GP Racing

ITW AKI AJO (MOTO3)

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Après Di Meglio, Marquez et Cortese, le boss de Ajo Motorsport espère récidiver avec Jack Miller.

Patron de l’équipe AJO Motorsport qu’il a créée en 2001, Aki Ajo est aujourd’hui une pièce centrale du championna­t Moto3. Après avoir conduit le Français Mike Di Meglio, l’Espagnol Marc Marquez et l’Allemand Sandro Cortese au titre mondial, le manager finlandais pourrait bien cette année en faire de même avec l’Australien Jack Miller. Confidence d’un patron amoureux de son travail...

Jusqu’à cette année, Jack Miller n’était jamais monté sur le podium d’un Grand Prix. Voilà qu’il remporte les deux premières courses de la saison. Quel est le secret du team AJO ?

Je ne sais pas... Tous les pilotes progressen­t au cours de leur carrière, c’est le cas de Jack en ce moment. Le fait d’avoir été recruté pour piloter une moto d’usine a probableme­nt boosté sa motivation. Il a peut- être aussi une moto plus performant­e que l’an dernier... Pour le reste, je ne sais pas si notre équipe a un secret, ce qui est sûr, c’est que nous cherchons toujours à progresser et à aider nos pilotes en essayant de trouver ce dont ils ont besoin. C’est à la fois notre objectif, notre ligne de conduite et notre façon de travailler. Mais ça ne fonctionne pas toujours...

Pourquoi avoir choisi Jack Miller pour remplacer Luis Salom ?

Jack a un vrai talent naturel, et c’est aussi un pilote que je connais depuis pas mal de temps. Dès son arrivée en Europe en 2010, il s’est rapproché de nous. Depuis, il est toujours venu nous voir, et nous avons même souvent voyagé ensemble. C’est un peu comme s’il faisait déjà partie de l’équipe. Le recruter s’est donc fait naturellem­ent. Mais au- delà de ça, c’est vraiment un bon gars. J’apprécie par- dessus tout son attitude. Il a la réputation d’être un peu fou, mais je le suis moi aussi, donc tout va bien ! Jack est un garçon intelligen­t qui respecte les gens autour de lui. Et ça, c’est quelque chose de très important pour moi.

Un Finlandais peut-il être aussi fou qu’un Australien ?

Pas de la même manière peut- être... Ce que je peux te dire, c’est que les Finlandais ont la réputation de pas mal picoler, mais face aux Australien­s, crois- moi, on ne fait pas le poids. ( Il se marre)

Revenons sur cette notion d’attitude. Que veux-tu dire exactement ?

Chez un pilote, la passion et l’envie sont des traits importants. Mais l’attitude dans le travail l’est encore plus à mes yeux. Un pilote ne doit pas être faible, il doit être sûr de lui, mais il doit aussi être ouvert et capable d’écouter pour s’enrichir. Aussi doué soit- il, de son comporteme­nt quand il descend de la moto dépend sa progressio­n. Un pilote doit être le ciment de l’équipe.

Beaucoup de pilotes sont passés chez toi. Leur as-tu toujours tenu le même langage ?

Oui, je leur ai parlé à tous avec mon mauvais anglais et mon accent fi nlandais. ( Il rit) Sérieuseme­nt, je pense avoir toujours tenu le même discours. Pour moi, un pilote doit se sentir libre, mais il doit aussi respecter des règles. Je ne crois pas avoir essayé de faire changer un de ceux qui sont passés chez moi. Mon implicatio­n dans la partie technique ne cesse de se réduire d’année en année. Je travaille toujours avec le groupe de technicien­s, mais je me demande parfois s’ils n’en ont pas marre que je foute la pagaille. ( Rires) Quand j’étais pilote, la technique était mon point fort. Idem quand j’ai monté l’équipe avec la préparatio­n des moteurs. Aujourd’hui, il faut bien reconnaîtr­e que je suis plus dans le business. Je dois gérer l’entreprise et m’occuper des pilotes. Pour en revenir à ta question, travailler avec de jeunes pilotes, c’est ce que j’aime le plus.

Qu’est-ce que tu apprécies aujourd’hui le plus dans ton travail : la partie technique ou la gestion humaine ? Ça n’est pas frustrant de former des gamins et de les voir ensuite partir ailleurs ?

Non, pas du tout car nous conservons de très bonnes relations. J’ai gardé des liens avec tous ceux qui sont passés chez moi.

Mais tu n’aimerais pas aller plus loin avec eux ?

Ça n’est pas un problème pour moi de passer le relais. J’aime bien travailler sur des périodes de deux ans avec les mêmes pilotes. Cela me permet d’apprendre et de mettre en applicatio­n ce que j’ai appris avec les suivants.

À ton avis, jusqu’où peut aller Jack ?

C’est diffi cile à dire... Une chose est sûre, il a envie et il progresse.

Que doit-il améliorer ?

Il n’a pas vraiment de points faibles. C’est un garçon plutôt calme et réfl échi, même s’il lui arrive parfois de s’énerver un peu. Au niveau de son pilotage, il a tendance à rentrer trop vite dans les virages, ce qui fait qu’il n’en ressort pas toujours très bien. Mais ce sont des détails, rien d’important. Il faut qu’il garde les yeux ouverts et qu’il apprenne chaque jour de chaque chose, mais surtout qu’il prenne plaisir à apprendre. C’est le plus important : s’amuser en apprenant. C’est comme ça que tu nourris ta passion et que tu progresses. C’est une recette que je m’applique à moi- même parce que je sais qu’en vieillissa­nt, je suis de plus en plus ignorant. Quand tu es jeune, tu crois toujours être le plus malin. Avec l’âge, tu comprends qu’il n’en est rien. À 46 ans, j’ai bien compris tout ça et c’est ce qui me donne encore plus envie d’apprendre.

Passons à Karel Hanika. Après avoir dominé la Rookies Cup en 2013 et effectué de très bons essais hivernaux, on le sent un peu en dedans en ce début de saison. Qu’en penses-tu ?

Je suis content de Karel. Il doit rester plus serein et garder davantage son calme. C’est un garçon extrêmemen­t enthousias­te, il veut gagner tout de suite. Je sais qu’il va y arriver. Un jour, il gagnera, c’est certain, mais il doit se donner le temps. Aujourd’hui, il se met trop de pression, il faut qu’il soit plus patient.

Honda a fait de gros efforts cet hiver pour faire progresser sa moto. Quel est ton avis sur le rapport de force actuel entre KTM et Honda ?

On a une belle compétitio­n mais avec, je pense, un certain équilibre. Personnell­ement, je suis très content de mes KTM.

À quel niveau avez-vous progressé depuis l’an dernier ?

L’usine a bien travaillé cet hiver. On avait beaucoup de choses à essayer et à valider durant les tests de pré- saison, et je suis très heureux des relations que nous entretenon­s. La moto a bien évolué en moteur, mais c’est surtout au niveau du châssis que nous avons progressé. On a fait un pas en avant, que ce soit en maniabilit­é ou en tenue de route.

Par rapport à la Honda, où sont les points forts de la KTM ?

C’est diffi cile à dire... Je ne regarde pas trop comment fonctionne la Honda car je suis concentré sur notre moto, mais je ne crois pas qu’il y ait de différence­s fondamenta­les. Je pense qu’elles concernent davantage des caractéris­tiques : l’une a peut- être un moteur plus puissant en haut mais un peu plus creux en bas, l’autre un châssis plus agile mais moins stable... Disons qu’en fonction des circuits, l’une peut être un peu plus à l’aise que l’autre.

Comment qualifiera­is-tu ta relation avec l’usine KTM ?

Elle est excellente. KTM me fait confi ance depuis la création du Moto3, nous avons même commencé à travailler ensemble en 2011 pour préparer la saison 2012. J’espère que notre collaborat­ion pourra continuer ainsi encore longtemps.

QUAND TU ES JEUNE, TU CROIS TOUJOURS ÊTRE LE PLUS MALIN...

Ton équipe était déjà une référence à l’époque de la 125 et tu adorais le deux-temps. La catégorie Moto3 t’apporte-t-elle les mêmes satisfacti­ons ?

C’est vrai que j’adorais les moteurs deux- temps. Je nourrissai­s à leur égard une passion personnell­e, mais cela ne m’empêche pas aujourd’hui d’aimer le Moto3 en tant que catégorie.

C’est pour cela que tu estimes avoir aujourd’hui une plus grande implicatio­n humaine et sportive que technique ?

Oui, peut- être... Les Grands Prix sont très différents aujourd’hui de ce qu’ils étaient en 2002 quand j’ai lancé mon équipe. Le business a pris plus de place, mais la passion du sport reste la même. Quand j’ai commencé, il fallait que je fasse en sorte

d’assurer la pérennité de l’équipe pour pouvoir prétendre à des objectifs sportifs. Il y a toujours des grincheux pour dire que c’était mieux avant, que l’argent a fait du mal au sport moto... Je ne partage pas ce point de vue. Il faut accepter les changement­s et faire en sorte de pouvoir en tirer avantage pour gérer la partie sportive du mieux possible. C’est la vie de n’importe quelle entreprise. Il y a des outils et il faut essayer de s’en servir correcteme­nt pour atteindre ses objectifs.

Tu n’as pas l’impression d’en faire un peu trop avec ces trois équipes que tu diriges ?

J’en ai même quatre si tu comptes l’équipe engagée en championna­t d’Espagne. Sans oublier que je m’occupe aussi du management de Maverick Viñales... C’est vrai que ça fait pas mal de boulot, mais je m’en sors.

Et ton fils Niklas ?

C’est un bon gars, je crois qu’il est en train de progresser.

Vivre en Finlande n’est pas non plus ce qu’il y a de plus simple pour orchestrer une écurie de Grands Prix...

Mes bureaux sont en Finlande, mais toute la partie technique de l’équipe réside à Barcelone. On ne pourrait bien évidemment pas remonter à Helsinki après chaque Grand Prix. De mon côté, je navigue entre les deux.

L’équipe AJO est aujourd’hui incontourn­able en Moto3. Tu n’aimerais pas engager une équipe en Moto2, et pourquoi pas un jour passer en MotoGP ?

Je suis très heureux de ma position en Moto3. J’ai de bonnes motos, de bons partenaire­s... J’ai la chance d’être à la tête d’une équipe privée qui dispose de motos offi cielles. En Moto2, il n’y a ni constructe­urs, ni jeunes talents à former. J’aurais beaucoup de mal à trouver le budget pour fonctionne­r. Quant à la catégorie MotoGP, je serais condamné à y faire de la fi guration, ou alors si je m’associais à une usine, je n’y aurais aucune liberté. Franchemen­t, je suis très heureux de ma position et du travail que je peux faire en Moto3.

Parmi les pilotes qui sont passés dans ton équipe, il y a eu trois Français dont deux qui ont brillé. Mike Di Meglio a été champion du monde 125 en 2008, et Johann Zarco s’est classé deuxième en 2011. Quels souvenirs t’ont laissé ces garçons ?

J’ai gardé de très bonnes relations avec eux, ainsi qu’avec Laurent ( Ndlr : Fellon), qui est indissocia­ble de Johann. En Argentine, j’ai passé un long moment à discuter avec Mike. Il m’a donné des nouvelles de sa famille, il m’a parlé de ses débuts en MotoGP... Je me suis toujours très bien entendu avec lui. Quant à Laurent et Johann, on a voyagé ensemble puisqu’ils ont profi té du bus que j’avais loué pour aller à Termas de Rio Hondo. Même si nos relations n’ont pas toujours été simples, je suis très content de les avoir connus.

Marc Marquez a décroché son premier titre de champion du monde avec toi….

... EN VIEILLISSA­NT, TU COMPRENDS QU’IL N’EN EST RIEN

Celui- là, c’est un phénomène. Il avait dix- sept ans et tu avais l’impression de travailler avec un type de trente- cinq balais. C’est un garçon très intelligen­t qui sait fédérer autour de lui les bonnes personnes.

Tu pensais qu’il décrochera­it le titre de champion du monde MotoGP aussi rapidement ?

Cela ne m’a pas surpris tant que ça. Aujourd’hui, c’est lui le patron.

De tous les pilotes avec qui tu as travaillé, quel est celui qui t’a le plus marqué ?

Je ne veux pas en mettre un plus avant que les autres. J’ai pris du plaisir avec tous, j’ai appris avec tous, et j’ai apprécié le travail avec chacun d’eux. Mes parents m’ont appris à ne pas classer les gens et à respecter tout le monde. C’est ce que je fais avec mes pilotes, mais aussi avec les mécanicien­s et tous ceux qui m’entourent.

Alors quelle est la plus belle leçon que tu as reçue ?

C’est une autre question à laquelle je ne peux pas répondre... J’apprends tous les jours, et c’est d’ailleurs pour cela que ce métier me passionne.

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1- Depuis qu’il a débarqué dans le team d’Aki Ajo, Jack Miller crève l’écran. 2- En 2002, Mika Kallio débarque en Grands Prix avec l’équipe finlandais­e qui, comme lui, fait son entrée sur la scène internatio­nale. 3- Dernier pilote français champion du...
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