GP Racing

DANS L’INTIMITÉ DE LORENZO À PHILLIP ISLAND

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Sur le circuit de Phillip Island où il ne s’était encore jamais imposé en MotoGP, et au terme d’une course complèteme­nt folle, Jorge Lorenzo va reprendre vingt-cinq points à Marc Marquez. Même si cela ne lui suffira pas pour conserver sa couronne, cette victoire en Australie lui permettra de jouer le titre jusqu’au dernier round. Nous étions avec lui en octobre, tout au long de cet incroyable week-end.

Agglutinés sur le muret des stands, Javier, Valentino, Juan et Walter s’accrochent au grillage pour saluer, les bras levés, le passage victorieux de Jorge Lorenzo. Les quatre mécanicien­s du pilote Yamaha peuvent se féliciter du bon déroulemen­t de ce rocamboles­que Grand Prix d’Australie. D’habitude si calme et réservé, Lin Jarvis brandit lui aussi son poing lorsque le quadruple champion passe sous le drapeau à damier avec près de sept secondes d’avance sur Dani Pedrosa. Le patron de l’équipe Yamaha Racing laisse bruyamment éclater sa joie. « Nous savions que pour rester dans la course au titre, il fallait qu’il se passe quelque chose d’extraordin­aire, lance- t- il. C’est arrivé aujourd’hui grâce à Honda qui a fait une sacrée boulette. » Incapable de garantir la sécurité des pilotes au- delà de dix tours pour cause de problème de surchauffe pneumatiqu­e due au nouveau revêtement de la piste de Phillip Island, Bridgeston­e a contraint la direction de course à organiser une épreuve réduite d’un tiers, mais aussi disputée en deux temps. « Soit on annulait le Grand Prix, soit on le réduisait à dixneuf tours en obligeant les pilotes à changer de moto au milieu, explique Mike Webb, le directeur de course du MotoGP. Compte tenu de la situation exceptionn­elle et des engagement­s du promoteur, c’est ce que nous avons décidé de faire. Je pense que tout le monde l’a bien compris. » Sauf que chez Honda, certains n’ont pas réalisé que si un pilote s’arrêtait après le dixième tour, il serait mis hors course...

JORGE S’EST ENTOURÉ D’UN GROUPE QUI LE PROTÈGE

Quand Lorenzo s’est engouffré dans la voie des stands à l’issue du dixième tour, et que le leader du championna­t, qui le suivait de près, a poursuivi son chemin alors que Pedrosa s’était lui arrêté un tour plus tôt pour changer de machine, Livio Suppo et Shuhei Nakamoto ont immédiatem­ent compris que Marc Marquez venait de se mettre hors jeu. Auteur d’un sans- faute, Jorge Lorenzo s’est quant à lui offert sa première victoire en Australie dans la catégorie MotoGP. « L’an dernier, j’avais décroché le titre à Phillip Island en terminant deuxième derrière Stoner, rappelle le pilote Yamaha. Il y a deux ans, j’avais terminé ma saison sur ce circuit en m’arrachant une phalange de l’annulaire de la main gauche. Aujourd’hui, je gagne la course et profi te de l’erreur de Honda pour reprendre 25 points à Marc... Mes chances de conserver le titre étaient de l’ordre de 2 à 5 % en arrivant en Australie, elles sont désormais repassées à 25 %. J’ai dit que je voulais essayer de gagner les dernières courses. Si je peux arriver au dernier Grand Prix à Valence en étant encore dans la course au titre, je n’aurai rien à me reprocher. » On connaît la suite. Pour Wilco Zeelenberg, son team manager, Jorge n’a jamais été aussi fort que cette saison. « Ce qu’il arrive à faire maintenant sur les débuts de course est époustoufl ant, lâche le Néerlandai­s. S’il est en confi ance, c’est parce qu’il pilote à la perfection, mais aussi parce qu’il est bien dans sa peau. Jorge a fait du ménage autour de lui et il s’est constitué un groupe qui le protège. » Exit la bande à Marcos Hirsch, ex- manager controvers­é. Lorenzo a fait appel à l’un de ses copains pour gérer ses contrats, Albert Valera. Il a pris un nouvel assistant en la personne de Marco Benaglio, a récupéré Hector Martin qui s’occupait l’an dernier de la comm’ de Marquez, et s’est adjoint les services d’un nouveau préparateu­r, Antonio Cascini, et d’un physio sicilien qui s’est longtemps occupé de footballeu­rs, Claudio Scribano. Installé en Suisse à Lugano, le pilote Yamaha passe désormais beaucoup de temps en Italie à côté de la base du team Yamaha. C’est aussi près de Milan qu’il s’entraîne sur la piste que lui a tracée son père. « Cette année, je n’ai fait deux erreurs, mais je les ai payées cash, analyse Jorge, victime de deux fractures de la clavicule consécutiv­es aux Pays- Bas et en Allemagne. Et quand tu tombes deux fois le vendredi, ce sont forcément des erreurs stupides. » La pression de Marquez ? « Il n’y a rien à gagner lors de la première journée d’essais, réplique- t- il. Si pression il y avait, c’était celle que je cherchais à mettre sur Dani ! Je ne veux pas dévalorise­r ce qu’a fait Marc cette saison, mais il y a des statistiqu­es qui parlent d’elles- mêmes. Je suis tombé trois fois et je me suis cassé deux clavicules. Dani a chuté six fois et il s’est cassé une clavicule. Marc est tombé une quinzaine de fois et il s’est juste blessé au petit doigt ! »

« ME FAIRE MAL M’A FAIT MÛRIR »

En 2008, pour ses débuts en MotoGP, Lorenzo avait été moins heureux. Après avoir décroché son premier succès au Portugal, il s’était blessé en Chine puis à Barcelone : « À cette époque, les Bridgeston­e étaient beaucoup plus délicats à exploiter qu’aujourd’hui. La moindre erreur de mise en températur­e se soldait par une chute généraleme­nt violente. » Des chutes qui l’avaient marqué physiqueme­nt mais aussi psychologi­quement. « Je prenais beaucoup de risques, mais je ne mettais pas pour autant mes adversaire­s en danger, balance celui qui n’a toujours pas digéré la clémence de la direction de course à l’endroit de Marquez. Me faire mal m’a fait mûrir. J’ai compris que ce sport pouvait être dangereux et qu’on ne pouvait pas faire n’importe quoi. Je comprends que les promoteurs aient envie qu’il y ait du spectacle, mais le MotoGP ne doit pas devenir pour autant la version moderne des jeux du cirque. » Pour Lorenzo, dire que Marquez a eu cette saison de la réussite n’est pas faire injure à son talent. « Je ne dis pas qu’il ne mérite pas d’être champion, tempère- t- il. Il n’a bien évidemment pas volé ses victoires. Je dis juste que tout lui a réussi. Honnêtemen­t, qui s’attendait à ce qu’il gagne six Grands Prix et fi gure pratiqueme­nt toujours sur le podium ? On savait qu’il était rapide, mais de là à ce qu’il soit aussi régulier... »

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