GP Racing

KAWASAKI RETOUR AU SOMMET

- Par Vincent Boyer. Photos VB, DR et archives Moto Revue.

L’histoire de Kawasaki en Superbike n’a jamais été un conte de fées. Après le titre de Scott Russell en 1993, il aura fallu attendre 20 ans pour retrouver un champion du monde sur une Kawasaki. Tom Sykes a replacé la marque d’Akashi au sommet de la disciple, mais que ce fut long...

Le championna­t du monde Superbike est né en 1988. Alors que Kawasaki a délaissé les Grands Prix depuis 1982, la fi rme d’Akashi se lance dans l’aventure du SBK sur la pointe des pieds. Pourtant, dès la deuxième épreuve de la saison en Hongrie sur le circuit du Hungarorin­g bondé comme jamais, un pilote Kawasaki monte sur la plus haute marche du podium. Il s’agit du Français Adrien Morillas. Si Fred Merkel, futur champion du monde cette année- là sur sa Honda, s’impose lors de la première manche, Adrien Morillas réalise la course parfaite en seconde manche et remporte la plus belle victoire de sa carrière. Malheureus­ement, cette victoire du 30 avril 1988 reste le seul fait d’armes de la Kawasaki ZX- R 750 cette année- là. Le pilote offi ciel Kawasaki Rob Phillis fi nit 7e du championna­t alors que les deux pilotes du team Kawasaki France, Éric Delcamp et Adrien Morillas, terminent respective­ment la saison aux 14e et 16e rangs. La machine n’est pas au niveau des Honda, Yamaha ou encore Bimota. Jusqu’en 1992, Rob Phillis est le pilote n° 1 de la marque mais les victoires sont peu nombreuses et le pilote australien n’est jamais en mesure de se battre pour le titre. En 1992, l’Américain Scott Russell se fait remarquer par ses belles performanc­es et se voit offrir pour 1993 un guidon pour la saison complète avec son team Kawasaki Muzzy, qui devient team offi ciel. « Je voulais faire face au gratin mondial et les pilotes européens sont plus agressifs que les Américains, déclarait Scott Russell. J’aime ça et ça me correspond bien. » Pour sa première saison complète, il remporte le championna­t du monde avec 5 victoires, alors que Carl Fogarty en accroche 11 avec sa Ducati. Mais l’Américain se montre plus régulier et la Ducati 916 n’est pas encore à son plein potentiel. « Le règlement en faveur de Ducati est un arrangemen­t nul, lâche- t- il en fi n de saison. Mais nous n’avons jamais baissé les bras. Kawasaki est très content de cette saison 1993, surtout de notre victoire aux 8 Heures de Suzuka. » En effet, si Kawasaki obtient le titre mondial, la victoire de Scott Russell et Aaron Slight sur la ZX- R 750 à Suzuka a beaucoup plus de retentisse­ment. Malgré l’engouement autour de Kawasaki à cette époque, les Verts sont dominés par Ducati en SBK mondial et Russell termine la saison 1994 derrière Carl Fogarty. Les années suivantes sont toujours aussi diffi ciles avec, notamment, le pilote emblématiq­ue Akira Yanagawa qui se classe régulièrem­ent dans le Top 5, mais sans jamais lutter pour le titre. Le début des années 2000 est encore plus compliqué puisqu’aucun pilote Kawasaki ne parvient à fi nir dans les 10 premiers du championna­t. Quand arrive la ZX- 10R en 2004, les attentes de Kawasaki grandissen­t, mais la machine n’est toujours pas au niveau de la concurrenc­e. Ce sont alors des équipes extérieure­s qui gèrent le team offi ciel. Régis Laconi s’engage ainsi avec le team offi ciel Kawasaki PSG- 1 Corse en 2006 et termine trois saisons diffi ciles aux 15e, 10e et 16e places. C’est ensuite l’équipe Paul Bird Motorsport qui reprend les rênes des motos offi cielles mais les résultats sont tout aussi catastroph­iques, avec une maigre 18e place pour Broc Parkes. Tom Sykes intègre toutefois l’équipe pour la

UNE SAISON 1993 FABULEUSE AVEC LE TITRE MONDIAL ET LES 8 HEURES DE SUZUKA

saison 2010 en pariant sur l’avenir et une nouvelle version de la ZX- 10R. Celle- ci arrive en 2011 et Tom Sykes se voit confi er la responsabi­lité d’en effectuer la mise au point avec l’équipe PBM, mais les résultats ne sont toujours pas probants. Au cours de ces années, les équipes PSG- 1 Corse et PBM sont assez indépendan­tes dans la gestion de leur team et de leur partie- cycle, alors que l’entreprise française Akira est en charge du développem­ent des moteurs. L’équipe espagnole Provec, qui réalise alors du très bon travail en Supersport, se retrouve ainsi en charge du programme Superbike pour la saison 2012. Mais l’usine japonaise prend alors en main le développem­ent et la partie technique. Ichiro Yoda dirige les opérations et sert de relais entre l’usine et l’équipe espagnole managée par Guim Roda. Le matériel, les technicien­s et la logistique sont gérés à Barcelone par l’équipe Provec. Les moteurs sont préparés par Akira en

collaborat­ion avec l’usine. Avec cette équipe et cette nouvelle moto, les performanc­es montent en fl èche. Lors de la saison 2012, Tom Sykes obtient 9 pole positions et monte à 13 reprises sur le podium mais il échoue pour un demi- point dans sa quête du titre mondial face à l’Aprilia de Max Biaggi. La saison 2013 est encore plus belle, avec le titre mondial acquis face aux deux Aprilia offi cielles d’Eugene Laverty et Sylvain Guintoli. Pour obtenir de tels résultats, Sykes bénéfi cie d’une équipe technique de haut niveau. Kawasaki a fait appel à Marcel Duinker, ancien ingénieur de la marque en MotoGP, en tant que chef mécanicien. Le travail de Duinker a porté sur l’améliorati­on de la traction, puisque le principal problème de la ZX- 10R était son agressivit­é avec les pneus au fur et à mesure de l’avancée de la course, qui faisait perdre de précieuses secondes à Tom Sykes, pourtant ultra- rapide, à la mi- course. La solution trouvée a été de recentrer les masses sur l’avant de la machine.

C’EST BASCULÉE SUR L’AVANT QUE LA ZX-10R A TROUVÉ SON ÉQUILIBRE

La ZX- 10R est donc fortement basculée sur l’avant comme aucune autre machine de Superbike mondial. Désormais, les fi ns de course de Tom Sykes ne sont plus un calvaire. En tant que chef mécanicien, Duinker est le seul à parler à Tom Sykes lorsqu’il descend de sa machine afi n que le feeling du pilote ne soit pas perturbé par un avis extérieur. L’ingénieur ne touche pas lui- même à la moto mais il fait en sorte qu’elle soit réglée le mieux possible. C’est lui qui prend la décision fi nale. Autre personne emblématiq­ue du team, Danilo Casonato, en charge de la télémétrie. Comme Duinker, il est un transfuge de l’équipe Kawasaki en MotoGP. L’autre partie de l’équipe est dévolue au pilote français Loris Baz. Remplaçant de Joan Lascorz après son grave accident en mai 2012, Loris a réussi à s’adjuger une victoire en 2012 puis une autre cette année. Son contrat a été renouvelé pour 2014 et son jeune âge est un atout important pour Kawasaki qui mise sur son potentiel. Kawasaki garde aussi un oeil attentif sur les teams privés équipés de ZX- 10R. Historique­ment lié à la marque, le team Pedercini profi te de l’aide de l’usine dans une certaine mesure, notamment au niveau de l’électroniq­ue, mais les résultats ne sont pas au niveau de ceux du team offi ciel. En ce qui concerne l’avenir, on sait depuis l’épreuve de Magny- Cours que la catégorie EVO, qui se veut plus proche du Superstock en termes de règlement technique, sera unique en 2015. La saison 2014 sera donc une année charnière avec des SBK et des EVO. Kawasaki conserve bien sûr ses deux pilotes au sein de la structure offi cielle Provec et poursuit le développem­ent de ses motos, mais la fi rme japonaise envisage aussi d’engager offi ciellement une machine EVO afi n de préparer au mieux l’édition 2015. L’autre possibilit­é serait d’utiliser une structure indépendan­te pour engager un pilote en EVO qui devrait être Fabien Foret. Le team d’Adrien Morillas est aussi en course pour faire rouler Jérémy Guarnoni en EVO. Le budget du service compétitio­n Kawasaki sera donc le juge de paix. Quant au MotoGP, Kawasaki n’envisage pas, à l’heure actuelle, de s’y engager, compte tenu de l’avance des constructe­urs tels que Honda et Yamaha et des budgets requis. Les dernières années n’ont apporté aucune satisfacti­on, et l’épisode Hayate en 2009 avec Marco Melandri a prouvé que l’usine n’avait pas besoin d’investir autant d’argent. D’autant qu’avec un budget très largement inférieur, Kawasaki a réussi à se battre pour le titre en Superbike très rapidement. Mais si le règlement évolue rapidement vers ce que proposent les machines en catégorie Open, Kawasaki pourrait envisager un retour en MotoGP. L’idée de retoucher un peu la partie- cycle, de faire travailler Akira sur le moteur pour augmenter la puissance avec par exemple, des valves pneumatiqu­es n’est pas si utopique que cela, la moto de Sykes étant actuelleme­nt plus rapide que les CRT du MotoGP... Mais pour le moment, la fi rme japonaise se concentre sur la conservati­on de son titre Superbike et attend l’évolution des différents règlements des années à venir.

ÉQUIPE ESPAGNOLE/USINE JAPONAISE : UNE ALCHIMIE PARFAITE DEPUIS 2012

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