GP Racing

MARQUEZ IL L’A FAIT !

- Par M. Turco. Photos J.-A. Museau.

Grâce à son immense talent, aux erreurs de ses adversaire­s, et à la réussite qui accompagne toujours les grands exploits, Marc Marquez a réussi son incroyable pari en devenant champion du monde dès sa première saison en MotoGP. Cela faisait trente-cinq ans que l’on n’avait plus assisté au sacre d’un rookie dans la classe reine des Grands Prix.

« NOUS NE SOMMES QUE DES HUMAINS, TOUT LE MONDE PEUT FAIRE UNE ERREUR » MARQUEZ

Dimanche 10 novembre, Freddie Spencer a été l’un des premiers à féliciter Marc Marquez sur son compte Twitter. « Je ne pourrais être plus heureux pour toi ! Profi te de ce moment ! » , a écrit la légende américaine à celui qui venait de lui ravir le record qu’il détenait depuis vingt ans, en devenant, à 20 ans et 266 jours, le plus jeune champion du monde en classe reine des Grands Prix. Lorsqu’il avait été sacré à Imola, en 1983, Spencer était âgé de 21 ans et 258 jours. Et il disputait par ailleurs sa seconde saison au guidon de la 500 Honda NS. Marc Marquez a, lui, été sacré dès sa première saison avec le team Honda Repsol et la RC 213 V. Un exploit que plus aucun pilote n’avait accompli depuis Kenny Roberts en 1978. Succéder à ces deux dieux de la course moto est loin d’être anodin. Non, Marc Marquez n’est pas un garçon comme les autres. Emilio Alzamora, qui lui a mis le pied à l’étrier alors qu’il était âgé d’une douzaine d’années en convient. L’ancien champion du monde 125 se souvient d’un gamin très différent des autres apprentis pilotes. « Quand nous étions sur un circuit, il était toujours fourré dans le garage ou dans le camion, avec ses mécanicien­s ou sa famille. Il n’était pas du genre à tourner en rond dans le paddock en cherchant un truc à faire comme la plupart des gosses de son âge. Il voulait tout comprendre car il avait une énorme envie d’apprendre. Il était très attentif aux conseils que je pouvais lui donner et il mettait immédiatem­ent en applicatio­n ce que je lui demandais de faire sur la piste. Marc a toujours été une éponge. » Contrairem­ent à Rossi, Marquez n’a pas grandi aux côtés d’un père pilote. Le sien, Julia, était juste un membre très actif du moto- club Segre, du nom de la rivière qui relie son village de Cervera à la ville de Lleida. « Marc a pratiqueme­nt su faire de la moto avant de savoir marcher, témoigne le paternel. Comme pour son frère cadet ( Alex, qui court en Moto3), l’objectif n’était absolument pas d’en faire un pilote. Nous avions juste envie de nous amuser tous ensemble en famille. » Le destin, ou plus exactement Emilio Alzamora, les a rattrapés. Natif de Lleida, commune voisine de Cervera, l’ancien champion catalan a vite repéré le talent naturel du gamin. À la tête de l’école Monlau Competicio­n – fabrique de pilotes et de mécanicien­s –, il l’a pris sous son aile avec le blanc- seing de ses parents. « Il était tout petit et c’était diffi cile pour lui de rouler sur une 125, témoigne Emilio. C’est ce qui l’a aidé à développer son habileté. Il devait rester très précis sur ses trajectoir­es pour garder le contrôle de la moto. » En montant sur le podium de la première course de la saison, au Qatar, et en remportant quinze jours plus tard son premier GP au Texas, Marc Marquez s’est vite affi rmé comme un candidat potentiel au titre de champion du monde. « J’ai mis du temps à penser au titre car ce n’était pas l’objectif, se défend- il. Ni le mien, ni celui de Honda. J’étais là pour apprendre et progresser. C’est ce que nous

avons essayé de faire ensemble. J’ai eu la chance de me sentir bien sur la moto dès les premiers tests et d’avoir autour de moi une super équipe qui m’a aidé à comprendre et à progresser. Le titre, j’ai commencé à y penser à la fin de l’été. Quand j’ai gagné à Indianapol­is et à Brno alors que Jorge et Dani étaient revenus physiqueme­nt à leur niveau, je me suis dit qu’on pouvait faire quelque chose. » Talentueux, Marquez a été aussi chanceux. Victime de quinze chutes – six pour Pedrosa et seulement trois pour Lorenzo –, l’époustoufl ant rookie n’a souffert que d’un doigt abîmé au Mugello et d’une luxation de l’épaule à Silverston­e quand ses deux adversaire­s se sont cassé une clavicule au plus mauvais moment. « J’ai eu de la chance de ne pas me blesser plus gravement, notamment quand je suis tombé au bout de la ligne droite aux essais du Grand Prix d’Italie, reconnaît le Catalan, mais c’est peut- être aussi parce que je m’entraîne sérieuseme­nt. » Livio Suppo, le manager du team Honda Repsol, reconnaît que ni Shuhei Nakamoto ni lui ne s’attendaien­t à ce que Marc décroche le titre cette saison. « On savait qu’il serait capable de gagner des courses, mais sa régularité et son aisance à gérer la pression m’ont vraiment étonné, lance l’Italien. À Valence, pour ce dernier Grand Prix capital pour le titre, il n’a jamais tremblé. Jorge a pourtant tout fait pour essayer de le déstabilis­er. Mais il n’est jamais tombé dans le panneau. Sa réaction après sa mise hors course à Phillip Island en dit aussi long sur son sang- froid. Alors qu’il avait perdu au moins vingt points à cause de son équipe, il a abordé le rendez- vous suivant au Japon avec une sérénité incroyable.

DANS LE PADDOCK, MARQUEZ SE SENT CHEZ LUI

Marc possède une maturité vraiment étonnante pour son âge. » Et la conscience qu’il faut tout réunir pour réussir. Ainsi, au soir de sa fameuse exclusion du Grand Prix d’Australie, le pilote Honda refusait d’accabler Santi Hernandez, son chef mécanicien, qui n’avait pas su compter jusqu’à dix. « Nous ne sommes que des humains, tout le monde peut faire une erreur, rappelait- il alors. Le plus important, c’est d’avoir montré que je pouvais gagner la course face à Jorge. » À l’instar de Valentino Rossi qui l’a vite adoubé, Marquez évolue dans l’univers des Grands Prix avec un naturel réjouissan­t. Quand Lorenzo et Pedrosa répètent à l’envi combien les à- côtés de leur métier leur pèsent, Marquez s’amuse de toutes ses facettes. Plutôt que de subir les contrainte­s, il préfère en jouer. C’est aussi pour cela qu’il a demandé au HRC de récupérer l’an prochain les mécanicien­s qui travaillai­ent avec lui jusqu’à son arrivée en MotoGP. Une requête qui a fait couler beaucoup d’encre mais que Livio Suppo juge légitime compte tenu de la personnali­té

de son nouveau champion du monde. « Dans ce sport, le pilote fait beaucoup, rappelle le patron du team Honda Repsol. Et il a donc du pouvoir. Avant Marc, Rossi en 2004 et Stoner en 2011 avaient eux aussi demandé à leur équipe technique de les suivre quand ils ont changé d’employeur. Quand Marc est arrivé du Moto2, nous lui avions expliqué qu’il allait avoir beaucoup de choses à apprendre et que nous voulions qu’il ait autour de lui des technicien­s connaissan­t bien le MotoGP et la Honda. Il est désormais champion du monde... Il n’a jamais remis en cause la compétence de ceux dont il se sépare aujourd’hui.

IL SAIT QU’IL PEUT ET QU’IL DOIT ENCORE PROGRESSER

Marc est un garçon assez spécial dans le sens où il passe vraiment beaucoup de temps avec ses technicien­s. À chaque Grand Prix, il mange midi et soir avec eux. C’est un peu sa deuxième famille. Et c’est aussi pour cela qu’il ne s’est pas fâché après la bourde de Phillip Island. Il a immédiatem­ent excusé Santi. Marc a besoin d’avoir ses proches autour de lui. Il nous a redemandé de récupérer les Espagnols avec qui il travaillai­t avant d’arriver chez nous. À partir du moment où nous les jugeons compétents, nous ne pouvions que répondre favorablem­ent à sa demande. » L’an prochain, Marquez aura quoi qu’il en soit du mal à faire mieux que cette saison. L’Espagnol, qui risque de rester longtemps le plus jeune vainqueur d’un Grand Prix MotoGP, est désormais le quatrième pilote de l’histoire des championna­ts du monde titré dans trois catégories différente­s, comme avant lui Mike Hailwood, Phil Read et Valentino Rossi. « J’ai battu de nombreux records cette saison, constate- t- il, mais ces records n’ont jamais été ma raison de vivre. J’ai envie de gagner d’autres courses et d’autres titres. » Pour cela, Marc sait qu’il peut et qu’il doit encore progresser. D’une part pour réduire le nombre de ses chutes, et d’autre part pour affi ner son pilotage. « Je reconnais que je suis parfois un peu trop brouillon, lâche- t- il. Il faut que j’arrive à être plus propre, plus régulier. Cette année, j’ai souvent été à la limite, notamment en début de saison, parce que c’était pour moi la seule solution pour rester avec Jorge et Dani. Avec davantage d’expérience, je dois pouvoir m’améliorer. » D’autant que comme le souligne Suppo, la saison 2014 va réserver quelques inconnues aux équipes MotoGP. « On va repartir de zéro avec un nouveau règlement technique, rappelle l’Italien. Nouvelle électroniq­ue, vingt litres d’essence... On va se retrouver confronté à un nouveau challenge technique, et avec en face de nous un Jorge Lorenzo qui a encore démontré cette année toute sa valeur. » Marc Marquez s’en frotte d’ores et déjà les mains.

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