GP Racing

BOOT CAMP D’EDWARDS

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Colin Edwards a annoncé qu’il prendrait sa retraite en fi n d’année. Une visite chez lui au Texas s’imposait.

Maintenant qu’il a annoncé sa retraite pour la fin de l’année, Colin Edwards va pouvoir se consacrer entièremen­t à son fameux “Texas Tornado Boot Camp”. Nous y sommes allés pour rencontrer dans son jardin celui qu’il faut bien considérer comme l’une des dernières figures du sport moto américain.

« J’AI TOUJOURS ÉTÉ UN PEU TROP GENTIL POUR GAGNER EN MOTOGP »

Immense réservoir de quatre- vingt- cinq kilomètres carrés relié à la rivière San Jacinto, le lac Conroe a été créé pour sécuriser l’approvisio­nnement en eau de Houston, l’une des plus grandes villes du sud des États- Unis. Accessoire­ment, le lac Conroe permet aussi à quelques privilégié­s de disposer de vastes demeures joliment situées. Ainsi, Colin Edwards qui, de son jardin, n’a que trois marches à descendre pour se glisser sur le pont de son bateau. « On vit plutôt bien dans ce coin du Texas, admet le vétéran du championna­t MotoGP en nous faisant visiter sa propriété. Je n’ai pas hésité longtemps quand j’ai pu m’installer de ce côté de Montgomery. » Il n’a pas hésité davantage quand il a pu s’offrir le vaste lopin de terre qui héberge aujourd’hui son Texas Tornado Boot Camp, à quelques miles de chez lui, au 17700 Mail Route Road. Il raconte : « J’ai acheté ces dix hectares il y a vingt ans. C’était l’époque où j’allais m’entraîner en Californie, à Modesto, chez Kenny Roberts. On roulait sur une piste de dirt avec des 100 Honda. Je me suis dit que ce serait bien de faire la même chose au Texas. Au départ, j’ai créé cette piste pour m’entraîner et m’amuser le week- end avec les copains. On a très vite eu des demandes de gars qui voulaient venir rouler avec nous pour apprendre les bases du pilotage. À quoi servent les mains, les jambes... Comment repousser ses limites, se sentir en confi ance.

ICI, TOUT EST FOURNI, SAUF LA BROSSE À DENTS

J’ai formé des instructeu­rs, et après avoir bâti le garage, on a construit l’hôtel. Ceux qui viennent ici n’ont besoin d’emmener que leur brosse à dents et une paire de caleçons ! Tout le reste est fourni. » Chez Edwards, on roule sur de petites Yamaha 125 TTR équipées d’un pneu de route à l’arrière. Ça ne va pas très vite, mais ça glisse beaucoup et ça permet de travailler les fondamenta­ux. « On a plusieurs pistes, et l’une d’elles est même tracée sous un toit de cent mètres carrés qui nous permet de travailler quand il pleut. C’était quelque chose auquel je tenais car on a des gars qui viennent de très loin pour rouler avec nous. » Chez Edwards, on assure aussi l’ambiance. « On a très souvent des pilotes de Grands Prix qui nous rejoignent, et puis avec ma femme Alyssia, on soigne nos stagiaires, se félicite Colin. Le BBQ est une autre de nos spécialité­s. » Pour l’instant, le Texas Tornado Boot Camp tourne avec seulement sept stages de trois jours et demi à l’année. L’hôtel peut accueillir vingt- quatre personnes, soit dans de petits dortoirs en fonction des affi nités, soit dans des chambres familiales. Car chez Edwards, on peut aussi venir avec femme et enfants. « Les gens viennent ici faire de la moto, mais aussi passer un bon moment avec les copains, précise Colin. C’est pour cela qu’on s’occupe bien de leurs repas et qu’on leur fournit un bon lit pour qu’ils puissent récupérer la nuit. » Afi n d’agrémenter les séjours de ses stagiaires, le Texan propose aussi quelques activités annexes bien de chez lui. Au Texas Tornado Boot Camp, on tire en effet à la carabine et au fusil de précision,

« MANIER DES ARMES PROCURE DES SENSATIONS QUE RIEN N’ÉGALE »

« JE ME DEMANDE SI MA FEMME VA SUPPORTER DE M’AVOIR TOUS LES JOURS À LA MAISON »

on envoie dans le ciel des fûts de cinq cents litres à coups d’explosif... « Le gros de nos clients a une quarantain­e d’années, mais on a des personnes de tous les âges et de tous les niveaux, poursuit Colin. Des gamins qui veulent courir, des anciens qui veulent encore progresser ou seulement se remettre à niveau... » Et pas mal d’Européens qui profi tent de leur passage au bootcamp pour s’initier au maniement d’armes interdites chez eux. « Les armes font partie de notre culture, affi rme le Texan. Personne n’est obligé de participer aux séances de tirs, mais la plupart de nos clients apprécient de pouvoir le faire. Et franchemen­t, je les comprends. Manier des armes procure des sensations que rien n’égale. » Le séjour n’est pas donné – autour de 2 500 euros – mais les stagiaires repartent généraleme­nt satisfaits. « Colin et sa femme sont adorables, témoigne Andrea, venu d’Italie pour découvrir le Texas Tornado Boot Camp. Ici, on apprend à faire de la moto mais surtout, on s’amuse. Il n’y a rien de très formel, c’est ce que je trouve sympa. »

« L’HEURE EST VENUE DE M’OCCUPER DE MA FAMILLE »

L’an prochain, Edwards va pouvoir intensifi er le nombre de ses stages. À la veille du Grand Prix des Amériques, le sociétaire de l’équipe Forward Racing a en effet annoncé qu’il remiserait en fi n de saison son arsenal de pilote de Grands Prix. Surclassé depuis le début de l’année par Aleix Espargaro, son nouveau coéquipier, Edwards admet qu’il a aujourd’hui du mal à faire évoluer son pilotage pour s’adapter aux spécifi cités de sa Yamaha Open et des nouveaux pneus Bridgeston­e. « C’est devenu diffi cile à mon âge, admet le Texan. J’ai fait l’essentiel de ma carrière avec des motos qui n’avaient rien à voir avec les MotoGP d’aujourd’hui. L’électroniq­ue a transformé le pilotage, et j’avoue que j’ai de plus en plus de mal à m’amuser sur ces machines. » Mais l’essentiel est ailleurs. « À quarante ans, l’heure est venue de m’occuper de ma famille, justifi e- t- il. Mes trois enfants grandissen­t, mon fi ls commence à bien se débrouille­r au baseball... J’ai envie d’être davantage présent auprès d’eux. Ma seule inquiétude concerne ma femme. Je me demande si elle va supporter de m’avoir tous les jours à la maison. » Il est vrai que depuis 1995 et son arrivée en Mondial Superbike, Colin Edwards a passé le plus clair de son de temps à parcourir la planète. Double champion du monde de la discipline avec Honda en 2000 et 2002, le Texan aura par la suite disputé douze saisons de MotoGP ponctuées de douze podiums, mais d’aucune victoire. « Il m’a toujours manqué un petit quelque chose, déplore- t- il. En 2004, j’aurais dû remporter le GP du Qatar si un pilote n’avait pas cassé son moteur devant moi. » Et en 2006, Edwards aurait pu s’imposer aux Pays- Bas s’il ne s’était pas accroché avec Hayden dans la dernière chicane du circuit d’Assen. « J’avais vingt- neuf ans quand je suis arrivé en MotoGP, rappelle- t- il. Quand je vois ce que fait Marquez aujourd’hui, je me dis que j’étais déjà un peu trop vieux. Et puis j’ai toujours été un peu trop gentil... » Ça n’est d’ailleurs pas pour rien que Valentino Rossi avait insisté fi n 2004 pour que Yamaha en fasse son coéquipier. L’Italien était à l’abri que le Texan lui fasse de l’ombre. « Et il savait aussi que je pouvais l’aider à développer la moto et les pneus, ajoute Colin. Depuis notre victoire commune aux Huit Heures de Suzuka en 2001 avec Honda, nous étions restés proches. » Fidèle et dévoué, c’est aussi pour cela que sa carrière aura été aussi longue. « J’ai toujours eu la confi ance des gens avec lesquels j’ai travaillé, affi rme le Texan. Chez Yamaha comme chez Michelin, les technicien­s appréciaie­nt mon travail de l’ombre. » Passé il y a deux ans du team Tech3 à l’équipe Forward Racing, le pilote américain aura en tout cas gagné son dernier pari en permettant à la structure de Giovanni Cuzari de se faire une place parmi le gratin du MotoGP.

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