Gourmand (Vie Pratique)

Les rillettes d’été

C’est la préparatio­n dont tout le monde raffole à l’apéro. Mais en version industriel­le, on ne sait pas toujours d’où vient le thon, le saumon ou le porc, et elles sont bien souvent surdosées en sel et autres exhausteur­s de goût. Bonne nouvelle, c’est hyp

- Par Aurélie Michel

CÔTÉ MER Je choisis un poisson frais au goût caractéris­tique…

Les trois espèces qui se prêtent particuliè­rement bien aux rillettes ? Le thon, la sardine et le maquereau. Ce dernier est d’ailleurs le préféré du restaurate­ur Luc Zindel : « Je trouve que c’est ce qu’il y a de mieux en goût, car il faut un poisson de caractère ! » En effet, un poisson au goût moins marqué pourra donner des rillettes plus fades. Pourquoi ne pas y ajouter des épices ? Avec le risque toutefois qu’elles prennent le dessus sur le goût du poisson. Son maquereau, Luc l’achète souvent tout prêt, déjà fumé, « même s’il m’arrive de le fumer moi-même ». « Il y en a un que j’aime bien, c’est celui à la provençale, avec des olives et des petites tomates séchées. » Si on n’en trouve pas de tout prêt, on peut très bien ajouter soi-même des olives et des tomates séchées en morceaux, achetées séparément.

… ou en conserve

On y retrouve, là encore, le maquereau (le plus souvent au vin blanc), le thon et la sardine (à l’huile). Luc choisit des sardines un peu pimentées : « Elles ont du goût et ne deviennent pas fades quand on ajoute du beurre. Parfois je mélange aussi maquereau et sardine, c’est top. On peut également les relever avec des épices, comme du masala. » D’ailleurs,

à deux pas de chez lui, la conserveri­e La Lumineuse vend des sardines bien relevées. Bien sûr, on peut choisir d’autres espèces pour préparer nos rillettes, comme des poissons gras (saumon, truite…). Ils peuvent être achetés frais et entiers : il faudra alors les cuisiner avant de les transforme­r en rillettes.

S’il est frais, on le cuit

Si on achète son poisson entier plutôt que sous vide ou en conserve, il va falloir le cuisiner au préalable… mais pas n’importe comment ! « Il faut donner un peu de caractère au poisson, explique Luc, par exemple en le grillant. Si on se contente de le pocher, les rillettes risquent d’être fades. » En fonction des saisons, il y a vraiment de quoi se régaler : « Au printemps, on trouve des lisettes, ce sont des maquereaux gros comme le pouce qui ressemblen­t à de longues sardines, poursuit Luc. Et en septembre, des bonites, qui sont des “cousines” du thon. On les fait griller avec un peu d’huile d’olive, au barbecue par exemple. Puis, une fois refroidis, on les effiloche et c’est le bonheur ! Dans les rillettes de bonite, je mets moins de beurre : elles sont donc un peu plus sèches, mais c’est très bon comme ça. » Quand la peau est fine, on peut la laisser : il faut juste veiller à bien enlever l’arête dorsale, l’arête centrale, la tête et la queue. La peau du maquereau fumé, elle, s’enlève toute seule.

On ajoute la matière grasse

Une fois le poisson prêt, il suffit de le couper en plusieurs morceaux et de les déposer dans un saladier. On va ensuite y ajouter une matière grasse. Dans les cuisines de Luc, c’est le beurre. « Pour 500 g de maquereau, il faut compter environ 200 à 350 g de beurre. Il doit être pommade pour bien se mélanger : cela donnera plein de morceaux de maquereau, avec le côté onctueux du beurre… super agréable à manger ! » Le chef ajoute aussi un peu de crème liquide pour lier le tout. On peut sinon remplacer le beurre par du fromage frais. « À la maison, il m’arrive d’en faire avec du fromage frais de chèvre : avec des échalotes et de la ciboulette, c’est parfait ! »

On assaisonne et on mélange

De ce côté-là, on peut se faire plaisir ! On pense à glisser quelques herbes fraîches (ciboulette, thym frais…), une cuillerée à café d’alcool (cognac, pineau…) et du poivre ! « J’en mets plusieurs : du poivre de Sichuan, qui est bien parfumé, mais aussi

du poivre Timut : il a un petit goût de pamplemous­se qui va super bien avec les rillettes. Il donne beaucoup de parfum. » On pense également au poivre vert, celui que l’on trouve en boîte dans du jus (mais sans le jus, qui est très fort !). La petite touche finale du restaurate­ur ? Des graines de sésame rôties « à la poêle, ça grille très vite » ! Parfois, on ajoute aussi du citron. Pour finir, on mélange le tout à la fourchette… mais pas trop si on aime les morceaux, comme Luc : « Je ne mélange pas trop longtemps, juste le temps que le maquereau se détache et qu’il y ait plein de morceaux de chair… sinon ça va ressembler à une mousse. » Du reste, c’est une affaire de goût : certains y vont même avec le mixeur plongeant pour obtenir quelque chose de très émulsionné. Pour la conservati­on, on pourra les placer dans des petits pots en verre.

CÔTÉ VIANDE On achète du porc et du saindoux

Deux incontourn­ables pour faire des rillettes : de la viande et de la graisse de porc fondue, le saindoux. On trouve les deux chez son boucher charcutier ou en grande surface. Chez Simon Haye, on s’inspire du grillon charentais et on choisit de l’épaule. « On la découpe en gros morceaux, disons en cubes de 4 cm, explique-t-il. Puis on fait chauffer du saindoux dans le fond d’un grand faitout et on fait blanchir la viande pour enlever l’eau. Pas très longtemps, il ne faut pas que ça colle au fond. » Ensuite, Simon ajoute un oignon et deux gousses d’ail, pas plus. « Nous, l’assaisonne­ment, on le fait surtout à la fin de la cuisson. Mais on peut bien sûr mettre un bouquet garni avec du thym et du laurier, une carotte, un poireau… »

On laisse confire longtemps

Pour cela, il va falloir laisser cuire la viande à couvert. La températur­e idéale se situe autour de 70-80 °C ; pour davantage de précision, une sonde s’avérera utile. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut la laisser cuire ainsi durant de longues heures. « Difficile de donner une indication de temps… Chez nous, avec nos équipement­s profession­nels, la viande cuit à peu près 20 heures. La durée sera déterminée par la quantité de morceaux que l’on veut. Si on les cuit très longtemps, on va vraiment avoir des filaments. On sait que c’est prêt lorsqu’on prend un morceau de viande et qu’il se défait. » Une fois la cuisson terminée, il va falloir retirer les morceaux de viande du faitout. « On les met de côté avec une araignée », sorte de louche avec des trous. Puis on les écrase « à la fourchette ou à la main, mais attention, dans ce cas, mettez des gants car ça peut être chaud ». Dans le faitout, il va rester deux choses : au-dessus, le gras (le saindoux), et en dessous, le jus de cuisson.

On assaisonne le jus de cuisson

C’est d’ailleurs lui qu’on va assaisonne­r, avant de le mélanger à la viande. Avec du sel, notamment. « Chez nous, c’est du sel de mer de l’île d’Oléron. En terme de quantité, il faut compter entre 11 et 18 g de sel par kilo de viande cuite. Nous, on met le

minimum, c’est un choix. » Comme pour les rillettes de poisson, le poivre a aussi son importance : comptez 3 à 5 g par kilo. « Pour jouer avec les saveurs et obtenir différents profils gustatifs, on peut mélanger plusieurs variétés de poivre : noir (piquant, relevé…), blanc (un peu plus doux)… »

On maîtrise l’ajout de gras

C’est lors de cette ultime étape que l’on va pouvoir déterminer la quantité de gras de ses rillettes. À la Villa Marthe, le parti pris, c’est d’en mettre le moins possible. « Nos rillettes s’inspirent du grillon charentais, la spécialité d’ici, précise Simon. Elles sont maigres, avec de gros morceaux de viande. » Afin d’obtenir ce type de rillettes maigres, il suffit d’ajouter du jus de cuisson à la viande, mais pas de gras. Et pour mettre le saindoux de côté, c’est simple : on incline la marmite et on le vide dans un autre récipient (ou on s’en débarrasse si on n’en veut pas du tout). Il va ensuite nous rester le jus de cuisson. Une fois assaisonné, on vient le verser sur la viande confite, qui va le pomper. « Attention, ce n’est pas parce que l’on n’ajoute pas de saindoux que les rillettes vont être sèches. On peut avoir des rillettes maigres, mais qui sont quand même moelleuses, grâce, justement, à l’ajout du jus de cuisson. En terme de texture, ça peut aller du sec au très moelleux : à nous de doser comme on le souhaite. » Et si l’on préfère des rillettes plus grasses, il nous suffit d’ajouter du saindoux (et moins de jus). « Tout l’intérêt, c’est de pouvoir doser la quantité de gras en fonction de ce que l’on recherche comme produit final. » Une fois la viande mélangée au jus et/ou au saindoux, on malaxe le tout à la main ou à la fourchette. Si on veut moins de morceaux et plus de filaments, on détache encore plus la viande avec les doigts.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France