GP Racing

LE 1ER RADIAL MICHELIN

- Par Jean-Louis Basset. Photos archives MR

Après Sheene et le 1er slick, GP Racing vous raconte l’histoire de Spencer et du premier pneu radial.

Après avoir débuté en Grands Prix en 1973, Michelin, petite entreprise clermontoi­se, s’est mué en véritable machine de guerre, trustant titres et victoires dans toutes les catégories jusqu’au Grand Chelem de la saison 1977.

En sports mécaniques comme ailleurs, une domination totale est faite pour être mise à mal par la concurrenc­e. Et après avoir trusté tous les titres, la machine à gagner clermontoi­se commence à s’enrayer en 1978. De 1978 à 1980, Michelin est à la tête d’un bien maigre bilan, qui ne compte qu’une seule victoire. Au début des années 80, l’arrivée d’un jeune prodige nommé Freddie Spencer va bouleverse­r la donne. En 1981, ce dernier fait quelques apparition­s en Europe au guidon de la Honda 500 NR ( le « célèbre » moteur 4- temps à pistons ovales). À ce moment- là, Jean Hérissé, alors en charge du démarrage des usines en Amérique du Nord chez Michelin, rentre des USA et se voit proposer un poste à la Compétitio­n – un service dirigé par Pierre Dupasquier. Les « composants » sont en train de se mettre en place : Honda prépare son retour en 500 avec un 3- cylindres 2- temps compact et performant, le tout jeune Freddie va faire son apparition en catégorie reine sous la houlette de Erv Kanemoto et, après l’avoir imposé en F1, Michelin travaille sur un pneu à carcasse radiale pour les GP moto.

LA DOMINATION FRANCO-AMÉRICAINE

La saison 83 est magnifi que : Freddie Spencer remporte le titre avec 2 points d’avance sur Kenny Roberts et offre à Honda son premier titre en 500 depuis... 1966 ! Tout s’est joué à Anderstorp et Jean Hérissé nous explique pourquoi : « Le dernier Grand prix se déroulait à Imola où nous n’avions aucune chance de battre les Yamaha. Elles étaient trop rapides ! Il fallait à tout prix gagner le GP précédent en Suède et gérer le résultat en Italie. Freddie suivait Kenny en profi tant de l’aspiration dans la ligne droite mais, dès que ça tournait, la NS 3- cylindres était mieux avec les 16 pouces. Kenny avait des Dunlop en 18 pouces à l’avant et à l’arrière, et ça faisait une grosse différence en maniabilit­é. » Dans ce duel de titans, Spencer bat Roberts dans le dernier virage en prenant de gros risques. « Cette saison- là, Kenny priait Dunlop d’améliorer ses gommes et moi, je poussais Michelin à ne rien lâcher » , se souvient le champion.

DE LA MOTRICITÉ AVANT TOUTE CHOSE

En 1984, les pneus Michelin à carcasse radiale font leur apparition en course. « Pour Michelin, le radial permettait de maîtriser la qualité de surface de contact au sol. Ça a fonctionné parce que Spencer tirait 100 % du potentiel de sa machine » , explique Pierre Dupasquier, le patron de la compétitio­n de l’époque. « On se rendait compte que Freddie voulait de la motricité. La solution était d’élargir le pneu, mais cela augmentait le poids, souligne Jean Hérissé. Il n’avait pas une vitesse exceptionn­elle en courbe, toutefois il réaccéléra­it très tôt et très fort. » Dès lors, le radial devient une évidence. Après avoir loupé le premier Grand Prix de la saison ( à cause de la rupture de la jante en carbone de sa toute nouvelle Honda NSR V4 !), Freddie signe la première victoire du radial arrière lors de la seconde course à Misano. La première victoire d’une monte radiale complète est à mettre au crédit de Randy Mamola en fi n de saison ; il coiffe sur le fi l Raymond Roche au Mugello. « Cette victoire aurait dû revenir à Raymond, qui a énormément contribué à la mise au point du radial avant. Il était le seul pilote à rouler en permanence en radial à cause de sa réputation de gros freineur, se rappelle Jean. Au Castellet, Raymond

avait fait l’extérieur à Freddie dans la courbe de Signes ! De retour aux stands, Freddie m’a demandé de confi er le développem­ent des pneus avant à Raymond Roche. “Si les pneus lui vont, ils m’iront”, avait alors déclaré Freddie. »

UN PILOTE HORS NORME

« Pour un pilote, ce qui compte, c’est l’adhérence, la réactivité et l’endurance. Le radial constituai­t une avancée sur ces trois plans, se remémore Freddie Spencer. La première chose que j’ai remarquée avec le radial arrière, c’était la stabilité lors de la mise sur l’angle maximum. Et à la remise des gaz, il y avait moins de mouvement et la motricité était améliorée. Mais, du coup, l’avant bougeait plus. J’appréciais le radial car cela me permettait d’améliorer mes points forts. J’avais une bien meilleure sensation de la zone de contact du pneu avec le sol ! Je pouvais mettre les gaz plus tôt, ce qui était ma préoccupat­ion majeure en course. » L’infl uence du radial sur d’autres aspects de la conception des machines a été considérab­le et, une fois le bras oscillant rigidifi é, l’arrière n’était plus un problème. « Dès l’instant où l’on a eu une carcasse arrière qui fonctionna­it correcteme­nt avec la bonne gomme, l’avant s’est mis à pousser, tellement l’adhérence à l’arrière était forte. Il a fallu attendre 1985 pour résoudre le problème du pneu avant. C’était à Hockenheim et j’ai essayé un pneu qui m’a fait gagner 2 secondes au tour ! » , confi e le champion américain. La relation de confi ance entre Jean Hérissé et Freddie Spencer était totale. « J’avais appris l’anglais dans le Sud des États- Unis et on parlait le même argot » , souligne le technicien

« À HOCKENHEIM, J’AI ESSAYÉ UN PNEU QUI M’A FAIT GAGNER 2 SECONDES AU TOUR ! » SPENCER

Michelin. Cette osmose a certaineme­nt joué un rôle dans le résultat de la saison 85. Après une saison 84 en demi- teinte où Freddie jongle entre le V3 et le nouveau V4, il se lance dans une aventure impossible et signe un historique doublé en 250 et 500 cm3. Sous l’impulsion des pilotes américains, les GP basculent défi nitivement dans l’ère moderne et, sous l’élan de Michelin, le radial ravive la guerre du pneu pour quelques saisons encore...

 ??  ?? 1- Fidèle à sa volonté de développer des produits de haute technologi­e, Michelin fut la première firme à introduire le pneu à carcasse radiale en série : les A59X et M59X. 2- C’est en 1984, à Daytona, que Freddie étrennera une paire de pneus radiaux...
1- Fidèle à sa volonté de développer des produits de haute technologi­e, Michelin fut la première firme à introduire le pneu à carcasse radiale en série : les A59X et M59X. 2- C’est en 1984, à Daytona, que Freddie étrennera une paire de pneus radiaux...
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Après avoir maté Kenny Roberts, Freddie porte le numéro 1 sur la NS 3-cylindres en 1984 durant laquelle il ne remportera que 5 Grands Prix. La saison 85 vit Freddie réaliser son merveilleu­x doublé 250/500 cm3, les deux machines étaient équipées de...

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