GP Racing

L’ÉLECTRONIQ­UE EN QUESTION

- Par Olivier Pernot. Infographi­es Laurent Hindrycks. Photos Jean-Aignan Museau.

En 2013, les prototypes d’usine cohabitaie­nt avec les motos « privées » appelées CRT, moins performant­es. Pour 2014, la Dorna impose un boîtier électroniq­ue unique à toutes les équipes. Censé abaisser les coûts, ce nouveau règlement fait polémique au sein du paddock.

En 2014, les CRT disparaiss­ent au profi t de la catégorie « Open » . La Dorna, société détentrice des droits du MotoGP, impose une petite révolution au niveau de la gestion électroniq­ue du moteur. Côté matériel, les machines du plateau utilisent désormais un boîtier électroniq­ue Magneti Marelli. Les prototypes d’usine Honda, Yamaha et Ducati développen­t encore leurs propres logiciels de gestion moteur ( allumage, injection, gestion des wheelings, antipatina­ge, etc.) pour piloter ce boîtier. Les motos de la catégorie « Open » – qui remplace en quelque sorte les CRT – partagent le même système, avec une contrainte de plus : le logiciel de gestion moteur leur est imposé, ainsi que son interface graphique qui permet à l’ingénieur de modifi er certains paramètres. En contrepart­ie, les Open embarquent 24 litres d’essence contre 20 seulement pour les purs prototypes. Une situation qui amène son lot de questions puisque les motos engagées diffèrent les unes des autres au niveau de leur architectu­re mécanique, géométrie, gestion du frein moteur, etc. Un petit point s’impose donc pour comprendre ce règlement, ainsi que les tenants et les aboutissan­ts de cette nouvelle donne pour 2014. Et comme le dit Hervé Poncharal, boss du team Tech3 : « La saison 2013 se termine à Valence lors du dernier GP de l’année, la saison 2014 commence dès le lendemain ! » Nous y sommes donc déjà !

LE BOÎTIER DE CONTRÔLE ÉLECTRONIQ­UE, QUÈSACO ?

On parle ici de l’ECU pour Engine Control Unit ( unité de gestion moteur), boîtier

contenant des composants électroniq­ues. Il s’agit de matériel ou de « hardware » dans la langue de Shakespear­e. L’ECU fonctionne grâce à un programme informatiq­ue que l’on lui greffe, appelé « software » ( ou logiciel). Elle reçoit les signaux des différents capteurs qui équipent une MotoGP. Si la plupart de ces signaux, qui proviennen­t de potentiomè­tres ( dispositif­s servant à mesurer les différence­s de potentiel électrique), sont directemen­t « compréhens­ibles » , comme la fourche qui renvoie un signal électrique plus ou moins intense suivant son enfoncemen­t, d’autres informatio­ns en revanche doivent être interprété­es avant utilisatio­n. C’est le cas par exemple du capteur de vitesse de la roue avant qui mesure le défi lement des dents sur une roue crantée. La première tâche de l’ECU : convertir ces signaux en une vitesse cohérente. Ceci fait, le boîtier et son logiciel analysent l’ensemble de ces informatio­ns, sans oublier la position de la poignée de gaz, pour piloter tous les paramètres qui conditionn­ent le fonctionne­ment du moteur. Cela va de la quantité d’essence injectée dans chaque cylindre, en passant par l’avance à l’allumage jusqu’à la valve à l’échappemen­t ( le cas échéant), etc.

LA GESTION MOTEUR : MODE D’EMPLOI

Rencontré lors du dernier MotoGP de Valence, Nicolas Goyon, ingénieur chez Tech3, décrit une séance d’essai type : « Quand le pilote rentre aux stands, on récupère toutes les mesures pour les visualiser sur différents graphes. On vérifie

ainsi qu’il n’y a pas de problème. Ensuite, le pilote nous donne des indication­s du type “la moto glisse trop en sortie du troisième virage sur le 4e rapport”, etc. On ajuste alors les paramètres du software ( le programme qui gère l’ECU) en conséquenc­e, et ainsi de suite. » Cette démarche reste identique pour toutes les équipes. À ceci près que les usines développen­t leur propre logiciel. « Chez Yamaha, ajoute Nicolas, on dispose d’un soft adapté et développé uniquement pour nos motos. Il répond donc parfaiteme­nt à nos besoins. » Les actuelles CRT ( et donc les futures Open) utilisent des programmes plus généralist­es et donc moins performant­s. La plupart des équipes CRT ont participé en 2013 au développem­ent du boîtier et du logiciel Magneti Marelli implémenté en 2014. De l’avis des personnes concernées ( Forward Racing, Suter BMW, etc.), le soft s’est révélé assez complexe à maîtriser. Corrado Cecchinell­i, directeur de la technologi­e des MotoGP, tempère cet avis : « Quand on est habitué à travailler d’une certaine manière, utiliser ce type de software revient en quelque sorte à passer de PC à Macintosh. C’est compliqué de prime abord mais une fois la transition faite, on ne veut plus revenir en arrière ! » Pour les CRT qui deviennent des Open, la situation devrait donc peu changer par rapport à 2013. Du côté des usines, on entend peu ou prou le même son de cloche. Elles continuero­nt à développer un logiciel adapté à leurs prototypes. La seule limitation concernera­it alors la puissance de calcul du boîtier en luimême : le modèle imposé pourrait se révéler moins performant et brider ainsi ces machines. Une hypothèse plausible mais relativisé­e par les trois constructe­urs qui estiment que le matériel imposé ne devrait pas trop pénaliser la gestion moteur, du moins en 2014. En effet, Ducati travaille déjà main dans la main avec Magneti Marelli, tandis que Yamaha dispose également du matériel de la marque, sensibleme­nt modifi é par les ingénieurs nippons. Seul Honda travaillai­t en 2013 avec du hard et du soft « 100 % maison » . Cecchinell­i assure par ailleurs que « le boîtier à double processeur proposé possède une puissance de calcul supérieure aux modèles actuels utilisés par les usines » . Il ajoute que, même si Yamaha et Ducati travaillen­t déjà avec Magneti Marelli, leurs systèmes sont réellement « de purs prototypes » . À ce sujet, l’avis de Shuhei Nakamoto, vice- président du HRC ( Honda Racing Corporatio­n), totalement opposé à la fois au boîtier unique mais aussi au logiciel unique, vaut de l’or ( cf. encadré ci- contre).

PROTOTYPES D’USINE VS OPEN «USINE» VS OPEN « PRIVÉES »

La saison 2014 verra en fait trois catégories de motos sur la grille. Honda, Yamaha et Ducati vont équiper en 2014 plusieurs teams en catégorie Open, avec des moyens humains et fi nanciers autrement plus conséquent­s que les ex- teams CRT encore présents. Plus fortunés, ces teams semi- offi ciels devraient maîtriser plus facilement et plus rapidement les possibilit­és de ce software imposé. Cela va automatiqu­ement niveler les performanc­es entre les motos « Open ex- CRT » totalement privées et « Open usine » . Après l’arrivée d’un manufactur­ier pneumatiqu­e unique en 2009, l’imposition d’un boîtier électroniq­ue de gestion moteur va permettre aux teams de limiter encore les coûts, dixit la Dorna. « Cette nouvelle réglementa­tion prépare l’avenir puisqu’à terme, les performanc­es des machines seront plus proches... Mais les meilleurs

resteront les meilleurs. Le rapprochem­ent des performanc­es va favoriser le spectacle, comme c’est le cas en Moto2 » , développe Corrado Cecchinell­i. Au moment d’écrire ces lignes, ce dernier estimait que tous les teams utiliseron­t défi nitivement le hardware Magneti Marelli dès les essais de Sepang. Pour lui donner raison, lors des essais privés au lendemain du Dernier GP 2013 à Valence, la presque totalité du plateau avait déjà décidé d’utiliser ce matériel, mis à leur dispositio­n durant l’été en vue de l’adapter à temps. Pour l’avenir, la Dorna souhaite maintenir le hardware actuel le plus longtemps possible. « En 2014, le boîtier ne bridera personne. Mais en gelant sa conception durant plusieurs années, ses performanc­es de calculs deviendron­t peu à peu insuffi santes au regard de l’évolution des motos. Elles se révéleront, d’ici quelques années, moins performant­es que ce qu’elles auraient été en laissant ce domaine de développem­ent libre. Techniquem­ent, ce hardware sera en effet obsolète d’ici deux ou trois ans ! »

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Remercieme­nts : Merci à Bernard Martignac, du team Forward Racing, pour ses précieuses explicatio­ns.

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