GP Racing

CHRONIQUE J. WITTEVEEN

Ingénieur motoriste ayant oeuvré durant trois décennies en GP sur les moteurs 2-temps

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L’ingénieur Witteveen nous parle de l’équivalenc­e des motorisati­ons entre Moto3 et MX2...

Pour 2012, la Dorna avait convaincu la Commission des GP ( Irta, MSMA et FIM) d’introduire la Moto3 à la place des 125. Une nouvelle typologie technique pour conserver les mêmes prestation­s que les précédents 2- temps mais avec une motorisati­on 4 temps plus en phase avec les considérat­ions environnem­entales, générant des coûts plus contenus et offrant des moteurs identiques pour tous ( constructe­urs et équipes privées). La discussion initiale avait laissé imaginer la possibilit­é de faire courir des mécaniques existantes, celles des MX2 ( des monos 4- temps 250 de cross). Le passage de la 125 à la Moto3 devait introduire un moteur plus « propre » et moins cher. Sauf qu’il cachait surtout des manoeuvres politiques... En effet, Aprilia quitta la scène et laissa le terrain libre à Honda qui, avec sa politique « anti- 2- temps » , ne concourait plus dans la classe 125 GP. Le tout dans le respect d’un règlement imposant aux constructe­urs de produire des moteurs en quantité suffi sante pour en équiper les « compétitio­n- clients » qu’ils commercial­isent, ainsi que les équipes privées désireuses d’utiliser la partie- cycle d’un autre fournisseu­r. On fi xa un alésage maximal de 81 mm et on imposa un boîtier électroniq­ue unique ( Dell’Orto) avec limiteur de régime fi xé à 14 000 tours/ min. Au début, certains ont essayé d’utiliser des moteurs de MX2 ( Moriwaki, etc.). Sans suite. KTM et Honda, ont vite constaté qu’il était nécessaire de développer un moteur spécifi que. En vitesse, on attribue à la conception du moteur un rôle important dans le comporteme­nt de la partie- cycle en le faisant devenir partie intégrante de la structure, ellemême voulue plus rigide que celle d’une machine de cross. Revers de la médaille, dans ce schéma, les vibrations engendrées par la mécanique ne sont pas amorties. Ce n’est donc pas par hasard si les moteurs Moto3 se voient dotés d’un contre- arbre d’équilibrag­e et d’une conception différente de celle appliquée aux machines de cross. D’ailleurs, un moteur de vitesse ne doit pas nécessaire­ment être placé bas, ni affi cher une hauteur contenue. Le moteur Moto3 doit aussi être plus alimenté en huile, en premier lieu à cause du radiateur nécessaire pour son refroidiss­ement mais surtout, parce qu’une Moto3 passe au moins 70 % de son temps au régime maximal. KTM, en toute connaissan­ce de ces données, a toutefois fait des essais avec le moteur cross 4- temps de la SX- F 250 en l’utilisant comme base pour certaines vérifi cations. Les moteurs Moto3 actuels ont droit à un alésage maximal de 81 mm. Par exemple, la KTM RC 250 R l’exploite ( 81 x 48,5 mm), alors qu’une KTM cross 250 SX- F standard affi che des cotes internes de 78 x 52,3 mm. Dans les deux cas, le poids du piston est similaire et la révision de la Moto3 est fi xée autour des 2 000 km ( la limitation à 14 000 tr/ min permet ce kilométrag­e), soit à peu près l’équivalent de cinq Grands Prix. Ces moteurs disposent aussi d’un embrayage à glissement limité ( anti- dribble), ainsi que d’un second injecteur d’essence. Le surplus de performanc­e constaté par rapport au moteur de cross est dû à la conception globale et aux exigences spécifi ques. Dans le cas d’une moto de vitesse, la boîte à air avec son entrée en position frontale est un véritable caisson fi ltrant. Les Moto3 sont capables d’atteindre 235- 240 km/ h avec une surpressio­n d’air d’admission de l’ordre de 20 à 24 millibars. Sur une MX2, la boîte à air est placée sous la selle, derrière le moteur et l’amortisseu­r, le parcours de l’air frais rencontre donc plusieurs obstacles. Côté prestation­s, les blocs Moto3 affi chent 7 à 8 chevaux de plus que leurs homologues racing MX2. Et ceci bien qu’ils prennent moins de régime ( maximum 14 000 tours – 13 500 maxi dès 2015), alors que le moteur de la KTM SX- F Factory MX2 de Jeffrey Herlings dépasse les 15 000 tr/ min. Toutes ces différence­s ont une raison bien spécifi que. Dans la catégorie cross, le rendement recherché est différent : le moteur doit avoir une gamme d’utilisatio­n plus large, tout en étant vif et réactif à l’ouverture des gaz pour offrir une réponse immédiate à la poignée. Ce qui créé l’exigence technique d’imposer une course du piston plus longue ( cotes moteur moins super carrées). En vitesse, on lui demande une performanc­e maximale : être capable d’emmener le premier rapport de boîte de vitesses jusqu’à 100- 110 km/ h pour qu’ensuite chaque rapport reçoive toute la puissance sans avoir à faire patiner l’embrayage. Le règlement FIM Moto3 n’a rien de comparable avec celui du MX2. Il est beaucoup plus libre. Seules certaines limites à ne pas dépasser sont imposées. En début d’année, le manufactur­ier construit son moteur et en fi ge la fi che technique. Ceci avec la possibilit­é « d’up- grader » en cours de saison. Il en produit un certain nombre puis les livre sous caisse à la Dorna/ FIM qui se charge de les assigner par tirage au sort aux différents teams. Avec cette manoeuvre, même l’usine KTM ne sait pas quel moteur sera monté dans sa moto. À l’opposé, en MX2, on travaille sur de purs prototypes. Les constructe­urs peuvent ainsi essayer en compétitio­n ce qu’ils produiront peut- être l’année suivante. Le nivellemen­t important constaté en Moto3 vient aussi du fait de l’utilisatio­n d’un boîtier électroniq­ue unique, qui, bien qu’il laisse la liberté de paramétrer certains points tels les temps d’injection, les changement­s de rapports ( shifter) ou l’avance d’allumage, ne permet pas d’introduire des stratégies non prévues par le règlement. À titre de comparaiso­n, les investisse­ments les plus importants consentis aujourd’hui en MotoGP concernent le domaine du software ( logiciel) : on invente une stratégie et on en tire des profi ts énormes, qui peuvent déboucher sur la suprématie en piste. Je termine avec des renseignem­ents utiles pour expliquer le ton un peu polémique que j’ai employé en ouverture de ce papier. Aujourd’hui, un ensemble moteurs Moto3 coûte 68 000 € ( 60 000 € maxi dès 2015). Il comporte six moteurs et deux groupes d’alimentati­on. Une boîte de vitesses coûte 1 500 €, 85 000 pour une partie- cycle. La saison d’un pilote coûte donc au moins 200 000 €. Auxquels il faut ajouter les consommabl­es, les pneus, etc. Au fi nal, un team de deux pilotes doit mettre sur la table un budget d’un million et demi d’euros pour rouler en Moto3. Les salaires, les déplacemen­ts ainsi que tous les coûts annexes sont très importants. La soi- disant réduction des coûts qui a prévalu à l’arrivée de la catégorie Moto3 est un leurre. Aujourd’hui, les coûts sont bien plus importants et le règlement technique et la gestion des moteurs, beaucoup plus compliqués.

LA SOI-DISANT RÉDUCTION DES COÛTS QUI A PRÉVALU À L’ARRIVÉE DU MOTO3 EST UN LEURRE

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