GP Racing

MOTO2 : TRANSFIORM­ERS

- Par Vincent Boyer. Photos VB et JeanAignan Museau

Focus sur le proto TransFIORm­ers de Christian Boudinot, qui a réalisé un très beau GP de France.

18e au dernier GP de France Moto2, Lucas Mahias a fait briller la TransFIORm­ers. Focus sur cette machine française développée par Christian Boudinot.

Christian Boudinot n’est pas qu’un rêveur. Ses idées originales pour construire une Moto2 ont été concrèteme­nt réalisées et la machine a crevé l’écran lors du dernier GP de France en occupant pendant un bon moment la 13e place avant de fi nir 18e. « Si on se fait remarquer pour nos performanc­es, analyse Christian, il y a deux raisons à cela : soit le pilote est très bon, soit la machine est très bonne. » Le talent de Lucas Mahias est incontesta­ble. Le jeune homme domine le championna­t de France Supersport comme jamais et sa progressio­n avec le team Yamaha GMT 94, en tant que 4e pilote, est remarquabl­e. Mais attardons- nous ici sur cette machine étonnante. Avec son carénage, elle ne se distingue pas vraiment d’une autre Moto2. Les différence­s sont à l’intérieur... Ancien pilote de Grands Prix dans les années 80 puis mécano pour de nombreux teams en GP avec notamment Sylvain Guintoli, Randy de Puniet, Louis Rossi ou encore Mike Di Meglio, Christian Boudinot a commencé à travailler sur son projet à la fi n de la saison 2011. « Quand j’étais pilote en GP 250, j’ai roulé sur la machine de Claude Fior avec son système de train avant à double triangle, raconte Christian. J’ai trouvé ça tellement fantastiqu­e que lorsque la catégorie Moto2 est arrivée en Grands Prix avec moteur unique et châssis libre, je me suis lancé dans la fabricatio­n de ma machine. Je ne suis pas complèteme­nt parti de zéro. Comme je travaillai­s dans le milieu, j’ai pris les cotes de différente­s machines : des FTR, des Kalex, des Suter... En 2011, je bossais en Moto2 sur les Moriwaki donc j’ai repris les cotes en les adaptant à la fourche. Sur les Fior des années 80, les moteurs étaient porteurs et faisaient la rigidité de la machine, mais je ne pouvais le faire avec ma Moto2 car le moteur de la Honda CBR 600 est trop large et ses fi xations trop fragiles. » Le projet a donc été lancé fi n 2011 et la TransFIORm­ers a fait sa première course en 2012 en championna­t d’Espagne. Mike Di Meglio, lui, a pu faire ses premiers tours de roues pendant l’été 2012 avec une partie- cycle en aluminium. C’est Lucas Mahias qui a ensuite disputé la première course en championna­t d’Espagne Moto2 lors de la fi nale à Valence. « Il a fi ni 10e de cette course, poursuit Christian, mais je ne voulais pas continuer en championna­t d’Espagne car le règlement permet de préparer le moteur et l’électroniq­ue. Les coûts de développem­ent sont donc bien plus élevés, alors que le boîtier unique du championna­t du monde coûte nettement moins cher. En revanche, l’engagement y est moins élevé – de l’ordre de 300 € par course –, alors qu’en mondial, il faut compter 13 000 € pour une wild card avec une visibilité autrement plus importante... Durant l’hiver, j’ai modifié ma machine et je suis passé à un cadre en acier, tout aussi performant, mais surtout moins onéreux et plus malléable. C’est Lucas qui a fait les premiers tours de roues sur le circuit de Nogaro, mais il était moins motivé car il avait un moins bon feeling. Comme on était engagé pour le GP de Brno en République tchèque, il n’a toutefois pas voulu me laisser tomber. On était au fond du paddock et nos performanc­es sont passées un peu inaperçues, mais on a bien progressé tout au long des séances et il termine sur des chronos en course à moins de 2 secondes des premiers sur un circuit diffi cile qu’il ne connaissai­t pas, sans shifter et sans compte- tours... »

UN CADRE ACIER MOINS ONÉREUX ET PLUS MALLÉABLE

Le potentiel est là et ce premier résultat est encouragea­nt. Christian a ensuite retravaill­é sur sa machine. Il désire alors disputer les deux dernières courses du championna­t d’Espagne, mais se retrouve sans pilote, Lucas Mahias étant engagé avec une autre équipe. C’est fi nalement Valentin Debise qui prend le guidon de la TransFIORm­ers. Qualifi é en 34e position à cause d’un faisceau électrique récalcitra­nt datant de 2010, il parvient à remonter jusqu’en 10e position. Pour la deuxième course, sur la piste de Jerez, où il est moins à l’aise, il termine en 13e position. Après un hiver passé à revoir encore de nombreux détails sur sa machine, Christian Boudinot demande à Lucas Mahias d’effectuer une nouvelle séance d’essais avant la wild card pour le Grand Prix de France au Mans. « Nous sommes allés sur le circuit de Pau pour des essais au mois de mars. Mais sous la pluie, il n’a pas pu vérifi er beaucoup de choses. Pourtant, il a roulé à seulement 6 secondes de ses temps sur le sec. Il m’a dit qu’il n’avait pas de feeling, mais qu’il avait une très grande vitesse de passage en courbe et que la moto ne bougeait pas. Ses chronos étaient vraiment surprenant­s. Quelques semaines avant le GP de France, il a de nouveau essayé la moto, mais il a chuté. Il roulait au sein d’un stage de pilotage et il n’était pas à l’aise au milieu des autres motos, beaucoup moins rapides. Comme on a peu de pièces de rechange, on a peu roulé. J’ai ensuite fabriqué un nouveau châssis pour la course du Mans. Nous sommes arrivés sans un seul roulage. Mais dès les premiers essais, Lucas était dans le rythme et en course, il roulait à moins d’une seconde du meilleur tour. Il était 13e pendant la moitié de la course, mais a rétrogradé un peu en fin de manche car la machine n’a pas pu être réglée au mieux pour une durée aussi longue. On s’est néanmoins fait remarquer. On sait qu’on a encore une belle marge de progressio­n, et on a prouvé que la machine avait du potentiel. Il faudrait que Lucas puisse rouler encore plus souvent afin de mieux régler la machine car elle est complèteme­nt différente des autres Moto2. La TransFIORm­ers offre de nombreuses possibilit­és de réglage, mais on n’a pas encore pu les essayer vraiment. » Ce qu’il manque donc à Christian Boudinot, c’est du temps de roulage. Le budget est un facteur primordial dans la réalisatio­n de ce projet. Deux jours avant le GP du Mans, il n’était même pas sûr de pouvoir venir rouler. « Comme ça s’est bien passé au Mans et qu’on a eu quelques belles retombées médiatique­s, on peut envisager de disputer deux nouvelles wild card cette saison. L’an dernier, on a dû envoyer 150 dossiers de demandes de partenaria­t. On a eu deux réponses, toutes deux négatives... Le projet pouvait faire peur, mais maintenant qu’on a démontré ce que l’on pouvait faire, même si ce n’est qu’une 18e place, ça sera peut- être différent... » On croise les doigts avec lui pour voir un jour triompher cette Moto2 fabriquée à la main.

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