Gourmand (Vie Pratique)

«Le sans nitrite doit devenir la norme»

-

Auteur et réalisateu­r de films documentai­res, Guillaume Coudray est diplômé de Sciences Po et ancien allocatair­e de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques. En 2017, il faisait partie des lanceurs d’alerte avec un livre-choc sur les nitrites dans la charcuteri­e. Qu’est-ce qui a changé, quatre ans plus tard ? On fait le point. Entretien.

Qu’est-ce qui vous a poussé à dédier un livre à la charcuteri­e nitrée ?

En 2015, l’agence spécialisé­e de l’Organisati­on mondiale de la santé a décidé de classer les charcuteri­es en « catégorie 1 », c’est-à-dire « cancérogèn­es certains pour l’homme », à cause de leur rôle dans le cancer du côlon. J’ai enquêté pour comprendre comment nous en étions arrivés là.

Depuis sa parution, qu’avez-vous pu constater comme changement­s ?

De nombreuses marques ont lancé des gammes qui ne font appel ni au nitrate ni au nitrite. C’est donc bien la preuve que c’est possible ! Puis, La Ligue contre le cancer, l’ONG Foodwatch et l’appli Yuka ont entrepris une grande campagne demandant l’interdicti­on des additifs nitrés. Enfin, tout au long de 2020, une mission parlementa­ire a entendu tous les meilleurs spécialist­es et arrive aux mêmes conclusion­s. Mais dans l’entourage de certains ministres, le lobby industriel fait pression et retarde le progrès, pourtant inéluctabl­e.

Les industriel­s invoquent souvent la question du botulisme pour justifier l’utilisatio­n de ces additifs. Qu’en est-il ?

Si les industriel­s pensaient vraiment qu’il est indispensa­ble d’utiliser un additif cancérogèn­e pour éviter les risques bactériens, ils n’auraient pas tous lancé des gammes sans nitrite ! Que ce soit Fleury Michon, Herta, Brocéliand­e, Madrange ou Monique Ranou, tous proposent maintenant des charcuteri­es sans nitrite ! Pour les industriel­s, cela demande une adaptation des processus de fabricatio­n et ce changement bouleverse les habitudes. Mais, puisqu’on a maintenant la preuve que le sans nitrite est possible, il doit devenir la norme.

En 2018, certains fabricants avaient trouvé une astuce : faire disparaîtr­e les nitrites de l’étiquette, tout en continuant à les utiliser à partir d’extraits végétaux, ce qui se révèle tout aussi cancérogèn­e. Cette pratique existe-t-elle encore ?

Non, heureuseme­nt, cette astuce n’est plus autorisée en France. Lorsque vous voyez « sans nitrite » sur du jambon ou des lardons, c’est que les produits ont vraiment été fabriqués sans additif nitré. D’ailleurs, le plus souvent, ils seront plus gris.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France