4 EN LIGNE OU V4 ?
Il y a deux confi gurations possibles pour les moteurs des MotoGP 1000 cm3 : 4 en ligne ou V4. Yamaha s’est souvent fait le fervent défenseur de la première confi guration, Honda de la deuxième. Nous avons bien d’autres exemples de ces deux écoles de pensée : les moteurs SBK de Kawasaki et BMW, adoptés aussi par les CRT, sont des 4- cylindres en ligne. Ducati et Aprilia, quant à eux, ont toujours préféré le V4. Seul Suzuki, après un moment de réfl exion, a changé de solution technique, en « délaissant » le V4 au profi t d’un nouveau 4 en ligne, avec lequel l’usine japonaise a l’intention de se présenter à nouveau en MotoGP, mais en 2015 cette fois. Cet exemple pourrait à lui seul suggérer une conclusion et un choix évidents entre ces deux architectures moteur... Ce n’est bien sûr pas si simple. D’abord, il est important de noter que plusieurs marques tiennent à respecter leurs choix industriels en ce qui concerne la production de série. Ducati a toujours eu plus d’affi nités avec les moteurs en V ( ses nombreux bicylindres et ses 1 200 exemplaires de Desmosedici replica pour la route l’attestent). Aucun amateur de motos sportives ne s’attendrait à voir débarquer une Ducati motorisée par un 4- cylindres en ligne. Yamaha, au contraire, a presque toujours proposé des moteurs avec des cylindres en ligne, exceptés quelques modèles de tourisme et des customs de style US. Côté supersportives en revanche, des FZR aux nombreuses R6R7- R1, elles ont toujours été équipées de 4- cylindres en ligne. Aprilia, de son côté, continue sur le chemin des moteurs en V étroits. Que ce soit pour les anciens bicylindres ou pour les actuels 4- cylindres ( SBK et ART en MotoGP), on constate que le V ouvert à 65° entre les deux rangées de cylindres est toujours d’actualité. Peut- être plus que les autres, Kawasaki reste fi dèle à sa production, car hormis ses customs, tous les autres modèles sont équipés, à ma connaissance, de cylindres en ligne. De son côté, Honda peut tout faire. Comme d’habitude, me direz- vous. Des V4, des V5, des 4 en ligne... Bref, des moteurs de tous types. C’est ainsi que l’usine a réalisé un V4 en prenant un maximum de liberté, en changeant par exemple l’angle compris entre les deux rangées de cylindres. Il est sûr que le choix d’une motorisation à cylindres alignés permet de faire des économies, argumentation qui est toujours en tête dans la liste des priorités. Avec deux arbres à cames, il n’y a qu’une seule rangée de cylindres et la distribution est aussi plus simple. Dans un V4 au contraire, il y aurait quatre arbres à cames. En revanche, le 4 en ligne est handicapé au chapitre aérodynamique, le moteur – et par conséquent la moto – étant évidemment plus large. Une donnée qui peut poser problème en MotoGP où la vitesse est capitale ( rappelons que ces machines dépassent les 300 km/ h). Sur les moteurs en V ouverts à 90°, pas besoin d’arbres de renvoi. Et comme tout ce qui n’existe pas n’a pas de friction, n’a pas de poids, ne coûte rien et ne se casse pas, la solution semble intéressante. Sur les 4 en ligne avec détonations rapprochées, chez Yamaha et Suzuki notamment ( on dit souvent de manière inappropriée « big bang » ) , on a besoin d’arbres de renvoi pour limiter les vibrations, afi n de délivrer une puissance plus gérable, chose dont un 4 en ligne « screamer » ( soit à détonations régulières) n’a pas besoin. Avec les moteurs V4, on exploite mieux le volume laissé au centre du V. En effet, il est plus facile d’obtenir une grande boîte à air avec des conduits d’aspiration très droits entre les deux rangées de cylindres. L’effi cacité générale est accrue et on obtient soit plus de puissance, soit une moindre consommation. Pourquoi alors Yamaha et Suzuki ( entre autres) continuent- ils de travailler sur le moteur en ligne ? Parce que, j’en suis convaincu, il y a un avantage dû à l’arbre intermédiaire qui – interposé entre le vilebrequin et l’arbre primaire de la boîte de vitesses – impose au vilebrequin une rotation inverse à celle des roues. En tournant « à l’envers » , l’effet gyroscopique du vilebrequin annule partiellement celui des roues, et rend la conduite plus neutre. C’est en partie grâce à cela que les Yamaha sont plus « smooth » , c’est- à- dire plus faciles à piloter. Demain, l’engagement renouvelé de Suzuki en MotoGP pourrait inspirer une confi guration similaire pour les motos de série dérivées de la machine que nous verrons courir en 2015. Du point de vue technique, ce choix serait tout à fait naturel. Il est en effet encore très improbable qu’on puisse transférer sur les motos de série des solutions techniques poussées, comme la distribution de soupapes pneumatiques ou les boîtes seamless. Trop cher, trop complexe. En revanche, une mécanique équipée d’un arbre intermédiaire imposant un mouvement contrarotatif du vilebrequin par rapport aux roues, reste une solution envisageable sur une base industrielle car son coût serait bien moindre. Ces avantages n’ont pas convaincu Honda, Ducati et Aprilia à changer de philosophie. Ducati poursuit son engagement en MotoGP avec son V4 à 90°, Aprilia avec son V4 à 75°, et Honda a modifi é son V4 l’année dernière, en le portant à 90°, et en allant ensuite encore bien au- delà. Carrément au- delà des paramètres connus pour les moteurs de Formule 1, en projetant un moteur avec des bielles très courtes et des soupapes avec des tiges également courtes, pour obtenir des culasses et des cylindres très petits. De cette façon, Honda a conçu une mécanique très compacte qui améliore la centralisation des masses, ainsi qu’une partie- cycle plus effi cace offrant plus de liberté dans le positionnement avancé du moteur et du centre de gravité vers la roue avant. Un moyen de réchauffer le pneu avant Bridgestone ( un problème récurrent chez Ducati...) et rendre la moto plus agile ( donc plus rapide) en entrée dans le virage. Avec des bielles courtes, l’angle pousse le piston contre les parois du cylindre en produisant plus de friction, de chaleur, et en réduisant ainsi la puissance. Mais la priorité n’était pas celle- ci. À ce sujet, revenons sur la déclaration de l’ingénieur Shuhei Nakamoto, vice- président du Honda HRC : « Nous avons projeté un nouveau moteur, en élargissant le V à 90°, simpleme nt pour aider la remise en place du centre de gra vité. » En clair, pour avoir une meilleure partiecycle, puisque c’est le moteur qui « fait » la partie- cycle, la caractérise, la favorise s’il a une bonne puissance, ou au contraire la désunit s’il est trop nerveux ou trop explosif. Quelle est, fi nalement, la meilleure solution ? Du point de vue du moteur, je pense que le V4 est le meilleur compromis au niveau des prestations. Mais si on considère plutôt la partie- cycle, le 4- cylindres en ligne me semble préférable dans la mesure où il peut faire tourner à l’envers le vilebrequin. Ou un 3- cylindres, toujours en ligne, comme ce que j’avais souhaité pour l’Aprilia Cube MotoGP. Honda, avec sa RCV, semble avoir en ce moment la moto la plus compétitive, grâce à l’indispensable harmonie entre tous les composants et le style de ses pilotes. Et la meilleure solution est toujours celle qui gagne.
HONDA A MODIFIÉ SON V4 AU-DELÀ DES PARAMÈTRES CONNUS POUR LES MOTEURS DE FORMULE 1