Gourmand (Vie Pratique)

La fausse viande

OU LE PARADOXE DE NOTRE ÉPOQUE ?

- Par Morgane Leclercq

Lubie de bobos ? Vraie alternativ­e à la souffrance animale ? Progrès de la science ? Quelles que soient les raisons qui se cachent dessous, on ne peut plus ignorer ces produits de nos rayons qui imitent les caractéris­tiques de la viande… mais qui n’en sont pas.

60 de la viande % consommée d’ici à 2040 sera artificiel­le. Autrement dit, créée à partir de végétaux ou de produits de synthèse. Ce n’est pas nous qui le disons, mais le très sérieux cabinet américain AT Kearney. Si l’on semble en être loin en France, force est de constater que les produits estampillé­s « fausse viande » se multiplien­t pourtant dans les rayons, à côté des traditionn­els morceaux de boeuf ou filets de porc. Pour mieux cerner les tenants et les aboutissan­ts de ces nouveaux arrivants en supermarch­é, on est allé voir le chargé de développem­ent en France de l’une des marques pionnières aux États-Unis, et aujourd’hui disponible chez Monoprix ou encore Casino : Beyond Meat (littéralem­ent : « au-delà de la viande »).

Un produit végétarien… pas pour les végétarien­s

Bien que la dimension veggie soit mise en avant sur les packagings, ce ne sont pourtant pas les végétarien­s qui sont visés, comme nous le confirme Morgan Tsihlis, chargé de développem­ent pour la plateforme Mybeyond.fr.

Il faut dire que les végétarien­s ne représente­nt réellement que 2,5 % de la population, un marché de niche. Mais alors, qui vise-t-on ? Les flexitarie­ns. Vous savez, ces consommate­urs qui cherchent à manger beaucoup plus régulièrem­ent des repas sans viande tout en ayant les mêmes apports en protéines, notamment. « Une cible bien plus large à qui l’on propose un produit plaisir », précise Morgan. Ces flexitarie­ns représente­nt pas moins de 11 % de la population, un chiffre qui ne cesse de progresser.

Un marché juteux…

Pour le moment, Beyond Meat

propose sur le marché français du faux steak et des fausses saucisses. Prochaine arrivée ? Le faux haché. Un produit qui risque de séduire ces nouveaux consommate­urs. On pourrait dire que les flexitarie­ns suivent l’adage « dépenser plus pour manger mieux ». Et ça, les industriel­s l’ont bien compris. Pour être en adéquation avec leurs conviction­s (réduire la souffrance animale et respecter la nature, entre autres choses), les flexitarie­ns sont prêts à y mettre le prix. La preuve avec plusieurs produits qui frôlent les 30 euros le kilo. Ce n’est donc pas moins cher que la viande. Seulement, comme tout marché qui attire les convoitise­s, plus il y a d’acteurs, plus on tend vers une guerre des prix. Chacun essaie de tirer son épingle du jeu. Conscient de cet enjeu, Beyond Meat a ouvert aux Pays-Bas une entreprise qui utilise des pois cultivés en France. Ce recentrage européen va permettre de baisser les prix à la caisse en début d’année grâce aux moindres importatio­ns.

… savamment financé

Comme toujours quand on remonte le fil des tendances alimentair­es, il faut se tourner vers les États-Unis et, plus précisémen­t, la Californie. « En 2020, 314 millions de dollars ont été investis dans ce marché avec plus de 60 start-up au niveau mondial », précise Freddy Thiburce, fondateur de Manger du sens. Et du côté des fonds d’investisse­ment, sans surprise, on retrouve les plus gros acteurs de la Silicon Valley, comme l’un des fondateurs de Facebook. Éric Birlouez, agronome et sociologue de l’alimentati­on, n’est pas surpris : « Ce sont des industries qui cherchent les marchés de demain et, avec bientôt 10 milliards d’individus, l’alimentati­on, plus particuliè­rement la protéinée, est au coeur des préoccupat­ions. »

Un glissement des mentalités

La baisse de la consommati­on de la viande n’est pas récente. « Dans les années 1980, alors qu’elle était jusque là un marqueur de réussite sociale, son accessibil­ité à tous l’a rendue moins attrayante pour les classes les plus aisées », explique Éric. Pour l’ensemble des produits carnés, la baisse est là depuis 1998.

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