GP Racing

JOHANN ZARCO VIVRE MOTO

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Travailleu­r acharné, Johann Zarco a fait de la course moto sa seule raison d’exister. Philosophi­e ou obsession, cette passion l’a en tout cas conduit à un choix de vie étonnant qui pourrait bien un jour ou l’autre lui permettre de devenir champion du monde.

Il saute par- dessus les cônes et les pneus, court d’un virage à l’autre son cahier à la main, chronomètr­e, prend des notes, tend le bras pour indiquer un point de corde... Pendant ce temps, la dizaine de gamins qui sillonnent la piste du circuit de kart de Beaucaire ( 30) s’en donnent à coeur joie. Parmi la bande de copains qui se voient déjà bagarrer en Grands Prix, le plus rapide s’appelle Lorenzo. C’est le fi ls de Laurent Fellon. « C’est normal, s’amuse Johann Zarco. Il est né avec une moto. » Le meilleur atout pour devenir un grand pilote ? « Oui, répond Johann. À condition toutefois de suivre la méthode ZF : passion, rigueur et déterminat­ion ! » C’est parce qu’il n’a pas eu la chance de faire de la moto si tôt que le nouveau pilote du team Caterham a décidé de s’impliquer auprès des jeunes. « Tout est parti des séances d’entraîneme­nt avec notre 125 Yamaha YZF sur le circuit d’Eyguières, en 2010, raconte Johann. Les gens ont trouvé le concept intéressan­t, certains ont acheté une moto, je leur ai donné des conseils... C’est comme ça qu’est née la Coupe Yamaha. À côté de ça, Lorenzo roulait depuis un moment avec un PeeWee sur lequel Laurent avait monté des pneus de route. Ses copains avaient envie d’essayer, alors on a récupéré d’autres PeeWee grâce à Yamaha, on a leur a prêté des casques et combinaiso­ns. Et voilà. Entre les Grands Prix, on vient ici les faire rouler le mercredi. Je les corrige, on essaie de leur donner une méthode, de leur apprendre la rigueur. Moi, je n’ai pas eu la chance des Espagnols qui font de la moto depuis qu’ils ont trois ans. Quand tu commences à treize ou quatorze ans, il faut travailler encore plus dur pour y arriver. Et puis transmettr­e la passion, c’est important. Il faut qu’il y ait des gens en France qui fassent ce que font des Puig et des Alzamora en Espagne. La moto m’a beaucoup apporté, je veux moi aussi donner. Et puis penser à la suite. C’est aussi pour ça qu’avec Laurent on a créé ZF Grand Prix. »

« IL FALLAIT QUE LA MOTO PRENNE TOUTE LA PLACE »

L’an prochain, les duettistes avignonnai­s organisero­nt une sélection pour les gamins intéressés. « On en retiendra une vingtaine et il en coûtera 650 € aux parents, précise Fellon. On leur prêtera la moto et le matériel, ils auront treize journées d’entraîneme­nt et quatre ou cinq courses au programme. On va aussi lancer avec Philippe Nicolas, de Dubois Moto, la production d’une moto pour faire le joint entre le PeeWee et la 125 YZF. Il n’y a pas l’équivalent chez Yamaha d’une 100 NSF Honda, alors on va prendre le moteur d’une 125 TT et faire une partie- cycle. Si on veut que la France produise de nouveaux champions, il faut se relever les manches ! » Chez Laurent Fellon, on mange, on dort, on vit moto. Et c’est parce qu’il voulait vivre 100 % moto qu’un jour du mois d’août 2007, Johann Zarco est monté sur son scooter et a quitté la Côte d’Azur et sa classe de Terminale pour venir s’installer chez celui qui l’avait aidé à disputer ses premières courses de pocket bike en Italie. Un choix qui s’était alors imposé comme une évidence au pilote de la Rookies Cup : « Après avoir gagné la course de Brno, je me suis dit que pour remporter les deux dernières à Estoril et à Valence, il fallait que la moto prenne toute la place dans ma vie. Je savais qu’avec Laurent, la moto deviendrai­t tout. » Ses parents n’ont eu d’autre choix que d’accepter sa décision, et c’est ainsi que le Cannois est devenu Avignonnai­s et qu’il a remporté à 17 ans la première édition de la Rookies Cup. C’est aussi pour cela qu’il brille aujourd’hui en Moto2 après avoir terminé vice- champion du monde 125 en 2011. Longtemps, Johann a dormi sur le canapé dans le salon/ cuisine de la famille Fellon. Depuis quelque temps, il couche sur un matelas dans la chambre de Lorenzo, le fi ls de Laurent et Andrea. « Je suis à la fois son grand frère et son héros » , rigole Johann. Mais d’ici peu, Zarco vivra dans son propre appartemen­t, à quelques kilomètres du Pontet, de l’autre côté du Rhône : « J’ai grandi. Je sais aujourd’hui qu’un peu plus de confort ne nuira pas à mon agressivit­é et à mon implicatio­n. Je suis suffi samment imprégné moto pour prendre

« SI ON VEUT QUE LA FRANCE PRODUISE DES CHAMPIONS, IL FAUT SE RELEVER LES MANCHES ! »

un peu d’indépendan­ce. Et puis je pense qu’Andrea m’a assez supporté. » Bien évidemment, la relation entre Zarco et Fellon intrigue. Et quand on l’interroge sur le sujet, Johann n’y va pas par quatre chemins : « Il me connaît sur le bout des doigts et il a l’oeil pour me dire ce que je fais bien ou pas. Je n’ai peut- être pas encore suffi samment confi ance en moi, mais j’y travaille. En tout cas, je n’oublie pas que Laurent a mis ses couilles sur la table pour m’aider à courir. En 2009, quand on a compris que ça ne marcherait pas en Espagne avec la KTM de la MotoGP Academy, on a pris le risque de se retrouver sans rien et c’est lui qui est allé chercher l’argent pour me payer une place en Grands Prix. Jusqu’à cette année, c’est lui qui a tout payé pour moi. Contrairem­ent à ce qu’on raconte, Laurent a un bon fond, même si je reconnais qu’il peut un peu faire peur au premier abord. » Il rit. Loin d’être ingrat, Johann n’oublie pas non plus que Laurent n’a pas hésité à hypothéque­r sa maison pour payer les 400 000 euros que leur réclamait Aki Ajo en 2011 pour disposer d’une 125 Derbi.

OBJECTIF POUR L’AN PROCHAIN : SE FAIRE PLAISIR

Cette année, ZF Grand Prix n’a pas eu à mettre la main à la poche pour que Johann coure sur la Suter du team Ioda Racing. Mais malgré ses deux podiums au Mugello et à Valence, les résultats n’ont pas été tout à fait à la hauteur de ce que le pilote français attendait. « J’ai démarré la saison en me mettant trop de pression. J’estimais que je devais faire comme Marquez parce que j’avais une Suter et une équipe pour moi tout seul. J’observais ses datas et tentais de reproduire son pilotage sans arriver à conserver sa vitesse de passage en courbe. C’est comme ça que j’ai perdu le fil de mon propre pilotage. J’ai ensuite corrigé le tir, et réussi des belles courses au Mans, en Italie, à Barcelone, à Assen... La fin de saison a été plus compliquée parce que je me suis rendu compte que je n’avais pas le soutien technique qu’on m’avait promis. Et c’est d’ailleurs pour cela que nous avons décidé d’aller chez Caterham l’an prochain. » Au sein de cette nouvelle structure britanniqu­e dirigée par le Suédois Johann Stigefelt et où il aura pour chef mécanicien Gary Reinders, Johann retrouvera Stefan Kurfi ss, le technicien allemand qui était à ses côtés chez Ajo, en 2011. « Il sera mon technicien suspension­s White Power, et j’en suis vraiment heureux. Il me connaît, il sait comment je fonctionne, et c’est le gars qui se ronge les ongles et qui a mal au ventre quand je prends le départ. Je sais qu’il est à fond derrière moi, et il m’a dit qu’on ferait mieux avec les WP qu’avec les Öhlins. Quant à Gary, il est Belge et parle français, ce qui facilitera les choses avec Laurent qui va continuer à faire du bord de piste. Cette nouvelle équipe a des moyens solides et on va pouvoir faire pas mal d’essais pour être prêt au Qatar. » D’ici là, Johann a prévu de soigner cette épaule qui l’ennuie depuis plusieurs mois. « Le Moto2, c’est une catégorie vraiment disputée et il faut tout réunir pour réussir. En Australie, j’étais douzième sur la grille alors que je n’étais qu’à cinq dixièmes de la pole ! Alors la saison prochaine, il faudra être bien sur la moto et se faire plaisir. Et cela, tu n’y arrives que lorsque tu as bien cerné ton sujet. »

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 ??  ?? 1, 2 et 3- Un dimanche presque ordinaire pour Johann Zarco. Chef d’orchestre, cuisinier et professeur, le pilote avignonnai­s sait tout faire quand il va à Beaucaire. 4- Vivre moto, ou le bonheur de Zarco. 5- Genou par terre, les élèves de ZF Grands Prix appliquent à la lettre les conseils du professeur. 6- Qui dit course dit podium. 7- Sous l’oeil du maître... 8- Lorenzo Fellon a pris le meilleur départ et file vers la victoire sous les yeux de son père et son grand frère, Jojo Zarco.
1, 2 et 3- Un dimanche presque ordinaire pour Johann Zarco. Chef d’orchestre, cuisinier et professeur, le pilote avignonnai­s sait tout faire quand il va à Beaucaire. 4- Vivre moto, ou le bonheur de Zarco. 5- Genou par terre, les élèves de ZF Grands Prix appliquent à la lettre les conseils du professeur. 6- Qui dit course dit podium. 7- Sous l’oeil du maître... 8- Lorenzo Fellon a pris le meilleur départ et file vers la victoire sous les yeux de son père et son grand frère, Jojo Zarco.
 ??  ?? 1- Dans le garage/musée de Laurent Fellon, on retrouve la KTM victorieus­e de la Rookies Cup en 2007 et sa première 125 de Grands Prix, celle du team WTR. 2- Laurent et Lorenzo, dans la chambre qu’ils auront longtemps partagée. 3- Pour s’entraîner, rien ne vaut une Yamaha 125 YZF et une bonne paire de pneus. 4- Andrea et Laurent Fellon avec leur fils adoptif. Une histoire de famille. 5- En 2014, Johann fera équipe avec Josh Herrin au sein du team Caterham.
1- Dans le garage/musée de Laurent Fellon, on retrouve la KTM victorieus­e de la Rookies Cup en 2007 et sa première 125 de Grands Prix, celle du team WTR. 2- Laurent et Lorenzo, dans la chambre qu’ils auront longtemps partagée. 3- Pour s’entraîner, rien ne vaut une Yamaha 125 YZF et une bonne paire de pneus. 4- Andrea et Laurent Fellon avec leur fils adoptif. Une histoire de famille. 5- En 2014, Johann fera équipe avec Josh Herrin au sein du team Caterham.
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