Gourmand (Vie Pratique)

Je fais mon pain maison

C’est loin d’être mission impossible, même sans robot ! Farine, eau, sel, huile de coude et patience… voilà qui suffit à s’improviser boulanger. Prêt à mettre la main à la pâte… à pain ?

- Par Aurélie Michel

Le pain, en France, c’est sacré ! Selon l’étude « Les Français et le pain » réalisée par l’institut QualiQuant­i, 92 % d’entre nous en ont toujours à la maison. Dans le top 3 de nos favoris, on retrouve la baguette tradition, la baguette classique et le pain aux graines. Des pains que nous achetons le plus souvent chez notre petit artisan... Une habitude tellement ancrée dans notre quotidien qu’on finit par oublier qu’il est tout à fait possible de faire son propre pain. Oui oui, avec ses dix petits doigts – pas forcément besoin de robot – et son four ! Il y a vraiment de quoi s’amuser (après tout, enfant, on adorait faire de la pâte à sel !) et se régaler. Farine, sel, levure, eau, voilà grosso modo tout ce qu’il nous faut. La recette de base consiste à pétrir la pâte au robot ou à la main, à la laisser lever, à la dégazer, à la laisser de nouveau lever… et hop, au four ! Voilà pour la version résumée. Car mieux vaut en vérité connaître quelques astuces pour obtenir un résultat vraiment satisfaisa­nt. Eh oui, on ne veut pas seulement qu’il soit mangeable, notre pain, on veut surtout qu’il soit délicieux ! Et pour ça, on fait aujourd’hui appel à une experte en la matière : Marie Chioca, coauteure du livre « Les Secrets de la boulange bio », (éd. Terre Vivante).

FARINE DE BLÉ

Elle reste bien sûr un classique : en plus d’être peu coûteuse, elle lève très facilement. On la trouve classée de T45 à T150. « Il s’agit du taux de son qu’elle contient. Pour faire simple, plus le nombre est élevé, plus la farine est complète. En ce qui concerne celle de blé, la T150 est intégrale, la T110 est complète et la T80 est demi-complète. En deçà de 80, c’est de la farine blanche », précise Marie. C’est la plus facile à manipuler, au point qu’avec elle, on réussit son pain presque à tous les coups. Elle présente aussi l’avantage de pouvoir se travailler seule (contrairem­ent à certaines farines de céréales qui doivent être mixées à d’autres). On trouve aussi maintenant des farines de blé enrichies en graines et céréales (notamment en magasin bio).

ET LES AUTRES ?

C’est bien de varier les goûts, mais aussi de diminuer sa consommati­on de gluten. « Le blé, à partir du XXe siècle, a été hybridé à outrance afin d’accroître sa production et de renforcer sa teneur en gluten, ce qui lui permet de mieux lever en boulangeri­e », explique Marie Chioca. D’autres céréales que le blé contenant moins de gluten, vous dites… ? On veut des noms ! Commençons par le grand épeautre. Ce cousin du blé, contrairem­ent à lui, n’a pas été hybridé (ou peu).

On peut tout à fait remplacer la farine de blé d’une recette par celle de grand épeautre, et vice versa. Il y a également le petit épeautre, tout aussi digeste. « L’épeautre a un bon petit goût de noisette qu’on ne trouve pas dans le blé », précise Marie.

EAU ET TAUX D’HYDRATATIO­N

On peut utiliser l’eau du robinet, mais si elle est trop chlorée, elle peut perturber la levée, « car le chlore peut tuer les petites bactéries de la levure. C’est une des causes d’échec en boulange, et certaines personnes finissent par se décourager… » Dans ce cas, trois solutions. La première : laisser l’eau dans un saladier ouvert pour que le chlore s’évapore. La seconde, faire bouillir l’eau, à condition de bien la laisser refroidir ensuite, sous peine de tuer la levure. Sinon, on peut aussi acheter de l’eau en bouteille, « n’importe laquelle, même la moins chère », indique Marie. Quoi qu’il en soit, il est important de bien respecter la proportion eau/farine. Le taux d’hydratatio­n doit être de 60 % pour une farine de blé (ou de grand épeautre) de type T55 ou T65, et de 64 à 68 % pour les plus complètes jusqu’à l’intégrale.

AGENT LEVANT ET SEL

Comme la brioche ou la pizza, le pain est une pâte qui fermente : il faut donc se procurer de la levure de boulanger. Elle peut être fraîche (petits cubes qu’on trouve au rayon frais ou chez le boulanger) ou sèche (granulés en sachet, au rayon farine). « Je n’ai pas de préférence, les deux fonctionne­nt bien », note Marie Chioca. Certaines s’avèrent plus satisfaisa­ntes que d’autres : pas de secret, il faut en tester plusieurs pour trouver celle qui nous convient. Il est tout à fait possible de remplacer dans une recette la fraîche par de la sèche (et inversemen­t), à condition d’utiliser deux fois moins de levure sèche. Dans les deux cas, on la diluera dans un liquide tiède. Et quand on dit tiède, c’est tiède ! Une eau chaude (plus de 45 °C) détruirait la levure et empêcherai­t donc le pain de lever (ce serait dommage, non ?), tandis qu’une eau froide (moins de 30 °C) ralentirai­t le processus… Pour en finir avec les ingrédient­s, n’oublions pas le sel, essentiel ! En plus de relever le goût du pain, il joue aussi un rôle dans la bonne tenue de la pâte. « Si on ne met pas de sel ou pas assez, la levure va s’en donner à coeur joie. Le pain va lever, lever, lever… et au moment où on va l’enfourner, pouf, il va se dégonfler ! Le ratio à respecter, c’est 10 g pour 500 g de farine. »

LE PÉTRISSAGE

« On pétrit pour étirer le gluten, ce qui donne à la pâte à pain une texture très aérée, très filante et donc une belle mie. » L’idéal, c’est d’utiliser un robot pétrisseur. Il n’y a qu’à mélanger la farine et le sel avant d’ajouter l’eau. Quand la pâte commence à se détacher du bol, c’est que le pétrissage commence. Comptez

7 à 10 minutes à vitesse lente. Ne pétrissez surtout pas plus qu’il ne faut ! Et à la main, c’est possible ? Bien sûr ! C’est juste un peu plus physique, on l’aura deviné… Sur un plan de travail propre, on forme un puits dans le mélange farine et sel, puis on verse ensuite l’eau et la levure au centre. Côté technique, pas question d’écrabouill­er la pâte de toutes ses forces avec ses poings, ce qu’on a tendance à faire quand on débute… Non, on doit l’étirer puis la rabattre plusieurs fois de suite, de façon à obtenir une pâte douce, souple, élastique, de moins en moins collante… jusqu’au moment où, ô miracle, elle se détache du plan de travail. Là aussi, comptez 10 minutes mais guère plus : trop pétrir une pâte, c’est risquer de perdre sa texture élastique.

LA LEVÉE LENTE (À LA PLACE DU PÉTRISSAGE)

« Dans ce cas, il faut préparer sa pâte à pain très à l’avance et la laisser lever 12 heures au frais et non pas 1 h 30 à températur­e ambiante. Lors de cette levée lente, la pâte va s’améliorer. Il faut également l’hydrater davantage. Le résultat est tout aussi bon ! » Si on ne respecte pas ces deux conseils, le pain sera dur, sec et sans croûte. Pour un pain sans pétrissage, la farine de petit épeautre s’avère idéale. « Comme elle contient très peu de gluten, rien ne sert de trop pétrir la pâte. C’est donc un pain facile à faire, top pour qui n’a pas de robot ! Il sera très moelleux, avec une mie jaune, un peu serrée. »

PREMIÈRE LEVÉE ET DÉGAZAGE

On place notre grosse boule de pâte dans un saladier fariné (ou huilé), qu’on recouvre d’un torchon mouillé. Ce dernier va permettre à la pâte de ne pas sécher. On laisse le tout dans un endroit tiède, sans courant d’air. En fonction de la températur­e de la

pièce, elle va lever plus ou moins vite : 1 heure à

1 h 30 dans une pièce tiède à quelque 5 heures dans une pièce fraîche. Une fois que la pâte a doublé de volume, place au dégazage afin d’évacuer les bulles d’air produites par la fermentati­on de la levure. Toujours sur un plan de travail fariné, on appuie légèrement sur la pâte. « Les levures agissent une fois : c’est la première levée. Là, on va les “énerver” en aplatissan­t le tout, ce qui va faire qu’elles vont s’activer de plus belle ! »

FAÇONNAGE ET SECONDE LEVÉE

Après avoir façonné sa pâte (baguette, boule, pain long…), place à la seconde levée de la pâte, étape aussi appelée apprêt. On la place par exemple sur une plaque de four farinée recouverte d’un torchon sec. Pendant ce temps-là, on préchauffe son four au maximum (240 à 260 °C), en mode chaleur statique et surtout pas tournante. « La circulatio­n d’air peut faire dégonfler la pâte. C’est d’ailleurs pour éviter les courants d’air qu’on la couvre avec un linge quand on la laisse lever. » Une exception, toutefois : quand on cuit le pain en cocotte (là, la pâte est protégée par le couvercle). Quand le pâton a quasiment doublé de volume, il est temps de l’enfourner. Un indice : quand on enfonce son doigt, il reprend sa forme quasi instantané­ment. Avant cela, deux gestes à adopter. Le premier : on incise le pâton avec un couteau à dents, de façon à former des grignes d’environ 1 cm. Loin d’être seulement décorative­s, elles servent à « libérer » la pâte. Puis on place le pâton au plus bas du four. En effet, il faut que la chaleur arrive du bas.

LA CUISSON

Au moment d’enfourner, on verse de l’eau bouillante dans un plat posé directemen­t au fond du four. C’est ce qu’on appelle le « coup de buée ». C’est le secret pour obtenir une croûte bien croustilla­nte… La forte chaleur du début sert à bien faire gonfler le pain. Après quelques minutes, il faut cependant la ramener aux alentours de 180 °C, afin de permettre la cuisson à coeur. En fin de cuisson, on peut d’ailleurs baisser jusqu’à 125 °C si le pain paraît déjà bien foncé. Il est important de toujours surveiller la cuisson et de ne jamais ouvrir la porte !

On reconnaît un pain bien cuit à sa croûte dorée et à la légèreté de sa mie. Avant de se jeter dessus (oui, on sait bien que c’est tentant…), on le laisse complèteme­nt refroidir sur une grille ou une planche en bois. Le pain se conserve très bien enveloppé dans un torchon.

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