MICHELIN LA PREMIÈRE VICTOIRE
Lors de la saison 1973, Jack Findlay remportait le Senior TT et offrait à Michelin sa toute première victoire en catégorie reine. C’était le début d’une longue aventure humaine et technologique.
Déserté par la plupart des pilotes, ce Tourist Trophy 1973 est la dernière épreuve inscrite au calendrier du championnat du monde de vitesse sur route. Poussé par la disparition de son ami Gilberto Parlotti en 1972, Giacomo Agostini a mené le boycott. Le manque de sécurité ( mais aussi l’absence de prime de départ pour les ressortissants du Commonwealth !) a incité une majorité des pilotes les plus connus à ne pas faire le déplacement jusqu’à l’Île de Man. On ne retrouvait au départ qu’une poignée de « privés » rapides et les « Holidays racers » , des amateurs qui venaient faire le TT pour le plaisir de l’avoir fait. Au milieu des spécialistes anglais, Jack Findlay fait partie des favoris avec ses Suzuki de l’importateur italien ( la SAIAD avait reçu ces machines du Japon en vue de « préparer » l’arrivée de la RG 500). Jack est engagé en Formule 750 et en en 500 cm3. L’Australien abandonne en 750 sur rupture de transmission primaire de la TR 750. De toute façon, la consommation excessive de son gros deux- temps l’aurait irrémédiablement handicapé face à la Norton de Peter Williams qui remporte là son premier TT.
LA MARSEILLAISE AU TT
Pour le Senior TT, la donne est différente et Jack Findlay mène sa course plus sereinement avec sa TR 500 III à refroidissement liquide ( cette nouvelle version développe 73 ch à 8 000 tr/ min). Après l’abandon de Mike Grant, Findlay n’a que Peter Williams à surveiller. Et, même si le pilote à lunettes envoie du lourd au guidon de son antique Arter Matchless ( il effectuera les 5 tours de la course au- dessus du « ton » , c’est- à- dire à plus de 160 km/ h de moyenne avec son mono !), il terminera deuxième à plus d’une minute du pilote Suzuki. Après 31 participations mal récompensées ( 18 abandons), Findlay remporte enfi n le TT à 163,39 km/ h de moyenne. Il peut savourer son succès et la prime de 1 000 £ qui va avec en écoutant la Marseillaise sur le podium ! Eh oui, Jack Findlay court avec une licence française et des pneus auvergnats ! À cette époque, Claude Decottignies était l’unique technicien Michelin présent sur le Continental Circus. Aujourd’hui âgé de 83 ans, il se remémore le début de cette épopée. « En 1973, on ne disposait que de pneus dits ‘‘ de marche courante’’ que Michelin distribuait gracieusement à tous ceux qui en voulaient. Inutile de vous préciser que j’en montais une quantité incroyable chaque week- end de course. » Il faut croire qu’ils fonctionnaient pas trop mal puisqu’en 1974 Kent Andersson enlevait le titre 125 cm3 sur une Yamaha offi cielle équipée de Michelin ! « J’avais la même vie que les pilotes » , continue Claude « Je sillonnais l’Europe de long en large pour suivre les Grands Prix. Je me déplaçais avec un Citroën Type H rempli à ras bord : les bouteilles d’azote, l’équilibreuse, l’outillage et environ 70 pneus en différentes dimensions ( 2.75 x 18 M38 PZ2 pour les 125 ; 3.25 x 18 S41 PZ2 et 3.50 x 18 S41 PZ2 pour les 250 et 350 ; 4.25 x 18 M45 pour les 500 et 750), ainsi que les chambres à air. J’avais négocié la possibilité d’atteler ma caravane personnelle et ma femme m’accompagnait une partie de la saison, sinon je ne la voyais jamais ! Cette vie était belle et passionnante. Ce n’était pas de tout repos mais c’était agréable de faire partie de cette grande famille. » Claude Decottignies n’était pas présent au Tourist Trophy mais il se souvient que Jack n’aimait pas trop cette course où les plaques d’égout et les chiens qui traversaient la piste, faisaient partie du jeu...
LA FAUTE À MOTO GUZZI
Dans ses mémoires, Pierre Dupasquier, l’ancien patron de la Compétition raconte comment « tout » a commencé en Italie. En 1970, Moto Guzzi lançait sa nouvelle V7 Sport à l’assaut du circuit de Monza pour établir de nouveaux records d’endurance. À l’époque, c’était une façon élégante de démontrer les qualités d’une machine sportive et, si la Guzzi avait tenu le coup, on ne pouvait pas en dire autant de ses Michelin,
des M45 de série. Ces pneus faisaient le boulot sur la route mais ils n’étaient absolument pas conçus pour supporter les contraintes de la parabolique du tracé italien. Le mélange de gommes était parti en morceaux mais la carcasse était restée intacte et le pneu ne s’était pas dégonfl é ! « Cette caractéristique nous est restée en mémoire et nous en avons fait une règle stricte » , se souvient cette fi gure légendaire des paddocks. « Un pneumatique poussé dans ses derniers retranchements doit se dégrader en prévenant son pilote mais ne doit en aucun cas exploser. » Michelin commence à considérer la moto d’un autre oeil car cela permettait de s’adresser à un public plus jeune. Le correspondant Michelin en Italie, le sinore Campellone avait établi des contacts avec la SAIAD. Les deux pilotes de cette écurie étaient Jack Findlay et Guido Mandracci. Ce dernier courait également en endurance pour Moto Guzzi et il connaissait déjà les Michelin. Cette première association allait conduire Michelin à augmenter son investissement en compétition. Dès 1974, de vrais pneus Racing allaient apparaître et permettre à Michelin de s’imposer dans toutes les cylindrées. Mais c’est une autre histoire...
LA SAISON 1973 EST LE POINT DE DÉPART DE LA RÉVOLUTION PNEUMATIQUE