GP Racing

MICHEL REY PATRON ET BIENFAITEU­R

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Dans l’ombre de Johann Zarco et de Laurent Fellon, il y a Michel Rey, le patron de la société Miditraçag­e. Sponsor et conseiller du pilote français, ce chaleureux provençal fait partie de ces passionnés sans qui ne pourraient s’écrire les belles histoires du sport moto français.

Le boulot et la passion. Un petit tour dans le bureau de Michel Rey en dit plus sur le bonhomme qu’un long discours. Il y a d’abord la 125 Derbi avec laquelle Johann Zarco a terminé la saison 2011 avec les honneurs d’un vice- champion du monde. Il y a ensuite les casques du pilote tricolore, les photos dédicacées, les casquettes de ses podiums... Et puis aux murs, quelques citations de Winston Churchill, de Stephen Neill et de Jules Clarétie, dont cette phrase de l’Académicie­n restée célèbre : « Tout homme qui dirige, qui fait quelque chose, a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font exactement le contraire, et surtout la grande armée des gens, beaucoup plus sévères, qui ne font rien. » Du haut de ses 56 ans, le patron de la société Miditraçag­e est de ceux qui font et qui dirigent. En l’occurrence une entreprise spécialisé­e dans « la signalisat­ion horizontal­e et verticale, dans le balisage de travaux et l’aménagemen­t de route » , comme il le décline avec cet accent chantant du Provençal fi er de ses origines. « J’ai créé cette société dans ma ville d’Apt en 1984, raconte Michel Rey. Trente ans plus tard, Miditraçag­e, c’est 360 personnes, 18 fi liales dans toute la France et un chiffre d’affaires de 47 millions d’euros. » Voilà pour le business. La passion, bien évidemment, c’est la moto. Là encore, tout démarre dans le Vaucluse. Plus précisémen­t dans les collines du Lubéron, au sud, et sur le plateau d’Albion, au nord. Durant une dizaine d’années, Michel Rey y pratique l’enduro intensémen­t. « C’était l’époque des Querel, Chabanette et Moralès » , énumère- t- il. Jusqu’à ce qu’un problème de ligaments croisés lui fasse entendre raison. « C’est pas bon de rouler le dimanche en pensant au boulot du lundi, plaisante le gaillard. Il y a un moment où il faut savoir lever le pied. » Sa passion de la moto ne le quitte pas pour autant.

« LES CONTRATS, JE SAIS FAIRE ET J’AI DES AVOCATS »

Aussi, lorsque Laurent Fellon, en quête de sponsor pour Johann Zarco, pousse la porte de son bureau un jour de l’année 2008, le patron de Miditraçag­e accorde bien évidemment une oreille attentive au discours de l’Avignonnai­s. « Il n’en menait pas large, se souvient Michel en rigolant. Il avait les genoux qui jouaient des castagnett­es. » Séduit par Fellon, il décide de participer au fi nancement de la saison 2009 de Zarco chez WTR. « On a commencé petitement, pour voir. » Deux ans plus tard, l’enveloppe prend une tout autre épaisseur. « Pour aller chez

« NOUS PARTICIPON­S À UNE AVENTURE AVEC UN HOMME DANS LEQUEL ON CROIT »

Ajo, Johann et Laurent ont dû sortir 430 000 euros. Arrivés à la dernière échéance, ils n’étaient pas en mesure d’honorer leur engagement alors que Johann se battait quand même pour le titre de champion du monde ! Je les ai aidés, et cela nous a bien évidemment rapprochés. Mais j’ai aussi pu le faire parce que je dirige une société qui gagne de l’argent. Après, il y a aussi le coup de coeur. » Michel Rey refuse l’appellatio­n de mécène qui lui va pourtant comme un gant : « Non, un mécène, c’est quelqu’un qui n’attend rien en retour. Avec Johann, il y a un échange. Quand je réponds à un appel d’offres, je parle de Johann et ce que nous faisons pour lui. J’estime que nous participon­s à une aventure avec un homme dans lequel on croit, et je suis heureux de profi ter de son image. En fin d’année, j’organise toujours un apéro avec cent ou cent cinquante personnes, et Johann vient y parler de sa saison. » De simple sponsor du tandem ZF Grand Prix, Michel Rey est ainsi devenu au fi l du temps partenaire et conseiller des duettistes avignonnai­s. C’est lui qui aujourd’hui négocie les contrats du pilote français. « Les contrats, je sais faire, et j’ai des avocats pour gérer tout ça, dit celui

qui, avec sa femme, assiste à trois quarts des courses de la saison. C’est un peu nos vacances. En trente ans, on n’en a pas beaucoup pris. » Depuis l’arrivée de Zarco en Moto2, le patron de Miditraçag­e s’active donc à la manoeuvre. Et quand on lui parle d’instabilit­é, voire d’incohérenc­e dans les choix du pilote et de son coach, Michel Rey défend le duo corps et âme : « C’est l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. Quand Johann a décidé de passer en Moto2, Montiron a été le premier à le solliciter. Laurent avait peur de ne pas avoir d’autre propositio­n, et ils ont donc décidé de signer pour deux ans avec le team JiR. C’était la première fois où ils n’avaient pas besoin d’amener d’argent pour courir. Mais courant 2012, Montiron est venu me dire qu’il allait falloir mettre la main à la poche pour 2013. Je lui ai répondu que ce n’était pas ce qui était convenu, et je lui ai demandé de nous libérer de sa deuxième année de contrat, ce qu’il a fait car il devait faire des économies. Il a raconté des trucs pas terribles, et je ne me suis pas privé de lui dire. J’ai encore son courrier avec moi. Là- dessus, il y a eu la lettre d’intention avec le team de Michael Bartholemy. Laurent a fi nalement décidé de ne pas donner suite pour des raisons qui sont les siennes, c’est moi qui m’en suis occupé. Et cela n’a pas posé trop de problème. Michael Bartholemy est quelqu’un de très intelligen­t, que j’apprécie, et avec qui je m’entends très bien. Il n’y a pas un GP où nous ne passons un moment à blaguer de différente­s choses. Franchemen­t, ce milieu se porterait mieux s’il y avait plus de types comme lui. » Habitué à traiter de grosses affaires de par son métier d’entreprene­ur, Michel Rey a découvert sur les Grands Prix un certain manque de profession­nalisme, pas mal de charlots, mais aussi quelques personnes respectabl­es, dont Claude Michy, « un grand monsieur qui, sans faire de bruit, fait beaucoup pour la moto et les pilotes français » .

UN FERVENT DÉFENSEUR DU DUO ZARCO/FELLON

Pour la saison 2013, Laurent et Johann ont fi nalement choisi de s’engager avec le team Ioda Racing. « Nous avions un contrat de deux ans, mais début septembre, nous apprenons que Sacchi va perdre Came, un sponsor qui assure 40 % de son budget. Qu’est- ce qu’on fait ? On reste dans la barque avec le risque qu’elle coule et qu’on se retrouve dans la merde ? Ou bien on s’en va pour chercher autre chose avant qu’il ne soit trop tard ? On a pris la deuxième solution, et Laurent et Johann ont assumé en payant pour se libérer de leur deuxième année de contrat. On a réglé l’affaire entre hommes. Et je ne parle pas du fait qu’on n’a jamais eu le soutien de Suter et de Öhlins que Sacchi nous avait promis en début d’année. Voilà, l’an prochain ce sera Caterham. Il y avait d’autres pistes plus intéressan­tes fi nancièreme­nt, mais Suter nous a interdit de les quitter et nous a fait comprendre qu’il fallait aller dans cette nouvelle équipe. Comme eux, je suis convaincu que Johann a le potentiel pour devenir champion du monde. »

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1- Michel Rey dans son bureau où trône en bonne place la 125 Derbi qu’il a rachetée à Aki Ajo et avec laquelle Johann Zarco s’est classé deuxième du championna­t du monde 2011. 2- Une borne routière comme en installe la société Miditraçag­e aux quatre...

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