sur la succession de l'usufruitier.
Les réserves ont une vocation de capitalisation. Ainsi, il conviendra de constater une période d'accumulation de réserves pendant plusieurs exercices avant de procéder à leur distribution. L'année où il sera procédé à la distribution des réserves, la distribution portera en priorité sur le résultat de l'exercice et ce n'est que pour le surplus que la distribution portera sur les réserves distribuables. On pourra retenir un exercice au cours duquel le résultat courant sera limité. Faire transiter les résultats par le poste de réserves permet ainsi d'enrichir immédiatement l'usufruitier sans pour autant appauvrir le nu-propriétaire qui récupérera sa créance au décès de l'usufruitier.
Toutefois, un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation est venu semer le trouble en ce que, si celui-ci reconnaît bien que le nu-propriétaire a droit aux dividendes prélevés sur les réserves, il exclut le droit à quasi-usufruit de l'usufruitier (cass. civ., 1re ch., 22 juin 2016, n° 15-19471).
Si certains auteurs ont analysé ces décisions en n'y voyant pas de contradiction, dans le doute, il sera conseillé de fixer le sort des dividendes prélevés sur les réserves dans des clauses statutaires (voir § 7-11).